L’autre jour, je parlais rapidement de l’influence des réseaux sociaux sur les médias et, donc, sur l’opinion, un gros serpent qui se mord la queue et qui est bien difficile de disséquer en un seul article (ça mériterait une thèse, facile). Mais du coup, la France, elle pense quoi en vrai ? Alors que j’ai envie de hurler de rage dès qu’un shitstorm de commentaires violemment racistes et haineux viennent envahir les discussions sous un article. Mais si finalement, la fachosphère est extrêmement active et monopolise la parole, ça veut dire que la France est moins rance que ce que je pense ?
Je n’arrive plus à démêler l’histoire, qui de l’oeuf ou la poule. C’est vrai, on cherche toujours à distribuer les mauvais points, qui a permis au FN de faire les scores qu’ils font toujours au 1er tour, qui a permis à *spoiler* Marine Le Pen d’arriver au second tour des Présidentielles ? Tous ceux qui n’ont pas mis le bulletin honni dans l’urne vont montrer du doigt avec colère : ce sont les médias, non, ce sont les réseaux sociaux !! Un peu comme pour l’élection de Trump, voyez. Alors que bon, la réponse est facile : ceux qui poussent Le Pen là où elle est, ce sont ceux qui ont voté pour elle.
Mais justement, pourquoi ? Déjà, la première erreur est de considérer que le vote FN est un vote monolithe, il n’y a pas une seule explication. Pour reprendre le vote Trump, par exemple, beaucoup y ont vu le vote d’une Amérique raciste mais pas tant que ça, finalement, il y a surtout eu un vote de l’Amérique déclassée, celle qui survit avec des petits boulots merdiques et cherchent un responsable à ce marasme. Je n’ai pas étudié le sujet mais je pense qu’on peut très facilement corréler vote pour l’extrême droite et crise économique (du coup, est-ce que le vote extrême gauche est corrélé à une période de faste économique ? Intéressant comme sujet, tiens). On choisit le candidat qui changera sans doute les choses en foutant un bon coup de pied à la fourmillière : au point où on en est, y a plus grand chose à perdre. D’où d’ailleurs la campagne “je suis le candidat anti système” (lolilol) qu’ils nous préparent tous.
Alors du coup, malgré la pléthore de commentaires racistes dégueulasses que je vois bien trop souvent et l’envolée de Mme Le Pen dans les sondages, suis-je victime d’un effet trompe l’oeil de ceux qui se sentent pousser des ailes et estiment leur parole raciste légitimée ? Ou est-ce juste que les commentaires crados autrefois limités au comptoir crasseux d’un vieux bar qui pue la clope froide sont parvenus à mes oreilles. Il est vrai qu’en tant que bobo gauchiasse, mon entourage immédiat est plutôt du genre cosmopolite et tolérant. On fréquente des gens de différentes origines et on n’en retire aucune gloire particulière vu qu’on ne choisit pas nos potes de par leur couleur de peau mais juste parce qu’on les trouve sympas, drôles et intéressants. Bien sûr, il reste toujours des relents de racisme ordinaire, ces petites vannes bien nases qu’on fait sur les Asiats, Noirs ou Arabes sans se rendre compte que c’est de l’humour oppressif mais globalement, personne dans mon entourage ne veut pendre haut et court les Arabes (c’est surtout eux qui prennent mais avec l’arrivée de Trump, on devrait pas tarder à se prendre un remake du péril jaune). Du coup, d’où ça sort, ces conneries de rémigration, grand remplacement, de “collabo islamiste”, d’associer systématiquement migrants à violeur… Pourquoi, quand tu appelles à la tolérance ou que tu te moques de ces conneries, on te traite de collabo islamo gauchiste alors que toi, l’Islam, tu t’en fous franchement. Vrai phénomène de fond ou gesticulation de quelques énergumènes très énevés ?
Parce que les réseaux sociaux sont quand même un effet très grossissant, j’ai envie de continuer à croire que la France reste un pays ouvert et tolérant, malgré la fièvre islamophobe qui se rapproche de plus en plus de mon entourage. On est loin des délires du grand remplacement mais quelques remarques qui me font voir rouge à chaque fois que je les entends, surtout quand ça vire à l’acharnement. Ici, tout n’est pas noir ou blanc, évidemment, le vivre ensemble se construit à tous et dans l’Islam comme dans toute autre communauté, y a des cons qui jouent pas le jeu. Mais la question reste : est-ce que le bruit de fond généré par tous les excités de la France rance ne finit-il pas par contaminer l’opinion ? Est-ce que je me leurre en pensant que tout ceci n’est que le fait de trois acharnés mais que globalement, en France, on reste super ouvert au cosmopolisme ? Et s’il n’est pas possible de répondre définitivement à la question, n’ai-je finalement pas le droit de choisir le camp de l’optimisme, être un Bisounours qui ignore les haineux parce qu’au fond, ils ne sont pas très nombreux ?
Mais d’un autre côté, n’est-ce pas un peu lâche de faire comme si ça n’existait pas et leur laisser tout un espace de parole, quitte à laisser une certaine contamination se faire ?