Bienvenue en Chômagie

(je débute une série sur le chômage, c’est-à-dire que je recycle de vieux articles écrits pour un autre blog aujourd’hui mort et je complète la série. Mais rassurez
vous, j’ai pas été virée !)

C’est l’histoire d’une fille, moi, qui avait tout prévu dans la vie : elle aurait de bonnes notes, étudierait à la fac, décrocherait des diplômes et aurait un emploi. Tout se déroulait comme prévu jusqu’à la partie emploi. Cette histoire est la mienne mais elle n’a rien d’extraordinaire, elle est même d’une banalité affligeante pour pas mal d’entre nous. Petits, on nous disait « travaille bien à l’école, c’est important », c’est fait. « Passe ton bac et décroche une mention, c’est important », c’est fait. « Les diplômes, c’est essentiel dans la vie ». J’ai deux maîtrises et un master professionnel. « Pars à Paris, c’est là-bas que ça se passe ! », c’est fait. Et pourtant, malgré mes diplômes (avec mention, je croyais que ça avait une importance, avant), mon déménagement, mes stages, mon pres book… La terrible vérité fond sur moi : me voici au chômage. Citoyenne de la chômagie, le pays où personne ne veut aller alors que nous sommes à peu près 2 millions à y résider (juste à l’échelle française), selon les chiffres officiels. Enfin, on dit pas chômeur, on dit chercheur d’emploi, c’est plus encourageant, moins dégradant.
 

On apprend toujours du regard des autres. Quand vous êtes étudiants (en bac++ sinon, ça ne marche pas), on vous regarde avec une certaine admiration. Quand vous dites que vous êtes chômeur, on vous regarde avec un regard soit compatissant, soit méprisant, voire les deux. Oui, ce n’est pas glamour, je sais, mais je fais ce que je peux pour m’en sortir, quoi qu’on en dise. Dans l’esprit collectif, on a vite fait d’associer chômeur (aka celui qui fout rien) et parasite. Je pense que ces gens là n’ont jamais vécu au RMI. Car qui veut vivre avec moins de 500 euros par mois ? Ca ne s’appelle pas vivre mais survivre, surtout dans la capitale. D’ailleurs, ça ne paie même pas mon loyer. Souvent, le chômeur est vite coupable : s’il ne travaille pas, c’est qu’il ne cherche pas. Il est bien connu que l’envoi d’une demi douzaine de CV engendre automatiquement un emploi, c’est Harry Potter à l’ANPE. Si je me penche sur mon cas personnel, l’équation
est la suivante : plusieurs centaines de CV envoyés (candidatures spontanées et réponses aux annonces) = une demi-douzaine d’entretiens = in fine un emploi. Oui car pour moi, l’histoire finit bien, je ne dirais pas par chance car ce n’est que l’aboutissement de ma recherche. Ceci étant, il ne faut pas nier non plus qu’il existe une part de chance parce que quand une centaine de candidats envoient un CV pour un même poste, il faut pas se leurrer, les 100 CV ne seront pas consultés, les premiers arrivés seront les premiers servis.

Etre au chômage est un emploi à plein temps car il y a beaucoup de choses à faire. Et c’est souvent dur de sentir la suspicion de ceux qui ne savent pas, qui n’ont jamais vécu en Chômagie : « tu envoies des CV ? ». Non, j’attends que l’employeur vienne sonner à ma porte, j’ai écrit en gros dessus « jeune femme au chômage cherche emploi ». Les « tu as envoyé un CV là ? », aussi, qui partent d’une bonne intention mais qui, au final, sont agaçants. Je passe mes journées à envoyer des CV là, puis là et là aussi, même là où les chances d’être prises sont infimes, voire inexistantes. Parce que « on ne sait jamais ». Etre au chômage, ce n’est pas juste passer ses journées à dormir et à faire du sudoku. Il y a beaucoup de choses à faire et j’en parlerai dans les prochains articles. Curieusement, j’ai parfois l’impression que le chômage est un tabou qu’on évoque peu en dehors des chiffres, telle une maladie. On dit « mon fils est au chômage » limite comme on dirait qu’il a le sida. Pourtant, 2 millions de chômeurs, ce n’est pas rien, qu’en est-il de leur vie quotidienne ? Sans
tomber dans le misérabilisme ou la complainte, en parler ne fera de mal à personne.

19 réflexions sur “Bienvenue en Chômagie

  1. Entendu la vacherie du jour, hier matin à la Poste : un homme en costume reçoit un coup de fil professionnel pendant qu’il fait la queue, son voisin se retourne vers lui, lui pose des questions sur son travail, s’ils embauchent… « Non » « Parce que je suis chômeur, vous voyez, je cherche du travail » Réponse dite sur un ton sucré « Oui. C’est bien. »

  2. Je connais bien la situation puisque j’y suis au chomage en ce moment. C’est vraiment agaçant les gens qui vous demandent « Alors ça y est tu as trouvé ? » alors que l’on a toujours rien et qui vous servent le meme discours tout plein de compation à chaque fois, au point de vouloir les fuir tant que votre situation n’aura pas changé.

  3. ah le chomage ! Merci pour les articles à venir, je sens que ca va me faire du bien. Je me sentirai moins seule. On a beau etre nombreux à vivre ca, j’ai l’impression d’etre seule dans mon coin. Je sors des ateliers ANPE et ca fait peur : 1h pour répondre à un questionnaire et 2h pour aller sur Internet chercher des offres. Parce qu’évidemment on a besoin d’étre « fliqué » pour faire des recherches sur le net… Et ce qui fait peur c’est mes collègues de galère. Quand on me dit « je ne sais pas faire un copier-coller de word à la page perso du site de l’ANPE », et surtout que l’idée ne lui soit pas venue après le 15e bug du site… eh bien j’avoue ca me démoralise.

  4. Lola > Je m’étais fait jeter par des journalistes de Muteen comme ça… 😉 Pourtant, je trouve que le culot devrait payer! 😉

    Legiant > Le jour où j’ai eu du boulot, tout le monde a été au courant donc c’était ps la peine de me demander avant si je trouvais! 😉 Et c vrai que les « mais tu vas voir, ça va aller, gnagnagna », c’est gentil mais le chômage, on passe nos journées avec, on n’a pas forcément envie d’en parler en plus.

    Odd > Moi, l’ANPE, j’ai très vite arrêté !!

  5. oui les questions sur « t’as trouvé? et tu devrais faire ça ou autre »… vous êtes gentils mais bon…ça me pousse plus à la provoc: nan je fous rien j’attends les allocs, au fait tes impôts ça va?
    Sinon pour moi c’est le Jobcentre ou j’ai fini par aller m’inscrire, à reculons, avec l’image de l’ANPE et finalement c’est pas si mal si on passe l’étape un peu infantilisante, (l’impression d’avoir des devoir à rendre!) Mais vu le systême anglais ou tout le monde peut se retrouver au chômage, enfin pas les cadres bien sur qui eux, peuvent « virer leur boite », c’est la moindre des choses d’avoir un organisme un peu supporter.

  6. Voilà ce qui se passe quand on fixe à 80% le taux de réussite au bac : les facs sont prises d’assault et les diplomes ne valent plus que dalle, sauf grandes écoles. Après faut pas s’étonner qu’on soit dans la panade avec nos beaux diplomes mais pas de boulot.

  7. @ Julien > Ce n’est pas qu’une question de diplômes, et de « grandes écoles » mieux que le reste. Ca énerve mon complexe d’infériorité quand j’entends ça. J’ai un diplôme soit disant recherché, sans être bac++. J’ai vécu quelques mois de chômage en province où j’avais absolument zéro opportunités. J’aurais été bac+15, ça aurait été la même merde, rien dans ma région. J’ai migré sur Paris pour trouver du travail. Avec mon petit diplôme et mes petites pattes de bac+2. Et ça a marché, au bon endroit au bon moment. Et avec le bon diplôme, qui sans être prestigieux… m’a permis de taffer!

  8. @Vicky : pas d’accord, bien sûr que si c’est une question de massification de l’enseignement supérieur. Pas dans ton cas certes, mais en général si.
    Il reste des diplomes qui assurent du boulot, je sui d’accord: un D.E. d’infirmier(e) et tu trouves direct tellement y’a pénurie.

    Par contre, il y a trente ans, quand 30% des bacheliers seulement allaient à la fac, une licence valait quelque chose. Tu pouvais bosser avec. Va t’en bosser avec une licence aujourd’hui, hors fonctionnariat…
    Les diplomes ont perdu de leur valeur par leur multiplication, du coup c’est la course aux 3ème cycles, qui eux mêmes pullulent.

    Tout le monde va à la fac aujourd’hui, même ceux qui n’y ont pas leur place. Pourquoi n’iraient-ils pas, en plus ils reçoivent un diplome…

  9. c’est aussi une question de mentalités, combien de parents préfèrent que leur enfant aille en filière générale puis en fac au détriment des filières techniques? Filières qui elles conduisent à un emploi plus spécifique certes mais aussi garanti. Enfin on s’éloigne du sujet je pense, qui était davantage le chômage et sa perception dans l’opinion plus que ses causes.

  10. Il faut tout de même avouer que la remarque de Matt est pertinente ….

    J’aurai jamais du aller a la fac avant de reprendre au BTS certe, technique, mais reconnu sur le marché du travail, bien plus qu’une licence en tout cas …

  11. Pour recentrer le sujet (oui Matt, on s’égare) mon chômage je le vis pas trop mal, c’est plutôt mon entourage qui le vit mal. Ca prouvent au moins qu’ils compatissent.

    « un garçon comme toi, bourré de talent, et beau garçon en plus! » (sic) Celle-là je ne peux plus l’entendre. Pire que le chômage, le traitement du chômage par les proches. Un calvaire j’vous dis.

  12. @julien: un problème de massification du supérieur? pas forcément. plutôt un problème de mauvais choix des filières…
    ça aurait plutôt tendance à arranger tout le monde d’avoir massification en médecine, maths, physique, chimie, bio, et autres matières compliquées avec des calculs dedans.
    Parce que même si ça n’a pas la réputation et les débouchés des écoles d’ingé, ça donne du boulot.
    Un gros souci à mon avis, c’est que coté sciences humaines, on n’a pas forcément le débouché facile, et pourtant, on a beaucoup d’élèves. Faut reconnaitre que c’est des matières souvent passionnantes là aussi, mais qui n’ont pas la même aura chez les recruteurs.
    Choisir sa filière en fonction de ses goûts? Ou en fonction de son utilité? C’est un choix très personnel à mon avis…bien que j’ai été plus attiré par le coté sciences « dures » pour mon compte -même si au boulot, j’en vois pas la couleur aujourd’hui-

  13. Bonjour Madame, Mademoiselle, Monsieur.

    Le pire c’est lorsque vous avez plusieurs casquettes et que l’on dit que vous êtes brillant (voir mon CV) et que vous acceptez tous les travaux même la plonge et que vous êtes au RMI qui ne vous paye même pas la nourriture parce que votre banque vous compte des écritures et des interêts à 20, 47% sur des intérets déjà accumulés. On vous enfonce d’avantage, par exemple actuellement je suis à – 3000 euros. Donc j’essaie de vendre via ebay des DVD, des bouquins, des timbres anciens, et je reçois un colis misérable du Secours populaire tout les 15 jours. Tout cela parce que moi je suis honnète, j’ai de l’éthique, et ne fabrqiue pas de bombe ou de site pornographique. Je n’ai aucun bien parceque j’ai été volé à plusieurs reprise. J’ai des romans autobiographiques qui totalisent 900 Pages pas encore édités. Voir le titre du Premier « Ne perturbe pas le rêveur, voyage avec lui » Donc vous qui recevais les ASSEDIC, pas de panique, il y a pire. DE plus vous ne risquez pas d’être obèse. de plus ce qui ne tue pas rend plus fort. J’arrète là ma rose cra je continue à essyer d’avoir un travail honnète.

    Belle continuation malgré ce Cambalache (voir wikipedia pour ceux qui ne savent pas ou n’ont pas voyagés en Argentine ou ne s’intéressent pas au Tango).

  14. Ce blog m’a bien diverti, alors je vais y aller de mon petit conseil pour ceux qui galèrent.

    Faites comme moi
    Jouez au poker , ce n’est pas bien compliqué de gagner 1000 euros par mois, si vous y investissez 30 heures hebdomadaires.
    Les gens font beaucoup trop d’erreurs à bas niveau.
    Ca vous fera un bon complément, le temps de trouver mieux.
    Au début, c’est mathématique, simple, sans risque , du moins tant qu’on aspire à gagner moins de 2 smic par mois et qu’on s’y investie pleinement.
    Il vous faudra compter environ 2 mois d’apprentissage et un petit pécule de 100 euros.

  15. Très beau récit d’un problème que je vis aussi (depuis quelques mois).
    Ton analyse est bonne et me fait du bien. Ce n’est pas tout les jours que l’on entend une voix dissonante sur ce sujet.

    Merci

  16. Et…Je n’avais pas vu que c’était toi Nina qui avait écris ce billet.
    Un autre que j’ai adoré de toi : tu y parles de t’être sentie la gardienne de la ville lorsque tu étais plus jeune.

    Tu me plais…t celib?
    oups, c vrai je suis chomeur 😉

  17. euh…ah oui !? j’aurais pourtant juré avoir lu sous ton billet 00h37… Ouais on va dire gardienne de la pénombre ;).
    Au fait, hésite pas à me MSNiser

    biz

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