L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine de Ruwen Ogien

Je me pique parfois de philosophie, comme ça, pour le plaisir. Ainsi, j’aime errer dans les rayons dédiés de la FNAC, laissant mes yeux glisser sur les couvertures en quête d’un ouvrage qui me ravirait les neurones. C’est ainsi qu’en mai ou juin (peu importe), je tombe sur un livre au titre étrange “l’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine”. Etant dans une recherche perpétuelle de bonté humaine, je le pousse dans mon panier.

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Je ne vais pas jouer le suspense. Il FAUT lire ce livre. Je l’ai dévorée comme j’aurais avalé un délicieux croissant chaud au beurre sorti tout juste du four : avec plaisir et délectation. Ce livre pose la question des comportements humains au regard de la morale et de l’éthique : que doit-on faire ? De part cette question essentielle, au coeur notamment de l’oeuvre de Spinoza, nous nous retrouvons face à d’incroyables dilemmes qui feront les belles heures de vos dîners en ville. Ma mère a beaucoup réfléchi au dilemme du tramway que je lui ai raconté alors que je lisais ce livre lors de mes vacances à l’Ile de Ré (oui, je suis très en retard dans mes comptes rendus de livre, lalala). En voici quelques uns de fascinant :
– à propos du végétarisme : ne pas manger de viande pour protester contre le traitement inhumain des animaux, ok. Sauf que si nous devenons tous végétariens, que vont devenir les boeufs ? C’est vrai, ça sert à quoi un boeuf à part faire de la viande ? Peut-on militer pour la cause animale alors que nous risquons, de fait, de nuire à la diversité animale sachant que ces espèces ne pourront survivre hors domestication ?
– à propos de l’avortement. Principe de base : l’avortement est mal car le foetus est une vie autonome de celle de la mère sur laquelle elle n’a de fait aucun droit. Ogien nous propose alors l’exercice suivant : imaginez que vous vous réveilliez un beau matin recouverts d’appareils médicaux au bout desquels se trouve un brillant violoniste. Ce dernier est très malade et doit rester connecté à vous pendant 9 mois pour survivre. Trouvez-vous normal d’être ainsi appareillé pendant 9 mois pour sauver une autre vie sans pouvoir donner votre avis ?

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Ces dilemmes ne servent pas juste à poser des questions pas évidentes, ils démontrent que l’éthique chez l’homme n’est pas si logique et évidente que ça. Prenons par exemple le fameux dilemme du tramway qui a été décliné plusieurs fois depuis et qui fait limite office de philosophie à lui tout seul. Imaginez : un tramway fou est lancé, il arrive à une intersection : sur la voie principale, 5 ouvriers travaillent, ils n’entendent pas le tram arriver. Sur une voie annexe, seul un ouvrier travaille. Dériverez-vous le tram vers la voie annexe car mieux vaut un seul mort que 5. La plupart agiraient de la sorte. Par contre, le même dilemme : le tramway fou, 5 ouvriers. Vous êtes sur un pont et assistez à la scène. A côté de vous, un gros monsieur qui est penché pour regarder : si vous le poussez, il bloquera le tram : une vie contre 5. Là, personne ne veut pousser l’homme. Redéclinons cet exemple : en tuant un homme en bonne santé pour donner ses organes à 5 malades, vous sacrifiez une vie pour en sauver 5. Là, personne ne veut en entendre parler. Sauf si l’homme sain est un tueur en série, la question se pose différemment…

Bruxelles 406

Bref, le contexte influe sur la décision « morale » selon ce que l’on regarde. Sacrifier une vie, oui, mais comment ? Sauver tous les animaux en en sacrifier pour assurer la dignité à d’autres ? Ogien nous rajoute de nouveaux dilemmes et éléments dont un que j’adore par dessus tout :
– imaginez qu’on vienne vous voir et qu’on vous propose d’abandonner votre vie actuelle pour vous brancher sur une machine qui vous créérait l’illusion d’une vie parfaite. Accepteriez-vous ? La plupart des gens refusent. Par contre, si on vient vous voir demain pour vous expliquer que votre vie n’est qu’une fiction créée par une machine et qu’on vous propose de vous débrancher pour découvrir votre vraie vie, accepteriez-vous ? La pilule rouge ou la pilule bleue ? Là, la majorité refuse le débranchage. Ce n’est pas l’illusion ou non qui les dérange mais le changement.

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Enfin, les éléments extérieurs jouent naturellement sur la bonté, nous en revenons au titre. Selon des études sociologiques, une bonne odeur de croissant chaud rend les personnes exposées naturellement plus affables et de bonne humeur, plus enclines alors à aider leur prochain. Et ça, j’y crois à mort. Prenons une polémique qui date d’il y a 6 mois ou un an, je ne sais plus. La SNCF était accusée de vouloir diffuser de la musique classique dans les gare de banlieue car ça fait baisser la délinquance. Sous entendu, ça fait fuir les racailloux. Vraiment ? Personne n’a imaginé trente secondes que c’était surtout que ça apaisait un peu les âmes. Perso, rien ne me plaît plus que d’entendre des notes de piano s’élever gare St Lazare ou Gare de Lyon grâce aux pianos posés en libre service. Et je crois que je ne suis jamais passée sans que quelqu’un en joue.

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C’est ce qui est finalement fascinant dans ce livre, c’est qu’on réalise que la morale et l’éthique ne sont pas innés et que beaucoup d’éléments peuvent influer sur le comportement humain. Et comme c’est écrit simplement, c’est facile à comprendre.

Mais la vraie question, reste : vous auriez poussé le gros monsieur sur les rails du tram, vous ?`

3 réflexions sur “L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine de Ruwen Ogien

    1. Ahah oui, ça, je te confirme que dans la vraie vie, un truc comme ça, je pense pas être capable d’agir. Mais autant je pourrais envisager de toucher à l’aiguillage, autant pousser le monsieur, je pense que ça me viendrait même pas à l’idée, en fait

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