Je suis sexuée, t’as vu ?

Il est certaines choses qui, avec l’âge, nous amuse ou nous navre un peu. J’ai 30 ans, encore toute la vie devant moi, tant de choses à vivre. Pourtant, je commence à avoir de la bouteille et observer chez mes congénères des comportements que j’ai pu avoir dans le passé. Et là, telle une vieille conne, je secoue la tête en soupirant : tu crois que je ne comprends pas ton petit manège ?

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La vingtaine est souvent la décennie des expériences, de la découverte, on vit les yeux grands ouverts. Tel un enfant dans un magasin de jouets, on veut tout toucher, tout tester, tout sentir… Ok, ça démarre à l’adolescence mais là, c’est pas pareil, on est adultes, on est matures. Relativement certes mais chaque âge a l’immaturité du suivant. Ça veut rien dire, ma phrase précédente mais passons. Donc la vingtaine est un mélange d’adolescence et d’âge adulte où l’on se sent en droit de tout tester mais, surtout, il faut que ça se sache. Poussez-vous, laissez place aux woo vingtenaires ! (en référence aux woo girls).

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Twitter est un outil fascinant, je l’ai déjà dit. Ce qui m’interpelle, c’est le contenu que l’on y met, cette réclame permanente sur notre nous. Comme les status Facebook mais là, c’est en 140 caractères. Du slogan. On ne peut pas tout y dire, faut être concis et pertinent. On se construit un personnage en briques de 140 caractères. Si je lis ma propre timeline, c’est un mélange dense de râleries (beaucoup, surtout le matin quand j’attends le transilien qui ne vient pas), de photos de mon quotidien (fallait pas inventer les smartphones), de moments de vie, de tentatives de phrases percutantes que je rêverais dans la droite ligne d’un Desproges (mais certaines font beaucoup
plus Ruquier), de RT des liens ou sentences geniales des autres. Beaucoup de choses n’y apparaissent pas, notamment ma vie sexuelle. Parce que force est de constater que passer pour une petite dépravée aux yeux de mes followers ne m’intéresse juste pas. Le seul dont l’avis m’intéresse sur la question me pratique suffisamment dans le privé pour se faire son propre avis sur la question.
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Parce que le woo vingtenaire sexe. Il fait la fête aussi et veut que ça se sache mais surtout, il est sexué. Et il revendique sa liberté de fesses. Moi je veux bien sauf que quand la timeline tourne en boucle sur un « je suis libéré(e), je vais même te twitter de la photo de nichon », ça finit par interroger. Ca interroge d’autant plus que j’ai pu avoir ce comportement aux prémices de ce blog et que si j’avais eu Twitter à l’époque, je sais que j’en aurais fait autant donc la suite est à lire avec une moquerie tendre, un « moi aussi, j’en suis passée par là » de connasse. Mais trève de pommade, attaquons le vif du sujet.
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Comme le disait Epicure « pour vivre heureux, vivons cachés ». En prenant de l’âge, j’ai un peu compris le principe et je l’applique tant que faire se peut. Pourquoi ? Parce que raconter à une foule d’anonyme mes frasques n’a rien à voir avec les confidences entre amis, la narration d’expériences bête et méchante. Ce qui est rendu public ne l’est jamais par hasard. Depuis que j’ai arrêté de parler de sexe sur ce blog, j’ai vécu des choses. Beaucoup. Des qui auraient fait des articles délicieusement subversifs, des « non mais t’as vu comme je suis trop wild ». Mais je n’en ai pas écrit une ligne. Parce que je n’ai pas eu besoin d’en parler. Pas par honte ou par pudeur, non, juste que je n’en ai vu ni l’intérêt ni la nécessité. Même les choses importantes de ma vie privée, je les ai relativement tues. Les lecteurs attentifs auront noté que mon relatif silence sur ce blog devait être lié à ma vie amoureuse et ils n’ont pas tout à fait tort. Pas que mais un peu quand même. Parce qu’entre passer une soirée à écrire un article (bon, ok, je l’écris pas en une soirée mon article, à peine 30 mn voire moins si je suis sérieuse) et la passer dans les bras de mon amoureux, je ne me pose même pas la question. Mes considérations publiques sur la vie peuvent attendre, les câlins non. Parallèlement à ça, je lis les twitts estampillés de façon limite revendicative « NSFW » (No Safe For Work, twitt de cul) et, comme qui dirait, je « lole ».

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Déjà, twitter une photo pseudo artistique (en noir et blanc) de nibards ou de sexes érigés ou écartés (selon si l’on parle d’homme ou de femme) n’a jamais fait de personne une bête de cul. Prime spéciale aux nanas qui font ça genre « huhu, je mets des photos de nichons sur Twitter (pas les siens, j’entends), je kiffe Angelina Jolie, je suis bisexuelle! ». Ma chérie, je vois hebdomadairement des seins et des chattes IRL donc si toi, tu te dis bi, à la même échelle, je suis super lesbienne… Oui bon, ok, il est vrai que je les vois dans le cadre  d’un vestiaire et qu’il s’agit pour la plupart de mes copines et que c’est pas excitant trente secondes mais les photos pseudo léchées de scènes lesbiennes qui me font penser aux posters d’hommes torse nus portant des bébés de mon adolescence, ça m’excite pas des masses non plus. Parce que ça fait niais. Et puis, il y a la redondance : « moi, je suis libre sexuellement ». Ok. Tu veux nous en parler ? Ah merde, oui. Nous avons droit à, en moyenne, 2 à 5 twitts par jour sur le sujet nous racontant la vie ou les fantasmes sexuels de la personne. La question est : « pourquoi ? ». C’est un peu comme si je me sentais obligée de twitter plusieurs fois par jour « je suis hors norme, j’ai 30 ans, je veux pas d’enfants et je t’emmerde ». Ou un « je refuse le diktat des talons, ça fait mal aux pieds ». Oui, c’est aussi une revendication contre les diktats de la société qui voudraient qu’une femme féminine soit talonnée. Je le dis une fois, ok, super ta vie. 3 fois, heu… ouais, super ta vie. Au bout de la 5e, la question coule d’elle-même : j’ai pas compris, tu cherches à convaincre qui ? Si tu étais si sûre de tes choix et de ta sexualité, tu nous inonderais pas avec, il me semble.

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Je dis ça parce que je sais. J’ai eu une  période wild cul, moi aussi. Et je trouvais ça trop cool de prouver à la terre entière que ouééééé, je suis libérée, je dis fuck à la société qui veut faire de moi une femme soumise à un homme. Au singulier. Je suis liiiiibre, j’ai des plans culs et même que je trouve Angelina Jolie baisable, ouéééé ! Bon, avec le recul, la Angelina, je trouve qu’elle commence à faire peur. Je sais pas si vous avez vu la bande-annonce de The tourist mais y a un truc qui cloche, peut-être trop, mais alors beaucoup trop, de maquillage. Peu importe. Sauf qu’aligner les amants et les déclarations sur le sex appeal d’Angelina Jolie (ou tout autre femme célèbre, on s’en fout) fait-il de moi une personne libérée des carcans de la société ? Pourquoi un tel ton revendicatif sur ce qu’il se passe dans mon pieu ? C’est pas un peu le cas classique de quitter un conformisme pour se vautrer dans un autre ? Du genre « ahah, je rejette totalement la société bourgeoise et son principe de fidélité et sexualité sale et du coup, je me sens limite obligée de le dire tout le
temps pour obéir au conformisme inverse ». Youhou…

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Apprends de la sage que je suis (et sache que dans quelques années, je m’auto-foutrai de ma gueule car à 40 ans, je me dirai que j’étais drôlement cruche à 30), mon enfant. La vraie liberté, c’est d’agir sans se justifier, sans revendiquer quoi que ce soit. La liberté de cul n’est intéressante que si elle est vécue dans la sérénité, dans la non obligation de quoi que ce soit. Tu vois, mon tout petit (je kiffe les tons maternalistes), aujourd’hui, je ne me sens obligée de rien. Si j’ai pas envie de cumuler les amants, je ne le fais pas. Si j’ai pas envie de coucher parce que ma libido hiberne, je ne le fais pas. Si j’ai pas envie de coucher avec une femme  juste pour scorer et me la jouer bi, je le fais pas. Si ça doit arriver, ça arrivera et si ça arrive, je vais pas non plus le crier sur tous les toits parce que, hé, on s’en fout ! Parce que la question, la vraie, derrière tout ça est « mais pourquoi tu couches ? » Ou plutôt pour qui. Si tu te rends compte qu’à un moment, tu fais les choses pour nourrir ton personnage, je pense qu’un petit retour en arrière s’impose. La vie est trop courte pour s’imposer un modèle quel qu’il soit. Laisse-toi porter, tu verras bien ce qu’il se passe. Et merci de nous épargner le compte-rendu détaillé.

11 réflexions sur “Je suis sexuée, t’as vu ?

  1. Evidemment, ta voix est celle de la sagesse!
    pourtant, et ce même si je suis contre le twittpicage de seins/culs/sexe, je me retrouve un peu dans celle qui affiche son côté « wild » de la vingtaine (bientôt 22 piges…)
    Non pas que je relate toutes mes frasques sexuelles sur twitter/facebook/mon blog, mais laissez entendre, en 140 caractère, que j’ai passé un agréable moment en compagnie d’un homme charmant m’amuse, me rassure peut être. En tout cas je le fais en toute sérénité et en sachant très bien dans quoi je m’engage.
    Par ailleurs, j’estime que parler cul pour parler cul sur un blog, ça n’a rien de très intéressant. Je ne parle de mes expérience sexo que quand il y a quelque chose a en tirer : une anecdote rigolote, une réflexion consécutive à la chose, une mise en garde…
    Disons que faire du buzz avec mes fesses, même si ça marche, ça ne m’intéresse pas des masses.

  2. Moi ce que je trouve énorme c’est d’inonder la toile de ses expériences sexuelles et penser qu’on est une rebelle. Sérieusement…!?
    Je trouve que dans le genre rebelle tu te poses là et tu casses un peu le côté « soyons trash pour avoir l’air cool ». J’aime assez ! Tu es rafraichissante

  3. Comme il fait plaisir ce post. Un peu comme si on voyais une petite soeur venir te dire, tiens j’ai réfléchis et j’en suis arrivé à la conclusion que …

    Sur n’importe quel sujet, quand on voit ceux qui nous suivent (en age) se ranger à nos positions par effet d’expérience, tout simplement parce qu’ils sont comme nous et que les mêmes cause produisant les mêmes effets…

    Il est en revanche une constante, c’est que ce cheminement de pensée doit se faire avec le temps. Des fois on aimerait transmettre l’expérience par la parole, ça rate toujours.

    Pour ce qui est de twitter, on a aussi le droit d’unfollow ou de ne pas follow du tout les gens qui l’utilisent pour raconter leur life.

    Autant j’aime lire tes articles Nina, autant les twitts que je vois passer dans l’encadré quand je visite le site ne présentent pour moi que trop rarement un intérêt pour que j’ai envie de lire ça à longueur de journée sur la masse d’infos que je vois passer.

    Perso, twitter, si la personne ne met pas 80% de liens, je ne m’abonne pas, osef de votre life les inconnus, donnez moi du contenu. Après libre à chacun de l’utiliser comme il l’entend.

    Et désolé pour le ton paternaliste, mais ça me fait authentiquement plaisir de lire un article comme ça.

  4. C’est marrant cet article pour quelqu’un comme moi qui te lit depuis longtemps. Mais ce n’est que la mise par écrit de ton évolution de ces dernières années. Mais c’est bien de pouvoir se dire « je l’ai fait, je sais! ».

    Nonne nimousse : alors que moi c’est le contraire, 80% de liens je suis pas! 🙂

  5. Mais tu trouves pas que multiplier les articles sur le thème de « J’ai une vie sexuelle débridée mais j’en parle pas ici », ça fait louche aussi?

  6. Billet très étonnant. Réac par certains aspects, maternel par d’autres, ovni par ailleurs. Bref, la réflexion commence à prendre le pas sur l’impulsion. Bonne chose ou pas ?

  7. « Sinon, pour le reste de ton comm, une fois de plus, tu calques trop de choses sur mes propos, tu projettes trop. »

    Pardon, il me semble que c’est toi qui projette là, je ne vois pas le rapport entre ce que j’ai écrit et ce dont nous avons par ailleurs déjà parlé et qui n’a pas de lien direct.

    Mon commentaire est bien circonvenu au sujet de l’article. Et il n’est nulle part dit dans mon commentaire, je te l’avais dit ou quelque formule qui le suggère.

    Tu exprimes un avis sur un sujet, en disant en murissant …
    Je confirme que nous sommes un certain nombre à s’être rangé à ce point de vue avant toi, bienvenue au club, ça s’arrête là.

    Alors comme au final toutes ces discussions traitent de psychologie, je t’invite si ce n’est déjà fait, à lire ou à relire le processus d’engagement en psychologie sociale.

    Cela t’évitera peut être de lire ce que j’écris avec un prisme et de ne pas me faire de procès d’intention.

  8. Une fois de plus ?

    J’aurais dit une fois n’est pas coutume.

    Et ce n’est pas un point de vue, c’est un fait, à moins que tu ne saches mieux que moi ce que je pense …

    Oui je pense que l’anti conformisme systématisé est un conformisme comme un autre, oui je pense également que la revendication des prouesses sexuelles est un cache misère sentimentale, et oui quand je lis cet article ça me fait plaisir de voir que tu as évolué sur le sujet, l’expérience aidant, dixit toi même.

    Vouloir raccorder cet état de fait à une quelconque autre discussion ou nous avons des points de vue divergeant ne me semble pas à propos et me semble relever du procès d’intention.

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