Le planning du chômeur

Révélation : être chômeur, c’est chiant. Si, je vous jure. Les journées s’étirent indéfiniment, on s’occupe en candidatant mais que le temps est long entre deux réactualisation de la boîte mail, vérification qu’on n’a pas raté un coup de fil, des fois qu’on aurait mis le téléphone sur silencieux… Mais surtout le chômage, c’est se déphaser de la société.

 

Je suis d’un naturel couche-tard, lève-tard. Quoi que je fasse, quel que soit mon état de fatigue, je n’arrive pas à me coucher tôt. C’est très rare que j’éteigne les feux avant
minuit malgré les bonnes résolutions. Alors imaginez le cauchemar quand on n’a pas d’horaires à respecter. Dans mon chômage idéal, je souhaitais me lever à 9h. Les recruteurs n’arrivent jamais au boulot avant et, tant qu’à faire, autant envoyer un CV quand ils sont au bureau, histoire qu’il ne soit pas noyé dans la masse. Et être sur le pont dès le matin, ça veut aussi dire sauter sur les annonces dès qu’elles paraissent et répondre. Oui, il faut être réactif. J’ai passé un entretien où le recruteur m’a avoué n’avoir regardé que les 40 premiers CV reçus. J’aurais répondu plus tard, ça aurait peut-être été mort pour moi. Je pensais que le chômage, ce serait levée tôt, recherche de boulot avec mon mug de café et tout ça. Sauf que la motivation, elle finit par disparaître.

Au tout début, le chômage, on se dit que ça va pas durer donc les 15 premiers jours, voire le premier mois, ça ressemble plus à des vacances qu’autre chose. Puis on finit par s’y
mettre, faire des plans d’attaque, des plannings. Sauf qu’on se rend compte que le chômage, on en sort pas forcément comme ça. Plus nos candidatures sont sans réponses (ou pire, réponses négatives), moins on est motivés. On ne se lève plus à 9 mais à 10h. On n’est pas à une heure près. Puis finalement, ce sera 11h. Puis midi, on a toute l’après-midi pour envoyer des CV, ça laisse le temps. Plus on se lève tard, plus on se couche tard, forcément. On se dit bien que quand on retrouvera un boulot, le rythme sera un peu dur à reprendre mais ce que je ne fais pas de jour, faut bien que je le fasse à un moment.

En même temps que cette désynchronisation, il y a un réel enfermement. Sortir ? Oui mais pour quoi faire ? Nos amis travaillent en journée et n’ont pas forcément envie de
sortir tous les soirs, ils sont un peu fatigués. On les comprend puis toutes ces sorties, ce n’est pas donné non plus. Alors les jours où on ne sort pas, on ne fait pas l’effort de s’habiller vraiment, on enfile une tenue d’intérieur, histoire de dire qu’on n’est pas resté en pyjama toute la journée, on se peigne histoire d’éviter les nœuds. Le maquillage ? Mais quelle idée ! Je vois pas bien à quoi ça sert de se maquiller si on sort pas. Ou si on sort juste faire ses courses.

Evidemment, à force de se désociabiliser, le chômeur déprime. Cercle vicieux. Passer sa journée à candidater, à essayer de se sortir de là, trouver des idées, des pistes, ça
fatigue, surtout quand ça n’aboutit pas. On se sent un peu nul et quand on se regarde dans la glace, ce n’est pas mieux. Négligée, c’est le mot. Du coup, dès qu’on a l’occasion de sortir, de voir du monde, ça nous fait un vrai bol d’air même si on a, du coup, tendance à culpabiliser : le temps que je prends à prendre un verre avec une amie dans la journée, je le prends pas à chercher du boulot. Sauf que ce qu’il faut comprendre, c’est que si on relâche pas la pression, on explose. On ne supporte plus de vivre entre ces 4 murs qui nous servent d’appart, à voir plus souvent Ashley et Victor des Feux de l’Amour que des vrais humains. Réaliser en se couchant que la seule fois de la journée où on a utilisé notre voix, c’est quand on a dit au chat d’arrêter ses conneries. Que quand on vous appelle, on vous demande systématiquement si on vous réveille, vu votre voix enrouée. Se rendre compte qu’on n’a même pas pensé à regarder ce qu’il y avait dans la
boîte aux lettres. Se dire que demain, ça va être tout pareil. C’est métro-boulot-dodo, sans métro et sans boulot. S’ensuit un ennui qui annihile tout. Plus envie d’écrire, de faire des projets autres que professionnels. Moins on en fait, moins on a envie d’en faire.

Parfois, on a des entretiens et là, on se pomponne à mort, on se bichonne, on est même heureux d’être convoqué aux aurores : ciel, enfin une raison de se lever, une horaire à
respecter. Une occasion de s’habiller, de se maquiller. Peut-être que grâce à cet entretien, bientôt, je pourrai enfin pester tous les jours après mon réveil, m’habiller et me maquiller tous les matins… Voir des gens en vrai, leur parler.

13 réflexions sur “Le planning du chômeur

  1. il n’est pas loin d’être terrible cet article : comme toujours, quand on écrit avec ses tripes, il y a de la résonnance.
    je m’y retrouve comme si c’était hier.
    au-delà de la recherche d’emploi, il y a l’image qui est faite du chômeur : (un peu) feignant, couche-tard alors que les zonnetes gens travaillent.

    depuis ma chomagie de 2002-2003, j’ai trouvé du taf, j’ai le poil brillant, la truffe fraîche et l’oeil vif.
    et surtout j’ai développé une série de contre-mesures en cas de retour à la case ANPE : voyages, formations, …

    continue à écrire, ça m’intéresse 🙂

  2. Pour ça, j’ai eu une sacrée chance de déjà habiter en couple alors que j’étais au chômage : je me suis levée tous les jours à la même heure que lui, j’ai continué à me faire belle, pour lui, et j’avais quelqu’un avec qui discuter le soir. Et franchement, ça aide sacrément à maintenir ferme le cap de la volonté (et du moral !).

  3. Je connais bien ça. 🙂
    Moi il m’a fallu seulement une semaine pour rentrer dans cette spirale. Je déteste rester chez moi et pourtant c’est pas comme si j’avais rien à faire.

  4. Ouais pi j’ai bien choisi ma photo, dis donc… :S Mais je pense qu’on a bientôt fini. Peut-être que je vais essayer de trouver un sujet plus sympa pour la semaine prochaine…

  5. Fais comme moi dors a poil, pas de tentative de rester en pyjama la journée.

    Une question, une angoisse un doute, tu m’appelles, je t’explique, on s’arrange. La solidarité a se niveau la, c’est important, faut qu’on se serre les coudes, pas vrai …

    Au plaisir

  6. Violent mais très vrai… je l’ai connu un bon moment aussi, et ne souhaite pas du tout y retourner malgré ma fainéantise légendaire.

    Il y aussi l’aspect social, dès que tu rencontres de nouvelles personnes, la torture de la question : « et toi, tu fais quoi ? »

  7. Nina,

    je ne sais pas si ce que tu écris ici est aussi fictif que ta recherche du prince charmant ou correspondait à une période de ta vie passé ?

    Moi, je me suis mis au « chomage » éxprés en prennant un congé sabbatique d’un an inclluant les congés payé restants. Ca me allait très bien d’avoir enfin du temps pour des hobbies, aller voir mes parents ou il me faut 6 à 7 heures pour y aller sans le stress du vendredi, participer à des conférences sur des themes divers et variés, s’investir dans des associations, faire mes courses sans la foule du samedi, traverser l’antlantique sur un voilier pendant 4 semaines ET éventuellement chercher un autre travail plus interessant ou mieux payé sans demander à personne (employeur par exemple). Certes, il faut un peu d’argent mais souvent on peut remplacer une grande partie de l’argent par du temps… Mais quand on a moins de 26 ans (ce que n’est plus mon cas) on a souvent des réductions importants

    Evidement, j’ai gardé un rythme journalier normal en me levant entre 8 et 9h, etc… J’ai continué à voir des copains et suis sorti le soir comme avant. Mes amis me disent parfois presque jalou que j’étais partout et nulle part mais ça ne m’a jamais gené. J’ai été très triste quand il a fallu retravailler mais je ne suis pas millionaire et il faut quand même un peu d’argent… D’ailleurs, il va falloir que je refasse un truc parreil car j’ai encore envie de faire des choses que je n’arrive pas à faire à coté de mon travail actuel…. Ah, ça serait bien de pouvoir faire comme j’ai fait une fois: J’avais envie de passer 2 mois en Australie et NZ. Quand j’ai dit à l’employée de l’agence de voyage que je voulais parit le surlendemain elle est reste bouche beee un moment…

    Kai

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