Je suis un boulet, je suis littéraire

J’aime bien quand notre gouvernement adoré me fait bien sentir comme un poids pour la société. Il y a quelques temps, Sarkozy avait dit, je cite : « il faut faire en sorte que la section littéraire ne soit pas une voie de garage ! ». Hein de quoi ? Tu veux dire que mon bac, il vaut tripette, que je suis partie là parce que j’ai pas voulu faire un bac pro ? Et là, c’est reparti : tiens, si on supprimait l’hist et géo pour les terminales S ?



J’avoue que cette nouvelle m’a profondément gonflée sur le coup. Vite, vite, produisons des ingénieurs, la culture G et les matières littéraires, mais quelle perte de temps. Qu’est-ce qu’on s’en fout de l’histoire, c’est le passé et c’est loin, loin. La géographie ? Ta secrétaire se chargera de te réserver les billets. Ben ouais, elle, elle a fait littéraire, la pauvresse, et finit comme une conne à taper sur son ordi ce que tu lui dictes… Tu crois que connaître la capitale du Honduras, ça va aider à trouver un vaccin contre le SIDA ou résoudre l’équation de Fermat ? Non alors tu vois que ça sert à rien l’hist et géo.

Evidemment, imagine comme je suis un boulet. Non seulement j’ai un bac littéraire (mais spé maths et je suis hypra forte en sudoku et calcul mental, je ne suis pas trop un cas désespéré) mais en plus, j’ai une maîtrise d’histoire. Mon dieu, j’étais bien mal partie dans la vie, j’aurais pu finir prof d’hist et géo, la matière qui sert à rien, là. Dieu merci, les aléas de la vie m’ont ballotée de journalisme en community management pour atterrir dans une régie pub. Malgré mes multiples voies de garage (j’ai entendu récemment une fille dire « moi, la fac, je voulais pas y aller, c’est pour les branleurs ! ». Ca fait toujours plaisir, surtout que je crois que j’ai jamais autant bossé de ma vie mais bon…), je m’en sors pas si mal que ça pour le moment.

Je force certes le trait mais j’en peux plus de cette culture où l’efficacité prime sur la diversité des connaissances. Sans prêcher particulièrement pour la cause de l’histoire et géographie (je n’ai pas d’actions dans les livres traitant de cette matière), je crois qu’un éventail large de discipline ne fait jamais de mal à personne. Chacun ses domaines de prédilection bien sûr mais dans ma filière pourrie, j’avais aussi des cours de sciences, certes peu poussés mais suffisamment pour comprendre que mettre trop de trucs sur le toit de la voiture la rend moins aérodynamique donc plus lente (et ça coûte plus cher en essence), je connais les principes de base de la reproduction et de l’effet de serre. Ca m’évite par exemple de creuser ma ridule du front que j’ai rebaptisé « ridule de la perplexité » quand on me parle de réchauffement de la planète. Je suis même assez calée pour comprendre les tenants et aboutissants de la grippe A mais j’ai lu un article extrêmement complet sur le sujet, aussi.





Alors c’est sûr que ma culture générale ne me sert pas quotidiennement dans l’exercice de mes fonctions. Par exemple, mon goût pour la renaissance italienne, Moravia ou Rostropovitch, je ne l’utilise pas tous les jours, pas plus que les règles de base de l’aérodynamique ou les ions et les anions et je ne sais plus résoudre une intégrale. Pas même du premier degré. Mais si je n’en ai pas d’utilisation concrète, toutes ces choses ne me paraissent pas inutiles, loin de là. Si on revient à l’hist et géo, qui peut comprendre le monde dans lequel on vit sans maîtriser un minimum l’histoire au moins du XXe siècle ? Et encore, tout ne s’explique qu’en repartant plus rien dans l’histoire, tout en maîtrisant un minimum la géographie, l’histoire des empires. Par exemple, qui sait que l’installation des premières colonies juives en Israël datait des années 20, quand la Palestine était sous protectorat anglais ? Quand on nous dit aujourd’hui que la 4e guerre mondiale risque de partir de cette région du monde, si on n’a pas ce socle historique, on risque de ne pas bien comprendre pourquoi les gens qui vivent là-bas se tapent dessus.

Mais manifestement, pour nos gouvernants, les scientifiques, notre chère élite de la nation, donc, n’a pas besoin de savoir tout ça. Ce n’est sans doute pas dans la géopolitique que se situe le vaccin du SIDA. Par contre, c’est con mais connaître les mouvements des populations à travers le monde pour comprendre la propagation d’une pandémie, ça peut aider… Par exemple.

17 réflexions sur “Je suis un boulet, je suis littéraire

  1. Un ingénieur il contribue au capitalisme et à l’enrichissement de la classe supérieur, le littéraire, il fait réfléchir les gens des autres classes. Et ça, c’est dangereux pour les premiers… Monde de merde.

  2. en temps normal je t’aurais pas repris, mais là vu l’article! y a une boulette: c’est les tenants et les « aboutissants », je crois.
    Pour en revenir au sujet, c’est deux visions de l’école qui s’opposent. D’un coté celle qui veut qu’elle offre une compréhension assez globale du monde qui nous entoure, de l’autre celle qui doit préparer au monde professionnel.
    Moi qui ai fait le parcours type « branleur »: Bac L puis fac, je suis toujours, et je pense l’être encore pas mal d’années, assez indécis quant à mon parcours pro. Alors j’ai certes, je pense, une culture générale plutôt correcte, mais c’est malheureusement pas ça qui paye son bout de gras. Mais mettre ça seulement sur le compte de mon parcours scolaire serait certes bien pratique, mais un peu facile.

  3. J’ai beau avoir un bac S, j’ai beau être dans une fac de science, je trouve que supprimer l’histoire c’est supprimer quelque chose d’important et nécessaire. Quelqu’un a dit un jour, pour apprécier le présent et appréhender l’avenir…il est nécessaire et utile de connaître le passé…ôter le savoir au peuple, donner les plein pouvoirs aux tyrans…

  4. ah ça m’énerve, j’ai eu aussi un bac littéraire il y a 18 ans de cela (hé oui la vieillesse), j’ai atterri ds un BTS pourri tout ça pour taper des courriers et ai finalement décidé de reprendre mes études, c’est fait j’en suis presque au bout! Les langues,la littérature, l’hist geo sont mal considérés, c une hérésie. Tout ça parce qu’on a mis dans la tête des gens que seule la voie scientifique est la voie royale, considérant que les autres sont des imbéciles et des débiles! Certes, on a besoin de scientifiques, mais l’histoire géo est utile. Ce que fait le gvt ne fait qu’enfoncer le clou,il n’a rien compris et est borné. De toutes façons, on supprime les crédits pour les recherches en langues et en littérature à l’Université alors que celles scientifiques attention on y touche pas! Une société qui supprime les langues, l’art, la littérature, l’histoire géo est une société qui se dégrade et est témoin de l’époque délètère actuelle. Forza arts et littérature et hist géo!!!

  5. Plusieurs choses, je pense pas que le gouvernement souhaite supprimer l’histoire du programme des S, mais basculer le programme de terminale en première.
    Cela a été fait pour certaines filières techniques et je n’ai entendu personne râler à ce moment là. Elles étaient moins prestigieuses, ceci doit expliquer cela.
    Arrêtons de tout caricaturer, ce n’est pas parce qu’on supprime une matière en terminale que les lycéens vont manquer de culture.
    La culture de chacun ne doit pas reposer sur l’école. Cette dernière doit donner des outils et susciter l’envie … c’est ensuite à chacun de faire des efforts.

    Concernant la filière L, Sarkozy ne l’a justement pas méprisée. Il est parti du constat que cette filière était délaissée au profit des ES et des S. Il veut donc justement la revaloriser.

    Enfin concernant les caricatures simplistes du 1er commentaire, je dirais qu’un tel endoctrinement fait peur.

  6. Je suis assez d’accord avec ce que tu as entendu « la fac c’est pour les branleurs », et le pire c’est qu’ils viennent se plaindre ensuite…

  7. L’optionnalisation de l’histoire-géographie ne sonnerait-il pas plutôt le glas de l’excellence des filières scientifiques ? Je pense, personnellement, que c’est une marque de la fin de cette suprématie qui n’en finit plus d’accabler les littéraires. Qu’est-ce qu’un scientifique sans culture générale ? Eh bien pas grand chose.

  8. Je suis allé voir un peu de quoi il retourne, ayant moi même été un peu surpris par la teneur de l’annonce.

    Si j’ai bien suivi, il s’agit de passer de 2h30 d’histoire géo en première S et terminale S à 4 heures en première S.

    Alors sans envisager les aménagements nécessaires et en se concentrant sur le fond du débat, j’ai lu un peu ici et là les commentaires, des pro, des anti. Et il me semble que tout ne soit pas si one-sided (oué moi aussi je peux faire pro de la com si je veux d’abord).

    Au final je reste tout de même dubitatif sur l’intérêt de la dite réforme, ayant moi même suivi ce programme, ayant toujours beaucoup apprécié l’intérêt culture générale et compréhension du monde qu’apporte l’histoire et la géographie distillées tout au long d’une scolarité.

    Et je me demande si le pragmatisme de la réforme n’est pas une sorte de nivellement par le bas. Après tout, si on vire la philo et l’anglais, il y a plus besoin de savoir écrire ou rédiger passé la première.

    Qui a dit, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et se dit posément ?

    Osef, olololol, tg kthxbye …

  9. à mon avis l’intérêt principal c’est de réduire des postes, en grappillant des heures d’une matière « générale » par ci, en rajoutant d’autres sur des matières plus spécifiques par là. On arrive à des calculs d’apothicaires, enfin le mammouth n’est plus dégraissé mais désossé là.

  10. Nina, dans mes bras!!!
    Non seulement je suis une littéraire, mais en plus au grand dam de mes professeurs de lycée j’ai refusé la S qu’on, je cite « conseillait vivement » car, à résultats égaux entre matières littéraires et scientifiques, si on a le choix il vaut mieux prendre scientifique.
    Et en pluuuuus je participe à la propagation du virus puisque j’ai opté pour la profession de prof de français et je bourre mes élèves à longueur de journée avec des textes remplis de mots de gens qui pensent, des textes qui oh mon dieu n’ont aucune valeur marchande. O joie.

    Et l’histoire de Sarkozy qui veut « revaloriser la filière littéraire », je n’y crois pas une demi seconde. N’oublions pas que ce même Sarkozy a dit un jour:

     » «Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! »

    Voilà ce que veut notre président, un monde où il n’est pas pensable qu’une guichetière de la poste puisse avoir lu, voire même, grands dieux, apprécié, la princesse de clèves.
    Et pis tant qu’on y est, je réserve l’étude d’Homère et d’Ovide aux fils de cadres de ma classe, et je file oui oui va à l’école aux autres.
    Bref, donnons le moins possible d’outil à penser à la populace, des fois qu’elle s’en servirait…

  11. Il y a vraiment deux poids deux mesures. On s’indigne si les scientifiques n’ont pas de culture litteraire ou historique (« science sans conscience… ») mais l’inverse est parfaitement admis. Les programmes scientifiques en serie L sont inexistants.
    Il faut voir ce pauvre Xavier Darcos incapable de faire une regle de trois. Son excuse? « Je suis un litteraire ». Et alors? Je suis un scientifique et pourtant je sais lire et ecrire.
    Comment s’etonner des conneries qu’on entend tous les jours sur les OGM, le rechauffement climatique, etc ? Dans le monde d’aujourd’hui la culture scientifique n’est pas un luxe.

  12. Venant moi aussi de la section « L » : « Loisirs, Libido, Liberté et Littérature » je ne peux qu’applaudir cet article !
    Et plus sérieusement parce que je suis une mordue de culture dans pleins de domaines et que j’estime qu’être ouvert à la réflexion et à la compréhension de notre monde par l’histoire et la géographie est une excellente chose.

    J’ai l’impression que notre monde de dirige tout droit vers 1984 d’Orwell, entre la désinformation, la manipulation des journaux télévisés, l’installation massive de caméras de surveillance, les faux débats sur l’identité nationale et maintenant la suppression de la connaissance de notre passé pour une certaine partie de la population (ça reste une option, mais faut pas se leurrer, les lycéens sont des feignasses)… je m’inquiète.

  13. Pour rebondir sur certains commentaires plus hauts… Non, je ne pense pas que ce soit scandaleux de supprimer l’histoire géo en Terminale S, ni que ce soit fait pour privilégier les scientifiques.
    Au contraire c’est un coup porté à la filière S, qui était une sorte de « super-filière » parce que la plus généraliste. Sans vouloir dire du mal des littéraires, le niveau en philo des S est acceptable, avec un programme assez chargé, celui des L en maths, physique et bio très très light…
    Avec cette réforme on revient aux bases : si tu aimes les sciences, tu fais S, si tu es littéraire, tu fais L. Plus question d’avoir une filière considérée comme généraliste et meilleure. Quand j’étais au lycée, l’argument pour aller en S était « ne se fermer aucune porte », ce qui est profondément injuste pour les autres filières…
    Après les prépas éco n’auront plus qu’à recruter des ES, ce qui est tout de même plus logique, mais c’est un autre débat !

  14. Dire que la filière S ouvre toutes les portes, contrairement aux autres, n’est pas « injuste » pour les bacs L et ES. C’est juste la réalité des études post-bac. Quand tu as un bac S, tu peux te ré-orienter sans problème vers une filière littéraire. Alors que l’inverse n’est pas faisable.

    Quant à la réforme… si c’est pour faire en 1ière ce que les élèves faisaient en Terminale… bein… il est où, l’intérêt de leur réforme?? Parce qu’au final, il n’y a pas de changement.

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