Episode 9

Ethan ouvrit péniblement les yeux et regarda autour de lui sans reconnaître l’endroit. Il voulut se passer la main sur le visage mais constata qu’il était attaché
par des menottes à une chaise. Cette information eut pour effet de le réveiller totalement.

Il inspecta mieux l’endroit et découvrit qu’il était dans une espèce de placard très sombre et humide qui sentait mauvais. Que s’était-il passé ? Il se
souvenait du cri d’Oceany, puis plus rien. Il avait été stupide : il savait qu’elle n’était pas seule, puisqu’il l’avait entendue parler à un homme, mais il n’y avait pas fait attention,
trop occupé à savourer sa brève victoire sur elle.

Il essaya de voir s’il ne pouvait pas libérer ses mains des bracelets de fer, mais il n’y parvint pas. Il poussa un cri de rage. Il ne pouvait pas rester là, il
devait s’échapper…qu’est ce qu’on allait lui faire ? Au moins, ils ne l’avaient pas tué, c’était peut-être bon signe. Il continua à s’agiter dans tous les sens pour tenter de se détacher,
mais il fut interrompu. La porte du réduit venait de s’ouvrir et la lumière l’éblouit, si bien qu’il ne vit d’abord qu’une vague silhouette féminine. Quand ses yeux se furent habitués, il
constata avec effroi qu’il s’agissait d’une Chinoise. Il détestait ces gens, ils avaient tué beaucoup de ses compatriotes.

La fille s’avança vers lui, le regarda un instant, sans rien dire, ce qui l’énerva prodigieusement.

« Qui êtes vous ? Qu’est ce que vous voulez ? Espèce de sale garce, tu comprends même pas l’anglais.

– Je n’aime pas qu’on me traite de garce gratuitement. Continue à me traiter comme ça et je t’en colle une. Tu as faim ?

– Pardon ?

– Je te demande si tu as faim. Tu comprends pas l’anglais ?

– Non, je veux partir.

– Je ne crois pas que ce soit à l’ordre du jour pour le moment. Tu as soif ?

– Un peu oui.

– D’accord. »

Elle sortit et revint un instant plus tard avec une bouteille d’eau, qu’elle lui colla sur la bouche. Il but avec avidité, content de pouvoir enfin se désaltérer.
Il s’en voulait un peu de l’avoir insultée, alors qu’elle s’occupait de lui. Il avait eu de la chance qu’elle ne soit pas rancunière car elle l’aurait laissé se dessécher. Quand il eut fini, il
décida de s’excuser.

« Je suis désolé pour ce que j’ai dit, tout à l’heure, vous n’êtes pas une garce.

– Je suis une Chinoise : pour vous, les Américains, les deux vont de paire. »

Elle reprit la bouteille et ressortit en refermant la porte : où était-il donc ? Les Chinois étaient tous des esclaves… Celle-ci avait dû s’enfuir, ce qui
signifiait qu’elle devait avoir une dent contre tous les Américains. Il risquait de passer un mauvais quart d’heure quand elle déciderait de le torturer. Mais comment avait-elle pu
s’évader ? Il était persuadé que la sécurité de Technopolis était sans faille…Quoique Oceany était parvenu à entrer sans problème dans la salle de réception alors qu’elle n’avait pas la
clef.

La porte se rouvrit et il reconnut immédiatement Oceany, qui avait enlevé son masque. Elle referma la porte à clef, puis lui ôta les menottes.

« Ca sera mieux comme ça, je pense. Vous avez récupéré assez vite, finalement. Vous êtes plus solide que ce que je ne pensais. Bon, il faut que nous
discutions : nous avons un sérieux problème. »

Elle tira sur une ficelle qui alluma une vieille ampoule qui se balançait du plafond. Il croyait que ce genre d’éclairage n’existait même plus, il était habitué aux
spots halogènes qui éclairaient si bien…il put alors constater qu’il n’était pas dans un petit placard, mais dans une sorte de cellule avec un petit lit de camp, un bidet, un lavabo et la chaise
sur laquelle il avait été attaché. Oceany s’assit sur le lit et grimaça.

« Hou ! Il n’est pas aussi confortable que votre grand lit, mais il faudra vous y habituer. Je suis navrée de ne pas vous offrir autant de confort qu’en
haut, mais nous sommes au rez-de-chaussée, ici, c’est un tout autre univers.

– Qu’est ce que vous allez faire de moi ?

– Pour le moment, rien, après, on verra. Disons que si vous nous rejoignez, vous  survivrez, sinon, on se débarrassera de vous.

– On va remarquer mon absence.

– Oui, ce pauvre Ethan Wadeker a disparu ; il faut avouer qu’il a la mauvaise habitude de se balader dans les bas quartiers, il fallait bien que ça arrive. On
raconte que l’autre soir, on lui a volé son passe et il a dû rentrer avec la police. Peut-être a-t-il une maîtresse, en bas ? Ca expliquerait sa disparition. Il préfère rester avec elle
plutôt qu’avec son odieuse fiancée…je ne crois pas qu’on s’inquiète beaucoup pour vous.

– Ma mère sait que je n’ai pas de maîtresse, ici.

– Oh, regardez la pauvre Lauren : elle est persuadée que son fils est un petit saint. La pauvre, si elle savait…

– Vous allez vous faire attraper, vous ne pourrez pas me garder ici, indéfiniment.

– Ce n’est pas mon but. J’ai besoin d’alliés, en haut, et j’aimerais vraiment que vous vous joigniez à nous.

– Si je dis oui, vous me relâchez ?

– Pas immédiatement. Ce serait trop facile, pour vous : si je vous relâchais maintenant, vous fileriez à toute vitesse et je n’aurais plus aucune nouvelle de
vous. Il faut d’abord que vous vous rendiez compte des conditions de vie, ici.

– Mais…

– Vous ne pouvez pas vraiment discuter. Je devrais peut-être vous présenter ceux qui vont s’occuper de vous, ce sont mes amis, évitez de les traiter de tous les
noms, d’accord, sinon… »

Elle se releva et ouvrit la porte. Cinq personnes entrèrent, ce qui réduisit considérablement l’espace libre de la cellule. Il y avait la jeune fille chinoise qui
lui avait donné à boire et un autre nippon et deux hispaniques: quelle mosaïque ! Ce devait tous être des esclaves évadés, des ennemis des anciens Etats-Unis et de Technopolis.

« Bon, Ethan Wadeker, je vous présente, Mai-Li, Myo, Juan et Maria. Si j’étais vous, j’éviterais de leur faire de mauvais coups. Si vous aviez la mauvaise idée
de vous enfuir, je viendrais régler votre compte en personne et vous risquez de regretter toute votre vie de m’avoir énervée. Bon, j’aurais bien aimé discuter avec vous plus longtemps, mais je
dois rentrer. Bonne nuit, Ethan, vous pouvez faire comme chez vous, ici. Bonsoir. »

Elle sortit, suivie par tous ses amis, le laissant seul dans sa « chambre ». Il était tout simplement furieux, il avait été trop présomptueux en croyant
pouvoir récupérer les quatre passes volés. Au fait qui était la quatrième victime d’Oceany ? Peu importait, il ne pouvait pas lui rendre son bien, il était coincé ici. Il devait à tout prix
s’échapper ! Il n’était pas question de rester dans cet endroit avec tous ces étrangers, ça le rendait malade rien que d’y penser…des Chinois, des Espagnols, et tout ce bruit qui ne cessait
jamais, qu’est ce que c’était ? Comment Oceany avait-elle pu pactiser avec ces gens, ça semblait totalement impensable…Elle devait être folle, il n’y avait pas d’autres
explications.

—–  

            Oceany referma le cadenas qui maintenait la porte de la cellule fermée et rejoignit les autres,
installés autour de la table sur laquelle ils travaillaient sur leur plan.

« Je viens d’avoir une idée, annonça Myo.

– A quel propos ? le questionna Maria.

– Nous ne connaissons pas exactement le fonctionnement de la mairie, nous ne voyons que ce qu’Oxford veut bien nous montrer, d’accord ? Nous ne pouvons donc
difficilement attaquer si nous n’avons pas un minimum d’informations sur l’ennemi.

– Où veux-tu en venir ?

– Et bien, puisque notre chère Oceany va se fiancer avec Mark, le propre fils du tyran, on va l’exploiter à fond. Oceany, ma chère, demain, tu vas appeler Mark et
t’arranger pour te faire inviter à la mairie et récolter un maximum d’infos.

– Oh, je ne sais pas si je pourrai entrer dans l’antre de la bête, fit-elle avec une voix exagérément grave. Mark ne semble pas très au courant des
affaires de son père.

– C’est une bonne idée, approuva Maria.

– Vas-y, ma grande ! renchérit Mai.

– D’accord, je vais essayer, mais je ne vous garantis rien. Ca pourra toujours nous servir. Bon, je dois vraiment rentrer, il ne faudrait pas qu’on s’aperçoive de
mon absence.

– OK, je te ramène, annonça Juan.

– Je préfèrerais que tu restes ici, au cas où… Ethan est assez fort, pour un élitaire. Il vaut mieux que Myo et toi montiez la garde, au cas où.

– Je te raccompagne, déclara Maria. Surveillez notre nouvel invité, il va nous faire un coup tordu : c’est un raciste.

– Comme tous, ici, soupira Oceany. Bon, on y va. »

Les deux jeunes femmes se rendirent près des motos et décollèrent rapidement. Durant le trajet, elles ne parlèrent pas, mais ce n’était pas vraiment étonnant :
elles n’avaient pas beaucoup d’atomes crochus, toutes les deux. Maria arrêta l’engin devant le balcon de sa passagère et attendit qu’elle soit descendue.

« Je ne sais pas à quoi tu joues, mais tu devrais faire attention : ça pourrait se retourner contre toi.

– De quoi tu parles ?

– Tu sais très bien de quoi je parle : laisse mon frère tranquille et il ne t’arrivera rien de fâcheux.

– Ton frère ? Mais pourquoi tu me parles de lui ?

– Tu crois que j’ai pas remarqué comment tu le regardais ?

– Mais, pas du tout, je…

– Arrange-toi pour que ça ne se reproduise pas. »

Elle redémarra et partit en trombe. Ce n’était pas bon signe, il ne fallait surtout pas commencer à avoir des inimités dans le groupe. Ils étaient déjà en position
de faiblesse, par rapport à Oxford et ses sbires. S’ils n’étaient pas parfaitement soudés, ils étaient certains d’échouer. Elle éclaircirait la situation avec Juan dès le lendemain et parlerait à
Maria de leur petit différend : ça ne pouvait pas continuer.

Début / Episode précédent / Episode suivant

4 réflexions sur “Episode 9

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *