Christmas fuck

Par Ella Sykes

Ce qu’il y a de plus navrant lorsque l’on est un célibataire expatrié sur un autre continent, c’est de passer des fêtes comme Noël, le jour de l’an et son anniversaire (le mien est le 17 janvier), seule.

Mais, quand je dis seule, bien entendu je mens. Parce que hormis le soir de Noël, je ne serais pas seule. Je n’aurais même, jamais été autant entourée. Certes, par des inconnus, des personnes que je connais peu, des étudiants de ma promotion, mais au fond, quelle importance ?

Ce qu’il y a de pénible finalement c’est d’être loin des siens et de ne pouvoir rien faire pour une soeur qui part à la dérive et qui hurle sa souffrance comme elle peut tout en refusant l’aide de ceux qui lui tendent la main. C’est de se résigner à ne pas être celle qui pourra lui apporter ce dont elle a besoin. C’est aussi se tourner vers soi et puis de se demander comment faire pour remplir le vide et le silence d’un appartement immense pendant les deux prochaines semaines, parce que se retrouver face à soi, c’est plutôt … chiant et pour le moment, parfaitement inintéressant.

Alors, comme une bonne petite comptable, je cherche à inviter le plus de personnes possibles à la petite fête que mon colocataire et moi allons organiser le 6 janvier pour fêter dignement la nouvelle année 2009 qui va encore m’enculer dans les règles de l’art, m’apportant son lot d’événements pénibles et d’épreuves à la con. Pour me consoler, je me dis alors que je mérite bien une petite compensation. Déjà plus de 6 mois sans relations sexuelles, enfin je crois, c’est peut-être plus au fond. Peu importe, je planifie donc qu’à cette fête, je vais boire au point de voir des
aurores boréales et m’envoyer en l’air avec Yan, un français qui vit à Pittsburgh. Si on considère notre attirance mutuelle qui dure depuis plusieurs mois, alors même que nous étions encore à Paris, de la semaine exceptionnelle que nous y avions passé tous les deux, et notre complicité, bref, j’ai toutes mes chances. Enfin, je décrète cela mais encore faudrait-il qu’il veuille bien tromper sa copine californienne avec moi.

Mais, il joue à la pucelle, il dit qu’il est amoureux et toutes ces conneries. Il disait cela aussi de son ex avant de passer la semaine avec moi, à Paris. Elle n’est plus qu’un souvenir maintenant. Ce qui est amusant, c’est que nous n’étions pas passé à l’acte. Une semaine entière passée à dormir dans les bras l’un de l’autre, à se tourner autour, à se séduire tranquillement, à se caresser du regard, à se sentir proche et ami puis autre chose.

Il parait que c’est important de se faire plaisir, de faire l’amour etc. même si ce n’est pas l’homme idéal. J’avoue que ça me répugne mais débuter l’année avec lui dans mon lit, il y a probablement pire. Et puis, mon rabbit a rendu l’âme.

Quoiqu’il en soit, il me faut inviter tous les gens que je connais depuis que je suis arrivée ici, et qu’eux-mêmes viennent avec le plus d’amis possibles. Cela multipliera mes chances de rencontrer un gars suffisamment brillant qui me fasse croire qu’il est charmant et qui suscite assez de désir pour que je ressente l’envie d’être embrassée et caressée.

Je vais devoir concocter un buffet pour la fête : faire des courses, cuisiner des plats avec Maxime (mon colocataire) et il faudra que je prévois de faire un stock de préservatifs à entasser dans mon placard, là, sous mes petites culottes.

J’ai tout prévu, même les litres de vin californien, australien, argentin, les Jack and coke, les mojitos et margaritas. Certaines comptent sur leur tenue Marc Jacob and co, leur maquillage Chanel, moi je compte sur les effluves enivrantes de l’alcool pour me rendre belle aux yeux de ma proie potentielle. C’est nettement plus efficace à mon sens dépendamment de ce que l’on espère pour la suite. Sauf que me concernant, je ne suis pas dupe, il n’y a jamais de suite après les soirées du Nouvel An. C’est plutôt paradoxal quand on y pense.

Mes parents partent s’éclater à Saint-Domingue, mon frère offrira des cadeaux dans la famille de sa copine à Paris, ma soeur ira danser dans une boîte avec des amis en Guyane et moi, je boirai jusqu’à tout oublier dans une party chez moi, à Québec. Nous sommes une famille déchirée, dont chaque membre s’éloigne pour ne plus avoir à penser combien nous nous décevons les uns les autres à travers un amour non compris et si compliqué à partager, qu’il en vient à nous faire souffrir. Les non-dits, les incompréhensions, la colère et la frustration se sont infiltrés dans nos veines. Je fus la première à les quitter. dès que j’ai eu 16 ans, fuyant cette insoutenable emprise que LA famille opérait sur moi, contrariant par là-même, ma soif de liberté. Je constate que peu à peu, ils m’ont imité et désertent ce champ de bataille que nous appelons notre maison. Je me sens coupable parce qu’au fond je suis l’initiatrice de cette désertion collective. Ils doivent croire que partir vaut mieux que tous les maux. Mais alors même qu’ils font maintenant ce que j’ai commis il y a des années, je me rends compte, que la fuite ne fait que précipiter chacun d’entre nous dans l’abîme.

11 réflexions sur “Christmas fuck

  1. Cet article est très bien écrit, félicitations.

    Le passage sur la fuite m’a beaucoup plu. Je suis parti à 17 ans de mon côté. Mais contrairement à toi, j’ai plutôt généré le phénomène inverse : ma famille s’est rapprochée. Je ne sais pas lequel est l epire finalement.

    Bonnes fêtes.

  2. Bonjour, joyeux noël !
    Je suis un peu décontenancé par cet écrit. Evidement, tu es franche et c’est tout à ton honneur, cependant j’ai vraiment l’impression que tu considères mal les hommes. La façon dont tu écris ton histoire avec ce pauvre bonhomme est horrible. Que tu doives t’alcooliser pour avoir des « envies » et en provoquer est tout bonnement infecte. Tu es surement dans une très mauvaise passe, et j’espère que tu en sortiras. Mais penser cela des « hommes », c’est cruel et injuste. Beaucoup d’entre nous souffrent de l’indifférence et de la cruauté de la gente féminine moderne. Beaucoup d’entre nous sont traités comme de simples objets de consommation. Peut être que ce que je t’écris te fera penser « qu’il y en a pas un pour rattrapper l’autre ». Il y a dans ce monde des hommes et des femmes qui ont une attitude correcte et qui ont foi en certains idéaux et ne traitent pas les autres comme des objets. Je e te cnnais pas, donc je ne fais que réagir à ce que tu as écris. Je te souhaite bon courage.

  3. et bien ce n’est pas très gai tout ça.

    c’est vrai que passer deux semaines dans un appartement vide n’a rien de vraiment réjouissant. Tu as raison aussi en ne pensant pas pouvoir faire de rencontres durables au réveillon ( mais qu’en revanche on peut rencontrer plein de monde). Et donc, j’approuve pleinement ton projet de te prendre une miurge monumentale pour le jour de l’an (en même temps on est là pour ça)
    Maintenant pour ce qui est de ta famille… pour ta soeur j’aurais tendance à dire « mais qu’est ce qui t’empêche d’aller la voir » mais en même temps je ne suis jamais sorti de l’europe, donc les formalités de visa ou autre me passe au dessus de la tête.
    Maintenant, pour le reste de la famille, je ne sais pas si c’est la première année que vous passez noel loin les uns des autres, auquel cas ce n’est pas si grave… et tu n’es pas responsable d’un éclatement familial et j’espère pour vous que vous vous retrouverez bientôt

  4. très beau post, avec de vrais beaux moments d’écriture triste. je pense qu’on devrait tous niquer le soir de noel, le monde irait beaucoup mieux, et c’est encore plus vrai pour la saint sylvestre, là c’est limite de la survie, et pourtant combien de fois n’est ce pas le cas?

  5. Jaymz,
    arrêtes de me faire passer pour un bourreau désabusé. Certes, je suis peut-être désabusée mais ce pauvre homme que tu défends avec tant d’ardeur a la possibilité de refuser qu’il se passe quoique ce soit entre nous, hein. Je ne compte pas le violer, et je ne suis pas non plus une menteuse assoiffée de sexe et prête à tout pour se faire culbuter.

    Donc … Merci de tes inquiétudes cependant, elles ne sont nullement fondées. Je ne suis ni cruelle ni injuste.
    Baiser le soir du Nouvel An, il me semble que la planète entière s’apprête à faire de même, d’autant plus avec la récession économique qui s’annonce. Cette année 2009 va être horrible pour chacun d’entre nous. Au semestre prochain, plus personne n’aura le coeur à baiser, donc j’en profite maintenant. On peut dire que je capitalise mes placements. Mdr.

    Je ne fais que parler de la vie, des déceptions qu’elle cause chez chacun d’entre nous, du vide qui nous glace le sang parfois, et de la douleur que nos amours familiales contrariées causent en moi. Pas de quoi fouetter un chat. Si ?

    Merci à tous pour vos commentaires. Joyeux Noël, mes amis et faisons de notre mieux.

  6. J’aime bien ta facon d’ecrire, tu as un bon style… Nous pouvons sentir tes emotions, tes envies, tes sentiments a chaque description en parcourant ton texte.

    Tu as l’air d’avoir vecue, mais j’avoue ne pas t’envier du tout. A ton contraire, ce n’est pas mon cas, et l’amour reste pour moi, une valeur que je ne trahirai jamais…
    Je ne veux pas devenir monsieur tout le monde et avoir une vie instable.
    Je vais me justifier par cette phrase, tu comprendras vite ce que je voulais dire par « instable »:
    « Si vous possedez tout, mais qu’il vous manque l’Amour, alors vous n’avez rien! »

    J’ai beau me dire que si j’avais ci ou ca, si je profitais plus des opportunites qui me sont offertes (l’instant present comme vous le dites toujours), si je pouvais me contenter de faire l’amour seulement par envie, par pulsions sexuelles, avec des corps de femmes magnifiques qui se tortillent sous la jouissance due aux plaisirs de l’action, en verite cela ne me satisfera pas pour autant…

    A quoi bon remplir sa vie de choses et d’actes qui ne me combleront jamais? A rien, si ce n’est etre comme tous les autres…

    Nous sommes tous pareils de nature, mais nous pouvons nous differencier par ce en quoi nous croyons!
    Il y’a ceux qui disent: « il faut profiter de la vie » et il y a ceux qui disent: »a quoi bon? »! Au final, le resultat est le meme, seulement l’un a compris plus tot que l’autre!

    Les vraies valeurs sont bien au dela de la convoitise de l’Homme

    Sinon la partie concernant ta relation familial est toute aussi triste que celle de ta vie amoureuse…
    Ainsi, ton chemin a ete plus mouvementee, plus riche diront meme certains. Mais le resultat est bien la comme je l’avais dit, tu semblent plus vide en toi que je ne le suis, moi dont la vie a ete banale comme l’auraient dit certains! Ton coeur le comprends maintenant en ce qui concerne LA famille! Peu importe que tu aies commise ou non l’erreur, c’est deja tro tard! Aujourd’hui si tu peux le reconnaitre et ne plus le reproduire alors tu auras decouvert une des vraies valeurs dont je parlais.

    L’essentiel c’est de le comprendre avant qu’il ne soit trop tard et de vivre la vie autrement que comme dans le passe! Voila ce que je voulais te dire… Puisses tu trouver les veritables richessses dans ta vie! ^^

    Amicalement, Solo!

  7. Cher Solo,

    Vous êtes comme ces gens que vous décrivez ; vous avez eu une vie banale et ordinaire. Alors, comment pourriez-vous comprendre quoique ce soit me concernant ? Vous ne me connaissez pas et ne comprendrez jamais à quel point ma vie fut une bataille, une survie, une quête.

    Lorsque l’on ne souffre pas, que l’on a eu une vie plus ou moins normale et aimante, on reste banal et on continue de croire en la force de l’Amour (Je mets volontairement le « a » de « amour » avec une majuscule, par moquerie de cette niaiserie). Tout simplement parce qu’on en a les moyens. Moi, je ne les ai plus.
    Quelqu’un avait dit que seuls les gens moyens pouvaient être heureux en amour car ils ne se posaient pas de questions.
    Les gens trop brillants souffrent toujours. Tous. Car ils posent un regard lucide et éveillé sur le monde. Au fond, c’est logique. On est heureux tant que l’on ne voit que ce que l’on désire.

    Pour aimer, il faut avoir un soupçon de naïveté et d’innocence, être prêt à y croire, un peu comme les enfants qui croient au Père Noël. Sur ma route, j’ai perdu tout ça. Il existe des gens incapables d’aimer. Soit à cause de leur histoire ou même naturellement.

    Je suis partie de Paris, pour entamer mon autre voie : voyager, déménager de villes en villes et voir tout ce que je veux voir, expérimenter mon corps dans l’espace temps et non plus à l’intérieur de moi, ce qui me plongeait dans des abîmes de réflexions inutiles. Je sais ce que je fais. Je fuis ? Et alors ? Je n’ai pas d’autre solution. La fuite peut être salvatrice même si des fois elle peut être l’inverse. Tout choix comporte ses revers et amène son lot de douleurs.

    Je suis venue en Amérique du Nord pour réussir et m’enrichir. Oui oui comme tout le monde. Sauf que je pense y arriver. Vraiment. Je passerai sous silence mes réussites professionnelles depuis que je suis arrivée ici et le fait qu’enfin je me sois acceptée comme la fille brillante que je suis depuis toujours, mais qui en était complexée. C’est bon de se sentir valorisée rapidement ce qui n’est nullement le cas en France où on écrase joyeusement les talents émergents.

    Peu importe, mais sachez que … concernant la vie que je mène, je suis navrée d’avoir à vous dire cela, mais, je n’ai aucune leçon à recevoir de vous. Si vous aviez vécu le dixième de ce que j’ai traversé, vous qui n’avez pas de couilles en tant qu’homme commun, vous vous seriez tiré une balle depuis longtemps.

    Sachez mon cher que l’amour avec un grand A se décline sous plusieurs formes existe aussi en dehors de la cellule familiale, il peut y en avoir d’autres. En outre, oui je fuis l’amour, il m’insupporte aussi sûrement qu’une flamme qui me brûlerait la peau.

    Ne cherchez pas à me comprendre. Tout ceci vous dépassera sûrement homme du commun.

    Bien à vous.

  8. Hi Ella,
    D’abord je suis un régulier des Vingtenaires, blog que je trouve tout simplement remarquable. Lorsque j’étais dans cette tranche d’âge, le Web 2.0 actuel n’existait guère. J’ai adoré ta remarquable description sur la solitude de l’expat’, sur la désertion familiale et par-dessus tout ta remarquable plume. T’as déjà la fibre d’une écrivain.

    Pour 2009, je te souhaite un moral d’acier, une santé de fer et un coeur d’or.

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