Un jour en France – une modeste analyse politique (2)

Par So Long

[Message de Nina : cet article a été écrit durant l’entre-deux-tours mais comment j’étais en Sicile, ça a créé un petit décalage, pardon]

Le début : Un jour en France – une modeste analyse politique

La fin du centre ?

Il paraîtrait que le vote – à titre personnel – de François Bayrou pour François Hollande était un suicide politique, que Bayrou a tué le centre, vive le centre. Je ne souscris pas totalement à cette analyse, même si effectivement les conséquences de ce choix personnel sont désastreuses pour Bayrou (à titre personnel également).

Pourtant, le geste de Bayrou le 3 mai est historique, inédit et profondément encourageant. Dans toute l’histoire du centre, ce choix là n’a jamais été fait, renvoyant ces formations à n’être que d’éternelles réserves de voix de la droite, et ne pouvant parvenir au pouvoir que sur un malentendu. Ce positionnement m’a toujours surprise dans la mesure où la gauche a toujours dialogué avec le centre, a toujours débattu, et a toujours reconnu des valeurs communes en dépit de différences de méthodes. Le non-choix de 2007, le choix de 2012. Voilà qui a permis d’engager le centre dans une nouvelle définition de son essence politique. Reste désormais à canaliser cette essence pour en faire une véritable force politique.

Dès lors, si le Modem est aujourd’hui en cendre, je pense qu’un magnifique phénix va pouvoir en sortir, même si pour l’instant l’oisillon a l’air bien gentiment au chaud dans son œuf. Il est du devoir de la gauche de tendre la main au Modem pour l’aider dans sa recomposition. Il n’est pas souhaitable pour la France de sombrer définitivement dans le bipartisme, il faut donc un centre qui polarise.

Le renouveau du centre tel que l’a dessiné Bayrou est à la bonne position : ni à droite, ni à gauche. A la différence du Nouveau centre qui s’est dissout dans l’UMP pour ne plus exister qu’à l’état protozoaire. C’est la raison pour laquelle il est temps que Bayrou désigne un successeur, car si lui est carbonisé au niveau politique – encore que je le vois bien revenir par la petite porte gouvernementale

– le mouvement qu’il a lancé mérite de vivre. Cela implique une personnalité qui rassemble, qui fédère, et surtout qui sait nouer les alliances politiques nécessaires. Sans oublier qu’il lui faudrait une force morale inébranlable. Mais avant toute chose, il faut que cet homme / cette femme ne soit aucunement mû(e) par son égo, et ne considère pas que son destin est joué parce qu’il « est »
(suivez mon regard). En somme, les qualités morales de Bayrou, et la pugnacité de Hollande. On peut rêver, et toute de gauche et engagée que je suis, je pourrais même voter pour.

L’opposition.

La situation est assez inédite puisque nous avons à faire à une opposition qui est vraiment double : l’UMP et le FN ; mais surtout que jamais la droite n’a réellement été en situation d’opposition depuis un bon paquet d’années qui nous ramène à Mitterrand. Certains m’objecteront la période Jospin, mais le président lui-même était « d’opposition » si bien qu’à un certain stade du pouvoir il y
avait exercice. Et je ne parle même pas de la toute récente bascule du Sénat.

Cependant, l’UMP est actuellement le cul entre deux chaises : entre un centre auquel elle ne croit plus, et un FN qui n’entend pas perdre la main si chèrement acquise à coup de relooking et de maîtrise de l’agenda. Le drame de l’UMP c’est d’avoir savamment orchestré sa propre perte depuis sa création, et de l’avoir précipitée depuis 5 ans. En somme, il n’y a plus que deux choix possibles, et les deux sont des paris excessivement risqués dans la perspective d’une reconquête du pouvoir.

1. Se fondre avec le FN, préserver un minimum d’apparences, mais se recomposer entièrement au niveau des idées d’extrêmes droite qui ont bien eu le temps d’infuser depuis quelques années. Si même NKM défend le discours de Morano, je ne vois pas ce qu’on peut faire.

2. Redonner du poids et de la valeur à la droite humaniste, retracer le cordon sanitaire autour du FN et travailler à structurer le débat autour de bonnes vieilles recettes républicaines.

L’ennui c’est que dans l’état actuel des choses la stratégie numéro 1 semble largement favorisée :

A. le FN est fort alors que le centre est mort ;

B. la ligne Buisson a permis de limiter la casse pendant la campagne ;

C. le sentiment de déclassement chez les français est tel qu’ils ne comprendraient pas que la droite se droitise encore plus.

Donc, pour l’instant c’est cette stratégie qui peut fonctionner, faire de l’UMP un cheval de Troie, pénétrer le FN, et les cadres actuels du parti sont assurés de se garder une place au chaud « une fois que la gauche se sera planté »

Et c’est là que le bas blesse. Cette stratégie part du principe que « Hollande va se planter ». Mais rien n’est moins sûr dans la mesure où son engagement c’est « confiance et justice ». Il est plus audacieux de promettre une croissance à 3% et un chômage à 5%, je vous l’accorde. Mais nettement plus courageux de promettre une société apaisée et une politique de redressement moral, social et
économique. Donc pour l’instant, on ne sait pas. Il n’est dès lors pas évident de prendre position. Et même, ce serait dangereux dans la mesure où l’anti-hollandisme primaire s’appuie sur les théories de l’extrême-droite : plus d’immigration, plus d’impôts, faillite comme la Grèce, blablabla… La caricature est grossière, elle est digne des propos anti-socialos des Maurassiens de la grande époque (oui,
point Godwin ou presque). Mais c’est plus compliqué d’avoir une ligne politique constructive surtout quand on a perdu l’habitude de la critique constructive et qu’on a passé des années à rester dans une admiration béate à réciter bêtement des éléments de langage préparés par l’Elysée.

Pis encore ! La seconde solution est encore pire pour l’UMP : ce serait le signe d’une confiance en Hollande et d’un désaveu de la ligne de Sarkozy. Car oui, la ligne de rapprochement avec le FN est bel et bien la ligne Buisson, si il y a une « certaine porosité » UMP-FN depuis 2007, les digues ont été rompues avec le discours de Grenoble et le débat sur l’identité nationale. A tel point que ces évènements devraient entrer dans l’histoire du Front National, et non dans celle de l’UMP.

Désavouer Sarkozy, certains n’auraient pas trop de mal, mais pour se tourner vers qui ? Revenir à la droite humaniste c’est non seulement faire confiance à la gauche gouvernementale, mais en plus c’est devoir aller récupérer un leader qui a lui-même perdu son âme si jamais il est actuellement à l’UMP. Ca ne laisse pas grand monde… Villepin peut-être. Et encore. Si seulement le centre n’était pas mort, mais l’UMP ne peut même pas faire un embargo sur une formation qu’elle a cherché à anéantir (allo, petit oiseau, il est temps de sortir de sa coquille). En somme, faire le choix de la droite humaniste est aujourd’hui un pari des plus risqués pour l’UMP… d’autant plus que si François Hollande ne remplit pas son objectif, le FN aura un véritable boulevard en 2017.

En finir avec l’Etat postmoderne

Je risque de m’attirer les foudres de mon directeur de master en disant cela, mais conceptualiser l’Etat postmoderne a signé l’arrêt de mort de la politique au sens noble du terme. Si l’on considère que l’Etat postmoderne est fondé sur le mondialisme et l’hyper-individualisme (réécouter l’Homme pressé n’est pas une mauvaise chose par les temps qui courent), alors il est évident que les extrêmes et les populismes de tout poil ont là une magnifique autoroute toute goudronnée qui les conduit au pouvoir.
A cet égard, relire L’Enfance d’un chef de Sartre est édifiant ! (je suis naïve, j’imagine forcément que tout le monde l’a lu) Mais on y retrouve tout : l’individualisme (porté par le surréalisme) qui conduit à la haine de soi, la haine de soi qui conduit au déclassement, le déclassement qui conduit à la xénophobie (et l’antisémitisme), la xénophobie qui conduit à l’extrême-droite ; et le cheminement est le
même avec l’aspect mondialisme.

Merveilleux ! (et pourtant, j’aime pas beaucoup Sartre) (argument massue, ter)

En somme, la notion même d’Etat postmoderne doit être détruite pour retrouver un Etat noble, et non pas un Etat qui traduit un ensemble de fantasmes. Une République saine, salvatrice, qui élève et transcende les individus (oui, j’aime bien Rousseau). Un Etat qui porte de nouveaux enjeux et non pas de nouvelles peurs : remplacer l’individu par le bien commun, la croissance par la durabilité, le
libéralisme par la liberté,… les substitutions sont multiples. C’est le sens du projet EELV, c’est le sens du projet PS, c’est le sens de la majorité présidentielle.

C’est pourquoi, par la présente, je redis encore et toujours mon total soutien à François Hollande et à son équipe. Et après 5 pages de divagations, on ne peut que continuer d’observer les prochains débats… et pour ma part, œuvrer à ma petite échelle à la réussite du pari hollandais.

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