Les stagiaires nous piquent nos boulots !

Ca faisait un moment que je m’étais pas excitée sur les stagiaires et pour cause : je suis sortie du système depuis longtemps. Ben oui, le 16 avril précisément, je fêterai mes 3 ans de vie active, de vraie vie active. 3 ans que je n’ai plus envisagé de faire des stages malgré mes bacs ++ juste histoire de ne pas avoir de trous sur le CV.


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C’est pas pour autant que je n’ai plus rien à dire sur le sujet. Hier, Greg a passé une annonce sur twitter annonçant qu’il cherchait deux community managers stagiaires. Au passage, si toi, derrière ton écran, tu cherches ce genre de stage, je te conseille de postuler
fissa. Bref, suite à cette annonce, les messages pleuvent du type : « le community management est un vrai métier » et autres « un stagiaire, ça apprend. Si vous voulez un mec expérimenté, payez le », des choses comme ça. Ce qui en soit est bien vu. J’en parlais l’autre jour à Tatiana : aujourd’hui, même pour des stages, il faut de l’expérience, le serpent se mord méchamment la queue. Je peux comprendre que le but du stagiaire n’est pas d’être un poids mort pour la boîte mais il est là pour apprendre. Pas pour remplacer un salarié.


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Car le phénomène s’amplifie. C’était déjà le cas dans le journalisme, je voyais des annonces revenir tous les 3 mois (3 mois, tiens, la durée moyenne d’un stage) et dans des grandes rédactions, en plus. Forcément, faire un stage dans de grandes rédactions, ça fait joli sur le CV mais à renouveler systématiquement les stagiaires comme ça, ça fait un peu trop « le stagiaire occupe un poste à part entière ». Ce n’est pas une nouveauté, donc, j’en avais déjà parlé. Mais là, je constate que le problème arrive également en community manager. J’ai un ami qui passe des entretiens pour ce type de poste depuis quasi un an et pas mal de postes n’ont finalement pas été ouverts « on a pris un stagiaire ». Ben oui, 300 € par mois contre 30 k€ par an (et encore, ça peut coûter cher un community manager mais c’est pour mettre des chiffres similaires), on a vite fait de faire pencher la balance d’un certain côté. Sauf que l’expertise et l’expérience, ça se paye et c’est normal. Un stagiaire, même s’il en est à son 5e stage, sera rémunéré toujours au même prix ou presque. Nous, à chaque changement de poste, on réclame plus de sous, ce qui est normal. Les employeurs veulent toujours le beurre et l’argent du beurre : l’expérience pour pas un rond. Et puis quoi encore ?


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Il y a quatre ans, quand j’étais au chômage, le problème se posait avec de plus en plus d’acuité et il était question de faire une loi pour garantir certains droits aux stagiaires et interdire aux entreprises d’occuper un poste avec des stagiaires tournants. Aujourd’hui, on n’en parle même plus. On s’en fout. Evidemment, on pourrait en conclure que les entreprises ne savent pas que ce qu’elles perdent en préférant l’économie à l’expérience. Même si l’avantage des stagiaires est qu’ils peuvent avoir un regard et des idées neufs et c’est pas si mal. Ceci étant dit, il faut arrêter de croire que le stagiaire peut occuper un poste à lui tout seul, il est là pour apprendre et c’est une trop lourde charge pour lui de lui confier un vrai poste. Par ailleurs, il serait peut-être temps de comprendre que le community management est un vrai boulot. C’est un peu le nouveau taf à la mode, tout le monde bossant de près ou de loin sur le web veut faire ça mais être community manager, ce n’est pas simplement organiser des soirées blogs avec ses potes aux frais de la princesse.


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Des fois, ça me fait légèrement flipper de voir que certains points évoqués ici il y a trois ou quatre ans sont plus que jamais d’actualité… Même si plus personne ne s’en préoccupe dans nos sphères dirigeantes.

13 réflexions sur “Les stagiaires nous piquent nos boulots !

  1. je viens de comprendre ce qu’etait un community manager ! je suis moins ignare !!! je partage ton humeur sur le fait que maintenant tout le monde s’en fout que ce soit des stagiaires qui prennent le boulot des chomeurs…et les études en alternance ont le vent en poupe, vu que les étudiants sont tout contents de percevoir un premier « salaire », ça sent l’hypocrisie a plein nez et l’opportunisme due à la crise a bon dos. moi je suis nostalgique de mes années etudiantes ou je glandais sec parfois, entre 2 vraies séances de boulot, a refaire le monde dans des pioles enfumées…ça a l’air de rien, mais ça forme le caractere de pouvoir explorer des tas de directions en toute liberté pendant quelques années alors tomber direct dans la spirale du boulot dodo métro, je trouve ça triste et dangereux.

  2. Dans le même journalisme, comme tu le dis dans ton billet, c’est le même problème. Quand tu es stagiaire, tu as parfois des responsabilités incroyables (t’as déjà vu une stagiaire responsable d’un gros site féminin ? C’est ce qui se passe chez certains). Mais quand il s’agit de rester, c’est pas possible : il faut qu’on te remplace par un stagiaire.
    Dans mon cas, après un stage et un CDD, on m’a gentiment demandé de partir parce que c’est la crise. Et j’ai été remplacée par deux stagiaires si mes souvenirs sont bons. Aujourd’hui, ils n’ont pas prévu d’embaucher qui que ce soit mais je vois régulièrement des statuts facebook de journalistes qui cherchent des stagiaires. Tu m’étonnes, c’est un formidable vivier. Sauf qu’au bout d’un moment la qualité du boulot s’en ressent, tout ne tourne pas comme on le souhaiterait. Parce qu’un stagiaire est par définition quelqu’un qui a encore des choses à apprendre.
    Le journalisme (je parle juste de ce que je connais mais j’imagine que c’est la même chose dans ta branche) est totalement bouché. Parce que saturé par des stagiaires qui tournent de rédactions en rédactions. Mais aucun poste n’est créé, et parfois des postes sont remplacés par des postes de stagiaires. Comme quoi il vaut mieux être freelance, arriver à se faire son trou… Même si ce n’est pas une situation stable par définition.

  3. Eh oui, stagiaire, cela devient un métier. Et un métier qui ne dépend d’aucune convention collective, qui est rémunéré sous le smig…

    Quand les patrons ont compris qu’un stagiaire valait plus que son poids en café et autres photocopies, ils ont commencé à leur donner de vraies missions.

    J’ai même rencontré des stagiaires « expérimentés » qui encadraient des débutants.

    Et bien sûr, sur les métiers un peu bizarres ou nouveaux, métiers que l’on a du mal à caser dans l’entreprise (community manager), on « embauche » un stagiaire. Un djeuns pour un métier djeuns, quoi.

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  4. Bonjour,

    très bel article. Je partage le même avis que vous et ce depuis… hum… 2001 ! Si, si. j’ai aussi vécu les mêmes choses.

    Lors de ma dernière période de recherche d’emploi, j’ai créée un site où les stagiaires en entreprises peuvent partager leurs expériences. C’est totalement indépendant et gratuit.

    Le but de NoteTonStage est double :

    – les étudiants peuvent mieux choisir leur entreprise grâce aux évaluations faites et à la messagerie privée qui leur permet de contacter les anciens stagiaire inscrits sur le site

    – permettre aux entreprises de pouvoir se mettre en valeur, si elles ont une vraie politique de formation de stagiaires et surtout si elle manquent de notoriété (vis-à-vis du CAC 40, par exemple)

    C’est un sujet sensible, c’est certain. Les lois votées dernièrement ne changeront pas grand chose, c’est du côté des mentalités que les changements viendront d’eux-mêmes : des responsables des fac, écoles, instituts, etc; et des responsable d’entreprises.

    Je serais chef d’entreprise, je ferais attention de ne pas me laisser tenter par une vision court termiste de ma stratégie RH. Avoir trop de turn over :
    – saoûle les employés qui doivent accueillir sans cesse des stagiaires aux mêmes postes, les former, etc,
    – c’est le risque d’avoir des fichiers senibles, importants, voire stratégiques, qui se baladent dans la nature sur des clefs USB…
    – c’est de l’expérience, un savoir-faire, un collaborateur rodé qui s’évapore et donc, à terme, un manque cruel de productivité.

    N’hésitez pas à parler du site autour de vous (il n’est pas parfait mais il rend service).

    Merci.

    Aurélien, de NoteTonStage.fr

  5. Outre le journalisme, il y a aussi le domaine de la comm. J’ai une copine, avec deux masters en communication culturelle (plus spécifiquement dans le cinéma), qui cherche désespérément un taff. Elle passe des entretiens, et puis finalement, il n’y a plus de poste à pourvoir : ils ont préféré prendre un stagiaire. A la fin de son second master, elle est partie bien malgré elle en stage pour compléter son CV : entreprise très connue, chouette. Sauf que le stage aurait très bien pu être fait par un bac+2, les tâches étant assez simples. Et quant aux avantages promis (remboursement carte orange, carte cinéma), elle les attend toujours ! (pour la carte orange, ils ne remboursaient qu’au tarif Imagine R, alors qu’elle n’était plus étudiante et payait deux fois plus …)

  6. Un peu naif comme article… Si une entreprise prends uniqument des stagaires sur un poste, c’est tout simplement par manque de budget. C’est évident qu’une personne expérimenté, avec du temps devant lui, fera un meilleur boulot qu’un stagiaire sur 3 mois mais c’est plus cher. Je connais pas le milieu mais si le journalisme est bouché, c’est non pas à cause des stagiaires mais à cause de la crise du métier (baisse des budgets de la pub, etc..).

  7. Le fait que ta boite gagne de l’argent n’a rien à voir avec le budget que tu as pour embaucher. si on considère que ton domaine ne rapporte rien, tu ne pourras pas investir en embauchant. du coup, tu prends des stagaires. après ça dépends du métier surement, mais je vois pas l’intérêt de prendre quelqu’un sans expérience, de le former, et une fois formé on refait tout avec le suivant… c’est débile. Enfin surement je généralise un peu vite par rapport à mon expérience personnal, peut être dans la comm et le marketing c’est différent.

  8. Il y a heureusement certaines entreprises qui commencent à se rendre compte de la limite du système mercenariat, personnel interchangeable, grh à la pression.

    Il nous incombera la responsabilité de faire évoluer tout cela quand nous serons aux responsabilités, ce qui arrivera plus rapidement que certains ne le pensent, papy boom obligeant.

  9. Euh je connais pas le milieu du travail 🙂
    j’ai sans doute généralisé trop vite par rapport à mon expérience personnel…
    j’ai 8 ans d’expérience dans l’informatique, et j’ai qques responsabilités « managériales », donc je proposes des embauches, m’inquiètes des plannings, des plans de charge… Disons que je voie l’autre côté du miroir. Un pote avait une start-up qui effectivement tournait beaucoup avec des stagiaires. La boite a fermé… c’est pas viable à longs terme les stagiaires, au moins dans notre secteur (haute technologie + informatique)
    Donc j’ai surement généralisé trop vite, mais ne le fait pas non plus…

  10. Bonjour,

    Voilà un billet qui m’interpelle à deux titres :

    1/ J’ai été stagiaire. Et si stagiaire à 25 ans, c’est déjà pas la joie, imaginez ce que cela représente à 45 ans…

    2/ De formation Veille/Intelligence Economique, je connais un peu la fonction d’un Community Manager.

    Cette expérience m’a inspiré ce billet : »Chargé de veille, plus qu’un job d’étudiant, un vrai métier » : http://patrickcuenot.wordpress.com/2009/11/09/charge-de-veille-plus-qu%E2%80%99un-job-d%E2%80%99etudiant-un-vrai-metier/

    Les entreprises qui tournent exclusivement avec des stagiaires dans le secteur de la Veille/IE (désolé, je ne connais pas assez la situation dans le secteur du journalisme pour en parler) montrent simplement qu’elles n’en n’ont pas saisi l’enjeu : l’aptitude à anticiper dans un environnement économique hyper-concurrentiel et en permanente mutation, où les informations se périment plus vite que les bombes n’explosent à Beyrouth ouest. Elles jouent donc leur survie à la roulette russe.Parce que peu de stagiaires seront capables de préparer et présenter une vraie démarche de communication de crise consécutive à une attaque sur un réseau social, par exemple.

    En plus, dans mon secteur particulier, la veille d’opinion, combien d’entreprises se font descendre sur Internet par leurs stagiaires ? Or, de tels incidents sont plus faciles à réprimer lorsqu’ils sont commis par des salariés (même en CDD) soumis à une obligation de loyauté envers leur entreprise.

    Par contre, je m’inscris en faux contre l’affirmation qu’un stagiaire prend la place d’un professionnel. Le prétendre est, à mon sens, se tromper de cible. Je préfère dire que les entreprises exigent des stagiaires qu’ils délivrent des prestations de qualité égale à celle d’un professionnel, ce qui équivaut à rêver éveillé.

    Mais, je concluerais cyniquement : je pense que certains consultants seraient prêts à payer des entreprises pour qu’ils continuent de faire effectuer des travaux professionnels aux stagiaires, rien que pour passer derrière et réparer les erreurs commises, moyennant des honoraires bien supérieurs à ceux d’un salarié en CDI.

    Où est l’économie, dans ce cas ?

  11. Absolument! très bon article! c’est vraiment dommage que l’on en parle pas plus…
    je pense aussi que c’est un cercle vicieux, plus les étudiants font des stages, plus la barre est haute pour les suivants et leurs cvs et moins les emplois sont disponibles…
    Les employeurs en profitent c’est vrai… mais la demande est là de la part des étudiants qui n’ont pas le choix! Je suis moi même étudiante stagiaire « expérimentée » et j’encadre une stagiaire « non expérimentée » de trois ans ma cadette. J’ai postulé pour ce stage à cause de la compétition, les cvs s’étoffent parmis les étudiants…
    Je pense que la solution doit être législative car personne ne fera le premier pas pour arrêter cela ni les étudiants, ni les employeurs…

  12. Oui, tu as raison, cela fait des années que la situation est la même, et on n’en est toujours pas sorti ! pour ma part je suis journaliste (en alternance), je fais le taf d’une « vraie », mais comme ils n’ont pas les moyens de me prendre à plein temps, me voilà obligée d’être en contrat pro, (alternance) alors que j’ai l’expérience pour pouvoir prétendre à un vrai poste. Enfin bref. Je suis plutôt bien lotie quand je regarde la situation des journalistes autour de moi… (et je ne m’étend pas sur les manques de budget et la somme de travail qu’on demande aux journalistes, qui ont deux fois moins de temps et trois fois plus de sujets à écrire, ce qui implique des articles pas forcément fouillés, proches des dépêches AFP, tout simplement parce qu’on n’a pas les moyens de les faire se déplacer ou de prendre du temps à creuser le sujet). c’est horrible à dire, ça me fait mal d’écrire ça, mais dans pas longtemps, j’aurais sans doute honte d’être journaliste (si j’arrive à le rester !). Concernant les stagiaires, et bien comme dans tant d’autres milieux, on en use et on en abuse… Certains sont apprentis, mais la majorité sont juste des journalistes au chômage. C’est vraiment révoltant. Après, les journaux n’ont pas de budget, c’est un fait. mais c’est aussi le serpent qui se mort la queue, car l’abus de stagiaires provoque une baisse de qualité (non due aux stagiaires je précise)et ce n’est pas comme ça qu’ils vont relancer leurs vente. Menfin, c’est un problème plus large que le seul problème des stagiaires. Pour sortir des journalistes, et pour ne prendre que des exemples de personnes proches, elles sont toutes remplacé soit un congé maternité, soit carrément une personne, et cela dans la grande distri, le management, le marketing etc etc etc… aucun secteur ou presque n’est épargné. Il faudrait vraiment qu’une loi s’attelle à ce problème,parce que c’est bien beau de maquiller les chiffres et durcir les conditions pour que le chômage baisse, mais un jour il faudra tout reprendre à la base. Et le problème des stagiaires pour moi, en fait partie. Bon courage tout le monde, et surtout, longue vie à ce blog, que je trouve génial.

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