C’est la grève (comme tous les autres jours)

Lundi matin, j’arrive à la gare : pas de train avant 30 minutes. N’étant pas tout à fait stupide, le soir, je vais voir sur ABCDTrains et bonne nouvelle :
le trafic sera normal le lendemain. Sauf que pas de chance, un conducteur se fait agresser lundi soir à 19h40 et quand j’arrive à la gare hier matin, y a écrit en gros : « pas de train du tout ». Ah ben comme ça au moins…


Arrivée au boulot, je pianote sur le net pour savoir ce qu’il s’est passé exactement, c’est quoi cette histoire d’agression. Je ne commenterai pas le fait que j’ai du mal à comprendre pourquoi c’est tout le réseau St Lazare qui est paralysé alors que l’agression a eu lieu sur la ligne A du RER. De toute façon, ça fait à peu près un an que j’ai des soucis de train toutes les semaines, je pourrais lister les différents motifs de grèves ou pannes mais on s’en fout, là n’est pas le propos de l’article. Et non, en fait, je ne vais pas dire que la grève, c’est bien mais qu’on en a tellement abusé que ça ne veut plus rien dire là (un an de perturbations entre les grèves dures et les remises en service plus les pannes), que je trouve assez scandaleux qu’un syndicat utilise l’agression d’un conducteur pour expliquer que c’est la faute de la direction qui veut pas céder à leurs revendications ( ?) ou encore parler du collègue de ma mère, infirmier aux urgences, qui se retrouve avec un collier cervical et un arrêt de travail d’un mois sans que ça n’émeuve personne. On pourrait aussi parler du fait que le moindre pet de travers du côté des syndicats est surcouvert par les médias alors qu’il faut attendre que quelqu’un meure aux urgences pour qu’on se dise que, quand même, y a comme un souci. Mais c’est Noël, on va oublier et manger, merci bien. Je pourrais enfin faire remarquer que privatiser ne multipliera cependant pas les rails et qu’Air France n’est plus un service public et pourtant… Bref, voilà, je balance tout, je développe rien et je passe à la suite.

Plus intéressants que les articles qui ne nous apprennent pas grand chose sur le sujet (et qui, pour celui du Monde, est écrit avec les pieds), les commentaires. Alors, ça, c’est mon péché mignon. Prenez un sujet polémique et allez lire les commentaires, c’est carrément jubilatoire. Entre les usagers mécontents, les acharnés de la privatisation et les « tout ça, c’est un complot du gouvernement pour nuire aux syndicats », je me régale. Mauvaise foi contre mauvaise foi, propos décousus (y a des gens, je comprends pas ce qu’ils cherchent à dire), gens qui mêlent des choses qui n’ont rien à voir dans le débat, anecdotes personnelles, effleurement du point Godwin (celui là, j’aime le distribuer). Ça vous rentabilise une grève en deux minutes.


Je parle des grèves mais ça marche pour le reste. Il faut surtout lire ceux concernant la France et là, c’est droite comme gauche, c’est tout blanc ou tout noir. Parce que tout est la faute de l’UMP mais toi, t’es trop con, tu es influencé par les discours anarco syndicalistes, alors hein… Oui parce que de façon générale, dans les débats sur le net (et surtout sur le net), chacun est persuadé de détenir la vérité absolue et indéniable alors que tous les autres sont influencés par les médias. On peut prendre le cas du Proche-Orient, un vrai cas d’école. On a de tout : du sang, des larmes, des intérêts géostratégiques, des morts, des soldats, des attentats, des religions, des « moi je sais, pas toi ». Perso, moi, je ne sais pas vraiment. Je ne vis pas là bas donc les chiffres qui me parviennent, parfois contradictoires, je ne peux pas savoir lesquels sont vrais, lesquels sont faux, quelle source est fiable et quelle autre est vérolée. De façon générale, je préfère éviter de me prononcer sur le conflit essentiellement parce que ça finit toujours par dégénérer. C’est pas pour autant que je n’ai pas un avis mais il suffit de tomber sur une personne qui est pour l’autre camp et là, c’est parti : « t’es trop conne, tu répètes ce que disent les médias mais t’en sais rien. Franchement, quand on sait pas, on ferme sa gueule ! ». Je suis toujours assez fascinée par cette sensation que semblent avoir tous les commentateurs d’actualité de savoir. Y compris quand ils ont tort et qu’on leur prouve par A+B car des fois, oui, il y a moyen de démontrer qu’ils ont tort mais au lieu de fermer sa gueule ou de s’excuser, la personne attaque sur un autre point. Je me souviens d’avoir eu ce débat sur ce blog même. Une fille m’explique qu’en France, les résidants d’outre mer et les gens issus de l’immigration n’ont pas le droit d’être élus de la République, je lui cite quelques noms pour lui prouver le contraire. Réponse : « et alors, tu trouves qu’il y a de quoi être fier ? ». C’était pas la question, à la base…

 

Mais j’aime. J’aime vraiment ces joutes verbales, ces interpellations, c’est « moi je sais et pas toi », cette mauvaise foi qui transparaît et les raccourcis parfois hallucinants qui sont faits. Cette sensation que parfois, les gens ne pensent pas selon la même logique pour arriver de A à C en passant par T. Sauf qu’il y a un effet pervers : à force, on a tendance à ne plus donner raison à personne et d’être totalement désabusé. Et du coup, dans les débats en soirée, on n’a aucune envie de donner son opinion vu qu’aucune option ne nous convient. Par contre, pour les sadiques de la contradiction, c’est bon : vous aurez des contre- arguments quoi qu’on vous soutienne. Quoi qu’il en soit, dans les soirées en ville, si on vous demande votre avis sur un sujet dont vous vous foutez et qu’il serait mal vu de ne pas répondre, vous avez au choix : « Tout ça, c’est la faute à Sarkozy/l’UMP ! » ou « non mais arrêtez, vous êtes intoxiqués par les médias ! ». A la limite, si vous êtes dans un repas où il est bon ton d’être de droite, vous pouvez un peu tacler sur le PS : « Pffff, arrête de t’emballer, on dirait Ségolène Royal/Martine Aubry ».

Non mais comment voulez vous que je me lasse ? En tout cas, le seul truc que je retiens de tout ce que j’ai lu, c’est cette question : « et sinon, à quand des transports plus écologiques? ». Aucun rapport avec la grève mais j’aimerais savoir, aussi.

12 réflexions sur “C’est la grève (comme tous les autres jours)

  1. Sans rapport avec l’article, j’espère que Gauthier ne se jettera pas sous un train. En effet, depuis votre altercation virtuelle mais néanmoins publique, il a laissé un post très inquiétant sur son blog.

  2. Ce que je trouve de tout à fait scandaleux avec ce genre de grèves, c’est qu’elles ne respectent pas les lois en matière de grève et prennent les usagers pour otages. Là, il s’est s’agit d’une grève « spontanée » comme on dit, à savoir une grève que la direction, en l’occurrence, ne pouvait pas anticiper, même pas pour prévenir les usagers.

  3. J’ai pensé à toi hier ma Nina… Si t’as pas trop galéré c’est déjà ça.
    J’adore ton article qui résume bien notre esprit national prompt à la polémique. IDem pour le gd n’importe quoi des syndicats…

  4. Tout à fait d’accord sur ces je-sais-tout qui ont une vision manichéenne des choses et abusent des raccourcis douteux, pro ou anti media. Les adeptes du « yaka fokon » et du « tous pourris ».
    Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, disait Socrate.

  5. Question : @lapoulefaitmeuh ELLE bosse quand ?
    SI on fait les stats de ces mails dans le post it, par le plus grand des hasards, ne serais-ce pas là un gentil conducteur de train qui s’ennuie voire piiire qui fait grève ?
    Nina tu auras peut-être une lettre d’excuse du grand patron et période de solde oblige, une sacrée réduction sur ta jolie carte orange 😉

  6. La minute culture (source, les Echos)
    La grève du RER A a touché Saint Lazard parce que la ligne A dépend de Saint Lazard. Oui, je sais, elle passe pas par là, so what? SNCF rules!
    Les syndicats ont réussi à contourner le service minimum avec quelques ruses: Un préavis de grève la veille, et les gens viennent ensuite bosser. Un jour sur deux. Comment veux-tu planifier des trains si tu penses que t’auras 3 conducteurs et qu’en fait t’en as la moitié? Ben ouai, tu peux pas.
    Ensuite, le droit de grève de 58 (ou 59) minutes, généralement utilisé par les cadres. Que tu colles en plein milieu de la journée.
    Donc on résume: suffit de dire que tu seras pas là, mais de venir quand même le jour J parce que t’as changé d’avis (mais que demain tu feras grève pour de vrai) et de te mettre en grève 58 minutes dans la journée (en pleine voie ça peut être drôle) La situation est ingérable pour faire un service minimum. Et t’es quand même mieux payé que si tu faisais la grève pour de vrai.
    Et là, je repense à ma mère qui faisait grève au boulot, c’est à dire en portant un brassard « en grève », mais en bossant quand même. Dans les hôpitaux, le service minimum a toujours existé, ne serait-ce que parce que c’est vital.

  7. De toute façon, la seul façon de remedier à ces dysfonctionnements serait de laisser faire faite la SNCF et de fonder une nouvelle société qui embauche des gens qui veulent travailler et sans droit de grève car c’est un service essential et qui a le monopole! Bien sur, il faudrait compenser l’absence de droit de grève par quelques avantages en nature et/ou argent. Cela est bien possible pour les agents des centrales nucléaires, militaires, etc…

    Mais comme les clients en région parisienne sont bcp plus mous que les pecheurs, agriculteurs par exemple on va attendre un changement encore longtemps…

  8. Je ne dit pas privatiser! Si je suis en Angleterre je loue des voitures à part London car le système est une catastrophe. Et en Allemagne ça marchait à peu près bien avant le le gouvernement a décidé de le transformer en SA bien que l’état est encore propriétaire. Maintenant on a des grèves, des pannes techniques et autres joies qui je connaissais surtout de la France…

    Les clients pourraient refuser le contrôle des billets (il y a souvent des controleurs sur ma ligne) saboter ces controles automatiques et autres actions spectaculaires ou médiatiques sans que ça soit nécessairement violent…

    Tu as raison qu’on doit arriver à casser le système du syndicalisme « à la papa ». Et pour ça, le mieux me semble être de remplacer la SNCF par une nouvelle société avec un autre statut. Car sinon, il va t y avoir encore trop d’inercie que rien ne changera vraiment… Je ne dit pas qu’il faut completement banir les syndicats. Mais pour moi, il est inpensable qu’on bloque des centaines des milliers des gens inocents parce que il y a un ou quelques violent(s) sur le réseau! Et un collegue m’a dit aussi que un ami travaille à la SNCF et il a dit que les conducteurs sont en mesure de se mettre en grève de 59 minutes parce que leur machine à café est en panne. Je ne suis pas sur que c’est vrai mais ça ne m’étonnerais pas. De toute façon, mon collegue n’a rien à gagner en me racontant ça ou pas…

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