La saleté

Par Gauthier
Minuit : bilan de la journée, levé à 14h, je traîne tout l’après midi en sous-vêtements, nourriture : nicotine et caféine. Je réponds à mes mails. Je passe sur les chats, je vérifie le blog. Je pars manger à l’extérieur. Des gens me regardent dans le métro, d’autres m’ignorent. Tout est normal, Paris est pleine de gens seuls qui ne communiquent qu’à travers des regards dans le métro. Merveilleuse avancée technologique que le portable, on peut parler, mais pas directement, pas avec les gens que l’on croise, uniquement avec ceux de notre cercle. Ces gens-là, assis en face de moi, ce sont les « autres », je ne les regarde que pour avoir matière à analyser, ou critiquer, ou montrer mon indignation. Ils sentent mauvais, ils ne sont pas beaux. Les « autres » c’est la saleté.
 
Cette saleté me poursuit, s’insinue partout en moi. Elle me dérange. Je dois encore mettre ma main sous mon nez pour respirer du parfum. Je dois détourner le regard, la saleté est visuelle : les SDF, les pauvres, les cons, tout sent mauvais, tout est saleté.
 
Je passe la soirée sur le net, je ne parle qu’aux gens qui m’intéressent, les gens beaux, les gens que je connais déjà, mes amis. Je zappe les autres, toujours ces autres, ils sont partout, la saleté est chez moi. Je me sens agressé, j’ai la nausée. Comment puis-je retrouver le sourire ? Comment pourrais-je avoir envie d’aller vers les autres ? C’est impossible. Je dois conserver ce que je suis, ceux que j’aime, je dois me protéger.
 
Je me sens seul. Personne ne me regarde chez moi, personne ne me parle, personne ne respire mon air, je me protège trop ? Non si j’ouvre la porte les autres vont entrer, et je serais sali.
 
Un homme veut venir se faire baiser. Encore un, c’est le quatrième ce soir qui me le propose. J’accepte, j’ai besoin d’un miroir dans lequel me trouver beau, me trouver important, même si ça ne dure qu’une heure. Je prends une douche, je dois me débarrasser de la saleté, des odeurs, des sensations, je dois être neuf, presque vierge, pour supporter que quelqu’un me touche, me sente, me baise… Je frotte, je commence déjà à me transformer, je le sens. Je suis beau, je suis désirable, je suis cet homme à qui j’aimerais tant faire l’amour, à qui j’aimerais tant donner, sans rien attendre en retour. Comment pourrait-il résister ? J’ai besoin d’être sûr qu’il soit séduit au premier regard, qu’il me déshabille avec ses yeux, qu’il me regarde avec ses mains.
 
La sonnette retentit, avant d’ouvrir la porte je regarde une dernière fois ce visage dans le miroir, j’aime ce reflet. Je mouille mes lèvres quand j’ouvre la porte. Mon cœur s’emballe quand je pose mes yeux sur lui. Il entre en me souriant, il me regarde, il a une lueur dans les yeux. Mais il ne me voit pas, il ne voit que cet homme que j’offre à tous ces amants de passage. Je suis devenu celui que j’aspire à rencontrer, celui que je ne suis pas. Il flatte un étranger, il lui dit les choses qu’il a besoin d’entendre pour se laisser aller. Je deviens complètement l’autre, je sais qu’il est à moi, je l’ai séduit, je le tiens. On s’étend, on se caresse. Nos transpirations se mélangent, nos râles se synchronisent. L’odeur de sa peau, l’odeur de son sexe, l’odeur de son excitation, l’odeur de son plaisir, tout m’envahit et me transporte. Je lui donne tout, je viens en lui, le voile se déchire et je retombe.
 
Je me retire, fébrile, et tel un puceau découvrant l’orgasme je m’effondre sur le lit, je ne le regarde pas, il me parle encore, il me flatte toujours. Je ne suis plus là, je ne veux plus être là. Je touche mon ventre, mon torse, mon sexe, tout est moite, tout est sali. La saleté, elle est encore là, elle vient de moi, elle vient de lui, elle vient de nous. Je ne la subis pas, je l’ai désiré, je la chéris. Pour la première fois de la journée je ressens et j’exalte, bref je vis.
 
Qui sont les autres ? Cet homme dans le métro qui me sourit, cette femme qui rajuste le blouson de son bambin dans la rue, ce SDF qui parle tout seul avec sa bouteille de vin à la main, cet homme que j’invite chez moi à 2h du matin, ce reflet dans le miroir de ma salle de bain ? La saleté c’est les autres, oui, mais c’est moi aussi, elle m’empêche de m’ouvrir, mais j’en ai besoin pour me sentir vivant. Je dois devenir ces « autres » pour la supporter.
 
La vie n’est-elle qu’un cercle où je suis en train de me perdre ?

36 réflexions sur “La saleté

  1. je rejoins jisse pour le style
    j’ai trouvé ça bien écrit et j’ai pas vu de fautes donc c’est pour ça que je me demande si tu n’as pas pris des substances gaugau

  2. « Les « autres » c’est la saleté » : les autres ne sont pas sales, ils ont leurs croyances, leurs habitudes, leurs manières de faire, de penser, tous différents entre eux et entre nous même. Mais le moteur même de la vie, est d’apprendre à faire avec ces différences et les accepter.

    « Comment puis-je retrouver le sourire ? » : çà passe par l’acceptation, acceptation de soi, acceptation des autres. L’un des exercices de la vie des plus difficile. Oui, je sais, plus facile à dire qu’à faire.

    « Comment pourrais-je avoir envie d’aller vers les autres ? » : ne t’arrêtes pas sur l’aspect physique de la personne, cherches à passer outre afin de chercher à la connaitre.

    « je me protège trop ? » : comme tout le monde! C’est très dur d’enlever cette armure qui nous protège des agressions extérieures. C’est très dure de faire … confiance … aux autres. Surtout après avoir goûté l’amertume de la trahison.

  3. « si j’ouvre la porte les autres vont entrer » : c’est un risque à prendre! Reste à savoir s’il vaut mieux s’ouvrir aux autres et souffrir ou s’enfermer dans une tour d’ivoire … seul. Le plus dur, quand on choisie la tour, est d’arriver à en sortir. Les portes de la tour étant condamner de l’intérieur, une aide extérieure ne suffit pas à les démonter, il faut que çà vienne de soi.

    « j’ai besoin d’un miroir dans lequel me trouver beau, me trouver important » : beau et important, c’est tout ce qui compte pour toi? Tu peux mettre un visage sur tous tes amants? Tu crois qu’ils peuvent en faire autant?

  4. « Je frotte, je commence déjà à me transformer » : c’est la primière fois, je crois, où tu dis que tu te sents sale avec tes brouettes. Jusqu’ici, on avait l’impression que tu brouettais par pur plaisir, de toute évidence si tu le fais par plaisir, tu ne le fait pas que pour çà.

    « J’ai besoin d’être sûr qu’il soit séduit au premier regard » : on ne peut jamais en être sûr, juste le sentir ou le croire. On a bien trop de masque pour être certains de nos sentiments.

    « le voile se déchire et je retombe » : pourquoi ne cherches tu pas à te stabiliser, avoir un « amant fixe »?

    « La vie n’est-elle qu’un cercle » : un labirynthe plutôt, d’ailleurs si tu trouves la sortie je suis prenneur. 🙂

  5. Mon chouchou j’avais eu l’honneur de lire ton article en avant-première et il m’avait fait frémir… de la même façon que ce soir en le relisant.
    Je connaît cette face de toi dont tu parles si bien ici, et tu sais que je suis là.
    Je t’m !!!

  6. Bon avant tout : j’ai corrigé en tout et pour tout une seule faute! Comme quoi, le Gaugau, quand il veut… 😉

    Pour ce texte, il savait pas si on pouvait le publier ou pas, perso, je prends le risque, dans la mesure où je trouve le style particulièrement intéressant. Gauthier s’est inspiré de Virginie Despentes, à ce qu’il m’a dit, voilà pour l’histoire.

    Sinon, ce soir, en rentrant, me suis faite draguer par un monsieur qui sentait un peu le rance (alors que j’avais ma tenue « mobilier urbain », comme dit Gaugau) et là, chais pas pourquoi, j’ai repensé à cet article…

  7. Gloups: je suis quelqu’un de complexe, les psy j’ai donné. Là ce n’est qu’un essai qui reflète un état d’esprit à un moment donné. Tout le monde a des hauts et des bas, personnellement je suis très lunatique.

    Nico: mes exams c’était la cata intégrale, je préfère pas en pleurer, je n’ai jamais vu autant de sadisme et d’incompétance chez des profs… (oui c’est forcement leur faute pas la mienne). Et j’ai arrêté la drogue il y a longtemps tu le sais 😉

    Yome: je vais bien mon biquet n’ai pas peur, dans quelques jours (une fois reposé) je recommencerai à te traumatiser 😉

    Jisse: merci 😉 mais je vais bien (comment ça c’est pas crédible?)

    c. : lol

    Stef: ouh lalala mon petit que de réactions de ta part, et comme je suis crevé (je sors de mes examens et d’un resto avec Nina), je ne vais pas tout reprendre. Je vais juste te dire que comme tout el monde je joue un rôle en société qui reflète que partiellement ce que je suis, ce que je ressens réellement. Je suis sociable, sûr de moi, fier de moi, mais des fois les failles apparaissent et ça donne ce genre d’introspection… Chacun sa façon d’identifier les problèmes. J’assume ma sexualité débridée c’est un fait! Mais souvent (quand le moral ne suit plus) j’ai l’impression d’être la dernière des prostituées, franchement j’ai fait des plans où si le mec m’avait laissé 50€ sur l’oreillé avant de se casser ça n’aurait pas été plus glauque! Je ne sais aps si je me fais bien comprendre mes neuronnes sont en boulli ce soir. Tout ce que je peux dire c’est que la majeure parti du temps ça va, et des fois ben ça va pas… Comme tout le monde!

    Grenouille bleue: je ne parle de ce genre de chose que très rarement même avec mes plus proches amis, mais je sais que je ne suis pas le seul à ressentir un certain mal-être…

    David: mes révisions m’ont beaucoup fatiguées, et en plus j’ai été pas mal malade, ceci explique sûrement celà.

    Emma: nous sommes sûrement les plus torturés ici, et c’est pour ça qu’on s’aime autant 😉

    Grr et Alain: merci

    Nina: tu vois que je ne suis pas si nul que ça en aurtografe!!!! Bon pour le monsieur dans le métro qu’est ce que tu m’as fait rire au tel!!! Un jour je vous décrirais avec précision ce que c’est que Nina l’hiver, si je l’appelle mon « mobilier urbain » c’est qu’il y a une raison!

    Je voulais tous vous remercier de préter attention à mes névroses et à mes coups de flips! Des fois c’est tout se dont j’ai besoin pour chasser mes fantômes. Encore merci donc, et ce soir plus que jamais j’en avais besoin :'(

    Pour l’édito, j’ai dis à Nina « je me prend pour Virgine Despentes dans cet article » mais loin de moi l’idée de lui arriver à la cheville, c’était juste pour préciser « l’ambiance » et l’esprit de cet article. Je ne suis pas romancier, je ne suis pas journaliste, je ne possède d’autre don pour l’écriture que celui que me confère des études littéraires (donc pas grand chose) et j’en suis farpaitement conscient!!!!

    Bisous mes poussins pardon pour ce long com’

  8. Mais si tu écris bien mon moumour, même le monsieur du marc de café, il le dit!!! 😉

    Pourquoi tu réponds pas direct aux gens, tu as les codes pour entrer en admin…

  9. Parce que je suis une épave et que je n’y ai absolument pas penser… no comment…

    Allez je vais au lit je tiens plus bisous ma moumour!

    Ps: mais moi je suis incapable d’écrire des romans, c’est pas le cas d’une certaines chef de ce blog 😉

  10. Gauthier > « Encore merci » : de rien! après tout c’est aussi fait pour çà un blog.

    Pour ce qui est de ton talent d’écriture, tu te débrouille très bien je trouve, la preuve avec cette article. 🙂

  11. je suis d’accord que le style est fabuleux, mais faut admettre que tu m’a glacé le sang…..

    Oh oui traumatise moi encore mon biquet ! (Emma m’a dit que je ne passait pas pour une allumeuse, donc je peut reprnedre mes invectives brulantes envers toi 😉

    d’ailleurs Emma t’es pas plus torturée que moi, je pense…..

  12. Je n’ ai pas pour habitude de me manifester en com mais là !! Tu sais, car sans doute tu dois tout savoir, que la saleté c’ est aussi ce que je viens de lire. Contrairement aux pauvres gens que tu cites,la tienne est bien pire car interne …

  13. Waouh … Je suis mal a l’aise en lisant ce post, j’ai envie d’aller prendre une douche. Il te faut une bonne dose d’antidepresseurs…
    Gauthier, leve toi plus tot, genre 8h du mat, et tu verras la vie un peu mieux.
    Bisous, Mel.

  14. Gauthier s’exprimera mieux que moi sur ce post et sur vos comm’s, mais attention à ne pas tout confondre ni généraliser.
    Yome–> c vrai que tu peux aisément te placer sur le podium gagnant! T un winner à ce niveau-là!!! Ms t’inquiètes, je comprends tt à fait tt ce que tu m’as expliqué.
    Peut-être que les gens qui n’ont pas de souffrance interne inhérente ont du mal à saisir tout ce qui est dit ici…
    Biz à tous

  15. Très touchant, vraiment c’est de loin le texte que je préfère… La misantropie qui conduit a un degout de soi-même est fantastique, le sujet est bien amené et la detresse tres perceptible, vraiment excellent bravo..

  16. gauthier=> je n’avais pas vu ton article..je viens de le lire et j’ai du mal a respirer et je t’assure, pour une fois j’ai pas rigole apres t’avoir lu…

  17. Gauthier, c’est une petite blonde à gros seins qui te parle. J’ai un pote qui a vu des photos de toi, il veut absolument te rencontrer 🙂

  18. Bah dis donc, Gauthier… c’est vrai que la souffrance le dégout font pondre de beaux textes.

    t’aurais pas envie de faire une petite pause, niveau relations explicitement miroirs ? t’as jamais eu envie de te poser un peu plus avec quelqu’un, de le découvrir de partager plus que ce que tu échange habituellement ?

  19. J’te sens mal mon petit Gauthier…
    Tu tournes en rond. Tuas 2 choix aujourd’hui, soit tu recherches plus fort et tu t’ouvres l’accès à des plaisirs extrèmes (drogue, scato, partie groupée, etc…), soit tu t’accroches à quelque chose de positif et tu te trouves une voie (étude, boulot, autre…)

    C’est un choix qui sera pris par d’autres pour toi si tu ne te décide pas… C’est aussi suivant l’estime de toi… Le 1, tu ne te supportes plus, le 2, tu penses que tout n’est pas foutu…

    J’en ai connu des dizaines de garçons et filles comme toi, entre Aix et StTropez, dans les années 70/80… C’est toujours pareil… Bon courage…

  20. Un texte qui est aussi beau que dérangeant, qui est tellement beau malgré qu’il dérange que ça aussi, ça en devient dérangeant.

    Et écoute pas Mel : les antidépresseurs, c’est le mal !

    Thom… comprendra qui lit mon blog

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