Paris a le blues

J’ai le blues de Paris

Paris, 7 ans ¾ que j’y vis. Le 28 mars prochain, je soufflerai la 8e bougie de notre vie commune. Et je ne te cache pas que je ressens comme une petite crise existentielle entre nous, je sens que mon amour pour toi s’essouffle un peu. En fait, c’est pas tant toi que la vie parisienne qui commence à me fatiguer.

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Tu es attirante et tu le sais. Quand je suis venue vivre ici, je m’imaginais une folle vie culturelle, le Louvre deviendrait ma 2e maison, je serai de tous les concerts. Une vie aussi hype que dans les magazines féminins. Sauf qu’une fois que tu deviens mon quotidien, je rate toutes les expos, je trace dans tes rues en ignorant des sublimes atours. Tu es ma vie, je ne te vois plus. Le week-end, je suis trop fatiguée pour aller mater quelques tableaux, photos ou oeuvres en tout genre. Je ne profite de ta beauté que lorsque j’accompagne des touristes (mes parents en général) dans tes rues, que je leur fais découvrir certains quartiers. Ces quartiers, justement. Ma vie parisienne se limite à quelques coins où je ne me rends que par intérêt, pour la chorale ou la piscine ou visiter quelques amis. Mon Paris se limite à quelques stations, à quelques lignes. 8 ans de parisianisme plus tard, je lève un sourcil quand je reçois un texto “je suis à Avron, j’arrive”. Je sais pas où c’est, moi, Avron, quelque part entre Jaurès et Nation sur la ligne 2, par là… Il y a ces quartiers que je ne connais pas et ceux que, depuis que je vis en ton sein, j’ai en horreur. Rendez-vous à Châtelet, Opéra ou, le pire du pire, les Champs ? Pitié, au secours ! Oh oui, c’est follement pratique, ces grands carrefours de lignes, y en a toujours une qui arrange les gens. C’est vrai. Mais les bars se suivent et se ressemblent, c’est impersonnel au possible. On fait Starbucks ou Indiana ?

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D’ailleurs, quand on me propose de sortir et qu’on me demande un point de ralliement, je ne sais plus que répondre. Mes cantines ont décliné, certaines ont même disparu. Mes bars de prédilection d’hier, je ne m’y retrouve plus, je ne suis plus chez moi. Etre chez soi à Paris, étrange concept tant on est dilué dans l’anonymat de la foule. Vous n’êtes point un individu mais un client. Et que dire de ces bars à la mode où il faut faire la queue pour entrer ? Une heure pour boire un cocktail, si tant est qu’on vous accorde le droit de rentrer. Ca, je m’y refuse. Je veux boire un verre, pas assister à une soirée privée ! Verre que je paierai un prix démentiel parce que c’est Paris…

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Et que dire de ce snobisme puant de la plupart de tes habitants ? Ceux qui crachent sur la rive droite ou gauche selon où ils vivent ? Qui trouvent hérétiques d’aller dans certains quartiers ou certaines banlieues ? Qui te regardent limite comme une merde faisandée parce que ô mon Dieu, j’habite en banlieue (pourtant dans une ville à fort pourcentage de CSP++… Enfin, je crois). Au départ, ce snobisme sent le jeu, le côté parvenu vu que 90% des Parisiens snobs ne le sont pas, Parisiens, justement. Un jour, ils ont débarqué dans la grand ville, chopé une chambre de bonne de 9m² sous les toits (mais à côté du jardin du Luxembourg) et ils se sont crus les Rois du monde. J’avoue que moi-même, je me suis un peu pris au jeu de la pétasse parisienne fut un temps. Un temps où manger des macarons Ladurée fut un must. Puis je me suis perdue dans la guerre de la hype où manger des macarons est un jour devenu totalement ringard (vu que ma consommation avoisinait les 15 macarons par an, je me suis pas sentie super concernée). C’est ça, Paris, aussi, les trucs incroyablement hype du jour ne le sont plus le lendemain. Avant, on se la racontait en boulottant une salade Cojean. Aujourd’hui, ça fait autant pitié que de grignoter un sandwich Sodebo acheté au Daily Monop (mais ça coûte 10 € de plus).

A Paris, t’es hype ou t’es larguée. Sauf que moi, j’ai jamais été hype, ni avant, ni depuis que je suis ici parce que, pour te dire la vérité, ma douce, je m’en fous. J’ai toujours eu la mode en horreur, je shoppe chez H&M, Promod ou Camaïeu sans complexes. Et même, pour être complètement honnête avec toi, je n’aime pas faire les soldes dans tes magasins surbondés de petites connasses hystériques et méprisantes. Moi, les soldes, je préfère les faire dans mon sud natal, où je fais pas une heure de queue pour essayer une robe. Par exemple. Et je te parle même pas de cette nécessité toute parisienne de porter des fringues de marque. Alors que pardon mais Maje, Zadig et Voltaire, Comptoir des cotonniers, c’est le conformisme à l’état brut. Et ça tient même pas trois lavages alors que t’y auras lâché un demi SMIC. Et je te parle même pas des Isabelle Marant, Vanessa Bruno et consort. Mais je reparlerai mode un autre jour.

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Bref, tu m’épuises Paris. Tu manques de simplicité, de véracité, de naturel. La panacée des grandes villes sans nul doute. Mais ici plus qu’ailleurs, j’ai la sensation que si tu rentres pas dans le moule, tu ne seras jamais tout à fait parisien(ne). Si tu ne brunches pas avec ta petite frange, tes bottes fourrées dans lesquelles tu rentres ton slim, ton sac immense posé nonchalamment sur ton avant bras, t’es pas vraiment parisienne. Et je n’évoque même pas avec toi le prix que la vie parisienne coûte même si je crois que c’est la clé de voûte de ma lassitude. J’ai beau gagner un double SMIC par mois, les fantaisies sont limitées. Ca aussi, c’est une histoire de grande ville. Peut-être ne suis-je juste pas faite pour toi…

9 réflexions sur “Paris a le blues

  1. Comme il y aurait la crise de la trentaine, il y aurait le crise de « la parisienne » ? De tous mes amis venus s’y installer il y a quelques années, ils sont pour la plupart repartis.
    Même certains qui y sont restés plus de 15 ans.
    Moi seulement 5 ans, je ne m’en lasse pas pour le moment…
    Il suffit que je retourne une semaine grand max dans mon ancienne campagne de l’Est pour ressentir le manque de Paris.

    Avoir tout à proximité, les supermarchés qui ferment à 22h, la possibilité de faire quelques chose le dimanche, d’aller sur les petites scènes découvrir de nouveaux talents, de pouvoir commander un truc à manger vers 1h du mat, d’avoir l’aéroport pas loin pour partir en we pas cher dans une capitale…
    Toutes ces choses qui ont un prix mais qui deviennent totalement inaccessibles lorsqu’on quitte Paris.

    Mais la question est « Est-ce que tout ceci sera compatible avec des enfants ? »
    Malheureusement je ne le crois pas.

  2. Comme je te comprends… Parisienne pure souche myself, je n’en peux plus, de cette ville. Je l’aime, mais j’ai envie de la retrouver comme je l’aime le plus : en touriste, à flâner le long de la Seine et à admirer Notre Dame sous le soleil d’hiver. Pas au quotidien, blasée par les non-sourires du métro… Je crois que, pour mieux la retrouver, je dois la quitter 🙂 Même si ses avantages vont me manquer, c’est sûr ! Peut-être que tu dois en faire autant ?

  3. Hum… je ne comprends pas ce besoin (qui n’est pas forcément le tien, je le sais) de coller aux clichés de la parisienne / du parisien.

    Cela fait 10 ans que je vis à Paris… en 10 ans, j’ai certainement changé de peau une dizaine de fois, mais de ville je ne le peux pas. C’est pour moi l’avantage de Paris, tu peux être qui tu veux au moment où tu le veux. Certes, cela coûte un bras, mais flâner dans les rues, c’est gratuit. Partager une bouteille sur les quais, chez des amis, au bord du canal… c’est pas bien cher non plus.

    Paris est surtout une ville de tentations. Ce que tu décris et qui commence à te lasser, ce sont les tentations constantes : boulimie de culture, de mode, de loisirs, d’activités, de branchitude… comme si on n’était pas parisien si on ne faisait pas tout ça en même temps. Au final, ce problème là c’est le même que celui que tu pointes souvent te concernant : tu ne peux pas tout faire en même temps.

    Non, tu ne peux pas à la fois suivre des cours de russe, aller au dernier bar avant la fin du monde, épargner, voyager, aller voir la dernière expo au grand palais, suivre le cycle Kusturika au Champo, et shopper Avenue Montaigne. Tu en as la possibilité, mais tu ne peux pas. Mais rien ne t’y oblige ! Et ce n’est pas pour autant que tu es moins parisienne que ceux qui le font… (de toute façon, être parisien, c’est passer au moins 50% de son temps à Paris. POINT. Comme pour le foyer fiscal. Sinon t’es pas parisien. RE-POINT. Et oui, je suis la snob qui refuse d’aller en banlieue 😉 )

    En clair, Paris est une ville de tentations. A toi de transformer ce qui n’est que tentation en possibilités, et donc de faire tes propres choix, en adéquation avec tes moyens (en temps, en argent,…) et ainsi éviter les frustrations sources de blasitude.

    Enfin, pour ce qui est de peu ou mal connaître Paris, ça s’arrange aussi (je sais que je suis pas la fille qui sort le plus de ses zones de confort) : un plan, un pique-ni-douille-c’est-toi-l’andouille et hop, t’as un quartier de balades pour un dimanche à tester ton reflex (plus sympa en été qu’en hiver, je te l’accorde).

    Quant à la blasitude des parisiens, leur impolitesse, leur hypothétique tronche en biais ou leur pseudo agressivité : PUTAIN MAIS C’EST NORMAL ! Et c’est partout pareil ! Même si je suis persuadée que c’est un complot des provinciaux pour faire passer les parisiens pour des gens moins bien que la moyenne des français et faire oublier leur infériorité ! #modeTrimtab

    Tout ça pour dire. 10 ans d’amour ininterrompus.

  4. Comme tu le dis si bien, les parisiens qui se la pètent sont en fait des provinciaux d’origine en manque d’identité… Banlieusarde depuis toujours, Paris je l’aime, mais de loin. De la Banlieue. Tu peux profiter des côtés positifs de Paris quand tu as envie, mais tu gardes un côté humain, et tu dépenses moins d’argent en loyer aussi… La banlieue a peut-être ses inconvénients, elle est peut-être moins hype, mais au final, ceux qui ne veulent pas retourner en province finissent toujours par s’y retrouver… Parce que la banlieue, c’est quand même plutôt sympa, finalement. 🙂

  5. Ha, l’ambivalence par rapport à Paris… Je viens moi aussi d’une petite ville du sud (en Haute-Garonne plus précisément), et c’est vrai que je fantasme de ne plus être obligée de vivre à Paris pour le boulot, principalement à cause des prix démentiels, mais pas seulement. Parfois la foule m’oppresse, je ne supporte plus l’odeur du métro, le mauvais temps me mine le moral… Mais il faut avouer que la ville a aussi plein d’avantages, et pour une fan de ciné comme moi c’est génial de pouvoir voir quasiment tous les films qu’on veut à n’importe quel moment. Je vais aussi à quelques expos dans l’année, tout en pestant contre le monde qui s’y presse en même temps que moi ! Je vais rarement dans les bars, d’ailleurs mes amis m’ont pris pour une folle quand j’ai emménagé dans un quartier résidentiel du XVe, selon eux « complètement mort ». Ben le métro c’est pas pour les chiens, leur ai-je répondu 😉
    C’est surtout le rythme de la vie parisienne qui est un peu speed, alors même que je suis tout sauf « hype » et que j’aime bien passer des soirées tranquilles chez moi. La ville en elle-même me fatigue on dirait ! Ça va faire 4 ans que je suis arrivée, à l’occasion de mon premier stage, et sauf imprévu je vais probablement rester encore un paquet d’années (10 ans ai-je dit à ma mère, ce qui l’a fait frémir d’horreur).
    Bon à part ça, merci pour tes articles sur la chômagie, j’y suis depuis quelques mois et ça aide de lire quelques conseils et de voir qu’on s’en sort un jour !

  6. Je comprends ta vision de Paris mais pour moi cette ville ne se résume pas à cela (et heureusement sinon je serais malheureuse). Comme le dit si bien Loxy c’est une ville de tentations (en même temps c’est une capitale hein) et c’est vrai que c’est frustrant de ne pas pouvoir tout faire. Mais parfois le fait de savoir que tu peux potentiellement faire toutes ces choses c’est bien. Moi qui ai habité dans une autre capitale pas du tout aussi bien et bah tu vois quand je me dis que peut-être je devrais y retourner, cela ne me donne pas DU TOUT envie. Une ville où il n’y a pas d’offre culturelle, ni magasins, ni restaurants ni rien bah ça m’ennuie.
    J’aime le rythme de Paris, même si parfois il m’épuise. L’unique chose sur laquelle je te rejoins ce sont les gens que je trouve vraiment insupportables. Et non Loxy je t’assure ailleurs ils sont pas comme ça. 😉

  7. Ce sont les gens qui sont fatigants (et les transports mais aussi à cause des gens), pas Paris. Je suis parisienne de naissance et je reste toujours émerveillée par cette ville et ses trésors.

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