A la rencontre des journalistes

Aujourd’hui, on fait un peu d’anthropologie et nous nous allons découvrir une peuplade intéressante : les journalistes. Une journaliste est-elle la meilleure personne pour parler de ses congénères ? Pas nécessairement mais peu importe, c’est pas une thèse d’anthropologie que je compte faire !

Commençons par la base. Beaucoup prétendent qu’un journaliste est un écrivain raté. Dans mon cas, c’est tout à fait vrai. Beaucoup de journalistes ont sur leur ordi un fichier ultra confidentiel de la mort qui tue : leur premier roman. Ils ont déjà écrit cinq pages word, ça déconne plus ! Si Françoise Giroud ou PPDA l’ont fait, on peut le faire aussi !
En fait, il faut savoir qu’un journaliste est un individu qui brasse de l’air en faisant semblant d’être débordé. Je n’ai pas fréquenté mille et unes rédactions mais j’en ai connu quelques unes et mes camarades de galère (heu…de master, pardon), également.

 
Journée harassante

Voilà la journée type d’un journaliste : arrivée entre 9h et 10h. Enfin, plutôt 10h… voire après. De toute façon, les gens dorment le matin, c’est pas la peine pour les interviews et puis le bouclage est loin, rien ne presse. Le matin, le journaliste lit la presse : faut bien se tenir au courant de l’actualité. Le faire chez soi ? Et puis quoi encore,
vous commencez à bosser dès le petit déjeuner ? Ben nous non plus ! Donc première partie de journée : arrivé au boulot à 10 heures, lecture des journaux entrecoupés de pause café et de discussions avec les collègues. Parce que les journalistes ne sont pas différents des autres : on passe notre temps à casser du sucre sur le dos des absents (« non mais Monique, elle sait pas écrire… Si elle mettait autant d’application dans ses articles que dans son maquillage, on n’en serait pas là ! »).

 

Parfois, le matin, il y a les conférences de rédaction, haut moment de la vie journalistique : chacun veut vendre son papier parce que c’est le meilleur, le plus intéressant et qu’on préfère avoir son nom sur la page Une que sur la page 5 parce que rien ne garantit que les lecteurs aillent jusque là. En général, les gens sont mesurés mais on sent les tensions qui ressortent (« si cette connasse de Monique croit pouvoir caser son article sur la politique de reboisement de la forêt voisine, elle rêve ! »). Quand on est stagiaire, ces séances sont hautement enrichissantes : on n’a pas son mot à dire puisqu’on traite des sujets inévitables dont les journalistes titulaires ne veulent pas. Mais on voit très bien qui s’entend avec qui et qui est en bisbille avec qui, toujours une source d’information. De toute façon, en tant que stagiaire, j’ai toujours fermé ma gueule : critiquer mes collègues, bien mauvaise idée. Ces petites séances sont utiles car on se rend compte que le rédacteur en chef sert à quelque chose. Assis sur son fauteuil, trônant, observant ses journalistes d’un air intéressé, il jauge et tranche. Oui, le rédacteur en chef, ça sert à ça : séparer les journalistes qui se disputent et déjeuner avec les personnalités du coin. Des fois, ça écrit des éditos mais faut pas trop en demander non plus.

Arrive l’heure du déjeuner, une occasion souvent de revoir nos « amis » et glaner quelques infos, s’en foutre plein la panse aux frais de la princesse. L’été dernier, j’ai œuvré pour un quotidien régional, j’ai eu droit à un délicieux déjeuner dans l’hôtel luxueux voisin pour un bilan des stagiaires. Sûr qu’au bout de 15 jours, j’étais apte à faire un bilan,
tiens ! Le déjeuner doit s’étendre de 12h à 14h, voire un peu plus. Un cerveau ne fonctionne qu’avec un estomac plein après tout.

A 15h, il est temps de s’y mettre… ou pas. De toute façon, on est là jusqu’à 19 heures, ne nous stressons pas. On part en reportage ou on passe quelques coups de fils, on interviewe les gens qui se déplacent à la rédaction pour nous soumettre une idée d’article et à 18 heures, on se met à rédiger. A 19 heures (dans le meilleur des cas), on peut quitter le boulot
en soupirant : comment avoir une vie de famille en terminant si tard ?
 

Quand j’ai commencé mon stage l’été dernier, j’ai été d’une efficacité incroyable : arrivée à 9h, ayant déjà lu le journal at home, je rédigeais mes articles, prenais des rendez-vous, calait quelques interviews. Résultat, à 17 heures, je quittais la rédaction avec tous mes articles écrits et quelques uns en avance. Une fois, je suis rentrée d’interview à 18h, le
rédacteur en chef remplaçant panique : « Nina, tu dois avoir fini à 18h30 ! » Je le regarde, un peu étonnée : faire un article de taille moyenne en une demi-heure, c’est plus que faisable. 18h25, j’éteins mon ordi : article écrit, corrigé, illustré, prêt à imprimer. Un jour, j’avais même terminé de mettre en page tous mes articles du jour à… 9h30 !

Avec mon master, j’ai appris à simuler le boulot. Dans mon avant dernier stage (qui était très intéressant au demeurant), j’avais un ou deux articles à écrire par semaine, plus quelques brèves, parfois, des statistiques à rentrer sur le logiciel, rien de bien compliqué. Donc j’avais le temps d’écrire des mails, de glander sur des forums, sur des blogs… Et de créer le
mien, d’ailleurs.

C’est beau, ça brille…

Outre le fait que les journalistes sont très doués pour brasser de l’air, ils ont d’autres particularités. Les journalistes sont des forniqueurs. Franchement, plus je côtoie des journalistes, plus le qualificatif « fidèle » me paraît irréel. Il faut voir que le journaliste n’a pas d’horaires (comme expliqué plus haut). Quoi de plus facile de s’organiser un 5 à 7 ! En plus, en tant que journaliste, on rencontre des tas et des tas de personnes toutes plus différentes les unes que les autres. De plus, il semblerait que les journalistes sont attirés par tout ce qui brille comme les papillons par la lumière de la bougie. Regardez le nombre de journalistes qui ont eu des aventures avec des hommes politiques ! Récemment, encore, un de nos éminents Ministres a fricoté avec une journaliste qui a eu la décence de démissionner de son poste (elle était journaliste politique).

Pourquoi devient-on journaliste ? Par vocation ou par désir de côtoyer les plus grands ? Pour certains, je me pose vraiment la question. Tous ceux qui ont fréquenté une rédaction ont croisé ces personnages blasés qui ne supportent pas leur boulot mais qui reprennent vie dès qu’il est question d’un dîner avec un ministre, un député ou même quelqu’un d’un tant soit pu pourvu de pouvoir. Par exemple, vous êtes la stagiaire d’Anne-Marie Chaussefoin, journaliste qui n’a pour but que de lécher les bottes des grands de ce monde. A l’ordre du jour, deux missions : l’interview du sénateur Bidule et un portrait d’un artiste de rue aux cheveux emmêlés… Devinez ce que va choisir notre amie Chaussefoin ?

 De plus, un journaliste aime la nourriture et les boissons gratuites. Ainsi, les attachés de presse qui organisent une conférence ne vous invite pas à poser votre auguste fessier sur une chaise en fer pour écouter un monsieur déblatérer. Non ! Votre petit cul sera posé sur un fauteuil confortable devant un copieux petit déjeuner… ou en prémisse d’un succulent cocktail, au choix. Bref, pour bouger un journaliste, faut lui promettre à boire et à manger. Ainsi, j’ai pris un des meilleurs petits déjeuners de ma vie au Plaza Athénée lors d’une conférence de presse organisée par la FFR. Je crois n’avoir rien mangé de meilleur que cette délicieuse crème de framboise ! Bien sûr, on prend des notes, on pose des questions… Mais surtout, on bouffe gratos et on remplit notre agenda de numéros. Parfois, en plus de la bouffe, on peut avoir un petit cadeau. Quel beau métier, tout de même… Cette année, j’ai eu des cours de management avec un directeur de relations extérieures d’une grande chaîne de télé, son mépris pour les journalistes était assez impressionnant mais, en même temps, quand je vois le comportement de ces pique-assiettes, je comprends pourquoi…
 

Oui, journaliste, c’est quelques conférences et cocktails, c’est soirée en boîte avec les rugbymen champions de France avec open bar, en plus. Oui, ce sont des expos ou CD gratuits, selon le média pour lequel vous travaillez… Beaucoup de journalistes n’ont qu’un désir : vivre leur propre moment de gloire, soit en éditant leur premier roman, soit en présentant le JT, soit en épousant une célébrité. Donc beaucoup de journalistes sont frustrés. Il faut avouer que parmi tous les journalistes existant, peu ont l’occasion d’évoluer dans cet univers strassés qu’ils envient.

Puis y a les autres, ceux qui font ce métier par vocation… Mais il s’agit d’une frange tellement infime qu’il ne sert à rien d’en parler.

32 réflexions sur “A la rencontre des journalistes

  1. Et oui, les paillettes c’est tentant…
    Je n’ose même pas imaginer comment ça se passera si je deviens journaliste dans un magazine ciné comme je le souhaite…
    Ca doit être un énorme panier de crabes !

    Et ton portrait est très réussi, il me suffit d’écouter mon père, et de passer 1 mois et demi à bosser dans un journal pour me rendre compte de l’hypocrisie de ce milieu !

    Mais comment est-ce que l’on peut survivre là-dedans quand ce qui nous booste, n’est pas la gloire, mais la passion que l’on ressent pour ce métier ?

  2. J’allais poser la même question que Gloups;)

    Bon, décidemment pas un métier pour moi, le matin je ne peux rien avaler (et le midi, un peu plus mais difficilement), quel gachis que ça ferait!

  3. PFff, et dire que j’ai failli faire ce métier…j’ai vraiment raté ma vocation…
    Mais au fait, c’est bien payé ?

    En tout cas, ce que tu dis ne m’étonne guère. A croire que l’adage qui veut que plus on parle, moins on fait est vrai.
    Enfin ça ne s’applique pas à tout ce qui est écrit sur ce blog bien entendu, je parle boulot, là !! 🙂

    J’hésite à montrer ton article à un de mes amis qui dé-teste les journalistes, voilà de quoi apporter de l’eau à son moulin. 🙁

    Ah oui au fait, essaie France Télévision, ils ont le meilleur restaurant d’entreprise de France! 😉

  4. C’est pas mal de faire preuve de dérision à l’égard de la profession que l’on veut exercer…

    Te concernant, tu as fait des études dans cette finalité, ou cette envie t’est venue à mesure de ta progression dans tes études ?

  5. Nina commence-t-elle à être désenchantée par la vie active ? Ses rêves d’étudiante se révèlent-ils un peu surévalués ?
    J’ai eu un peu la même approche avec mon milieu professionnel. Maintenant, je dois être un peu pourri, parce que je m’y fais… enfin, tu sais pourquoi tu veux faire ce métier et ça prouve que tu as encore la foi.

    A la réflexion, le seul journaliste qui m’a interrogé, il m’a demandé si ça me gênait pas de me déplacer, parce que 30 km, pour lui, c’était un peu loin…

  6. Alors la question à deux balles de pigistes…Les blogs sont sont -ils à terme à même de devenir le principal vecteur de communication? Et, par là même d’en fouttre un bon coup à notre honorable profession?
    Que verra, verra…mais les services en ligne tendent grandement à pousser ces derniers temps.
    Peut être une sollicitation de réflexion à ajouter pour la pertinente demoiselle…ou une suggestion de recherche d’emploi…à voir.

  7. c’est compliqué les journalistes, incontrôlables et faignants
    je le sais, je les ai beaucoup pratiqué et l’ai été également…

    quand j’étais syndicaliste à la fac, j’avais vite compris le fonctionnement… au bout d’un moment, quand il y avait un mouvement, une greve ou autre… du coup, je les faisais rencontré qui il fallait, on racontait notre topo et à la fin je laissais une disquette avec un article pré écrit que je retrouvais presque mot pour mot dans le journal

  8. j’ai pas eu le temps de tout lire parce que j’ai mon bus dans 7 minutes et je suis encore en caleçon, mais je ne pense pas qu’un jounaliste soir un écrivain raté…mon père est journaliste et écrit pas mal de bouquins…(pas des romans, des livres…sur l’histoire…des sprtes de documentaires…bref…)

  9. OUi… et les critiques sont des cinéastes ratés…blah blah blah.
    moi je dois bien avouer quelque chose… je sais pas ce que je vaux en écrivain mais je sais que je suis une truffe en critique… est ce pour ça que je veux devenir scénariste ?

  10. Nina tu te rendras compte avec le temps que dans le monde du travail il y a plusieurs catagories de gens :
    Ceux qui savent s’organiser et qui font leur taff vite et bien
    Ceux qui ont la tete sous l’eau faute d’organisation ou pour faire le gars simportant

    En france on est rarement récompensé au mérite mais aux réunions importantes et aux heures passées au taff (à glander ou bosser). Cc’est con comme système mais on s’y fait.

  11. bonjour,
    je suis dans une « galère » depuis un long moment, avec des preuves contre beaucoup (employeurs, ANPE, etc…) mais peu de journalistes ont osé m’aider !
    Il y en a une que j’ai rencontrée et qui présente le JT , pareil !
    Bonne continuation.
    Joël.
    PS je crois que les blogs, sites ou autres vont poser quelques problèmes à beaucoup.

  12. « en tant que stagiaire, j’ai toujours fermé ma gueule » : je crois que c’est la meilleure méthode, quand on commence un boulot, stage ou pas, afin d’apprendre à connaitre un peu les gens qui sont autour de nous, avant d’arriver avec nos gros sobots.

    « critiquer mes collègues, bien mauvaise idée » : surtout pendant un stage ou une période d’essais. En plus je ne vois pas l’interrêt de le faire, casser du sucre sur le dos des autres n’est jamais bon.

    « comment avoir une vie de famille en terminant si tard ? » : il y a beaucoups de gens qui y arrivent. Ma mère travaillait, dans le commerce, de 9h à 19h (minimum), mon père, représentant toujours entre le fauteuil et le volant de sa voiture, de 8h à 20h (voir bien bien plus tard).

    « pour bouger un journaliste, faut lui promettre à boire et à manger » : çà marche avec toute les professions. Chaque année, j’ai un « kick-off », c’est une réunion entre tous les collègues de la boite, petit bilan sur l’état de l’entreprise, toujours plein de bénef, mais jamais droit à une augmentation « la conjoncture actuel ne le permait Stef ». Si il n’y avait pas au moins une bouffe, je crois pas qu’il y aurrait autant de monde à y aller après le boulot. Faut faire 100 à 400Kms, pour y aller parfois.

  13. Bonne chance dans ta carrière ma puce 🙂

    Tu as l’âme d’une grande tout en ayant conscience de la réalité de ce milieu .. Et ça peu de gens l’ont.

    Tu sauras déjouer les mauvais tour qu’un/une novice, sans ton état d’esprit, serait tombé dedans.

    Je te souhaite tout le meilleur car vraiment tu le mérites.

    Muchos besitos, 🙂

  14. « Je ferais pas 400 km pour un buffet » : non! là c’était un WE au futuroscope, tout aux frais de la princesse, bar à volonté, salle de jeux, … 🙂

  15. mdr, tout est vrai dans ce que j’ai pu lire, mais je vois que, jeune journaliste, il te manque encore quelques infos

    – pour le « vrai journaliste », tout se passe à Paris, dans Paris oserais je dire ;)… si tu fais un déjeuner dans un étoilé michelin à paris intra muros, tu es sure de faire salle comble (encore plus sure s’il s’agit du four seasons au George V), mais si tu fais le même en Région Parisienne (ou pire… en province, horreur), tu n’as preque personne, même quand tu affrêtes un avion (vécu)

    – il n’y a rien de mieux pour tester un mascara que de partir une semaine aux seychelles (véridique), all inclusiv cela s’entend; à montreuil, le produit est à chier, alors qu’aux seycheeeeelles :p

    – en presse, on fait l’apologie d’un produit non parce qu’il est bon, mais parce que la marque a booké 5 pleines pages de pub. à 3 pages, il est correct, à une page, il est médiocre 🙂

    – quand tu es journaliste, tu dois tout savoir faire, là aussi, en fonction de la pub bien sur… tu bosses pour un canard de déco? les groupes automobiles râlent parce qu’on ne fait jamais de rédactionel sur leurs voitures? peu importe, on fera de la déco avec des voitures… c du réel, il y a peu de temps pour un « bon » canard de déco français… le 4×4 en déco, c tendance, ça tombe bien (ce sont les femmes qui les achètent, on allait pas faire un article dans l’auto journal :))

    il y en a d’autres, on s’y fait et ne s’étonne plus à la longue, on en rit même 🙂

    steph
    ps: je n’ai rien contre montreuil, même si c moins glamour que les seychelles :p

  16. Je serais meroplexe si j’étais une femme, mais je suis un homme. Néanmoins…. Chère Nina, sache que ta vision du journaliste (essentiellement de presse écrite, pour ce qui est de la journée type) est criante de véritée. Vrai, aussi, l’énoncé des motivations journalistiques (épouser la star, bouffer et picoler gratis, etc….). Et forniqueusement vraie, ta théorie sur les journalistes sexual addicted (je le sais bien, je suis les deux). Je suis agréablement surpris aussi. Aucune trace de « jeveuxfairejournalistepourchangercemondeinjusteetmoche », chose qui m’énerve profondément. Le temps d’Albert London est tout de même loin, et faudrait voir à enseigner dans les écoles que les journalistes sont avant tout au service du système et de l’économie (celle de leur support en priorité). Et ce n’est pas si mal payé ! 7650 euros d’abattenent sur la décla des impots, et en général un bon salaire. Enfin pas smicard. Pour info je gagne 3500 euros environ par mois, mais je ne sais pas à combien se situe la moyenne. Bref…. et pour conclure, je pense très sincèrement que tu as tous les atouts pour réussir dans ce bien beau métier qu’est le notre.
    Bienvenue. Un jour toi aussi, tu seras écrivain.
    La bise, chère consoeur.

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