Ce que je sais de vous

J’aime comparer la vie à une trajectoire. Nous sommes tous une trajectoire et nous nous croisons, en parallèle ou en perpendiculaire. On se croise, on prend conscience de l’existence de l’autre. Ça dure un instant, un mois, une vie. Et pendant cette coexistence, aussi fugace soit-elle, on saisit parfois malgré soi des bribes de cette vie.

Début juillet, je suis au Pays Basque avec mes parents (bientôt chroniqué sur week end sac à dos, faut juste que je me bouge les fesses quoi) dans un ravissant gîte tenu par un couple d’une soixantaine d’années. Ma mère, elle est comme moi, elle aime bien socialiser et pendant ces 5 jours, on vit avec eux, on a connaissance d’un de leur pépin familial. Rendez-vous compte : nos trajectoires n’ont été parallèles que pendant 5 jours et je savais certaines choses sur eux, des choses intimes.

Autre exemple. Un soir, je fais la queue au Monoprix, un acte sans le moindre intérêt et je rêvasse mollement. Devant moi une femme. Quand arrive un homme qui vient poser deux ou trois articles à côté de la demoiselle devant et me dit aussitôt « on est ensemble, je double pas ! ». Gneeeeee ? Oui moi je dors, tu sais, monsieur… Du coup, je me « connecte » sur ce couple. Ils ne se connaissent que peu, on dirait un premier rendez-vous Meetic. Elle parle de son prochain week-end à la mer, il lui parle de sa vie à Montréal. Tiens, un Québécois… Et mon imagination se met en branle. Que font ces deux individus qui semblent peu se connaître ensemble dans cette queue au Monoprix. Ils sont ensemble mais paient séparément leurs courses, des courses d’appoint comme une baguette de pain, quelques tomates… Ça sent pas le dîner à deux. Mais qui sont-ils ? Ils payent et s’en vont, ça me démange de les rattraper pour leur demander leur histoire.


Pendant quelques instant, cet étrange duo et moi avons eu une trajectoire perpendiculaire, un bref point de rencontre. Les recroiserais-je demain que je les reconnaitrais pas mais pendant 5 mn, ils ont existé dans ma vie, de façon fugace et superficielle.

Je suis une curieuse, mes oreilles traînent souvent malgré moi. C’est pas ma faute si les gens parlent fort aussi… Des conversations captées, des trajectoires qui croisent la mienne sans même en avoir conscience. C’est fascinant, c’est vertigineux. J’aime m’imaginer quelques instants dans la peau de cette personne, dans cette vie où je suis au mieux la fausse blonde à racine dans la rame, au pire rien du tout. Où mon nombril n’est pas le centre de l’univers. Un léger décalage de perspectives. Je prends l’humble pièce de puzzle qu’on me donne et je tente de le reconstruire en entier.


Et après ? Après rien, j’oublie vite, j’oublie ces trajectoires entr’apercues pour les remplacer par d’autres, tout aussi éphémères (de mon point de vue). Mais j’aime la sensation que, pendant quelques instants, ces gens ont eu une existence pour moi.

Mais je reste frustrée de pas avoir eu le fin mot de l’histoire du Canadien et de sa compagne de caisse.

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