Moi ? Je suis un expert (autoproclamé)

Chaque jour, je plonge dans la toile, clique sur des liens, ouvre des sites, des blogs, des journaux collaboratifs et je lis des trucs assez hallucinants de connerie. Je n’ai pas des connaissances en tout mais certaines ficelles me paraissent trop grosses. Mais ça marche, il suffit de crier suffisamment fort pour gagner le titre de spécialiste.

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Imaginez. Parce que j’ai écrit une maîtrise sur le Québec, je me pose en spécialiste du fédéralisme ou des luttes indépendantistes (j’ai aussi fait un mémoire sur l’Irlande du Nord, hein !). Parce que j’ai un blog qui s’appelle « les vingtenaires »et que je fais un léger effort intellectuel pour tenter de trouver quelques faits saillants sur notre génération pourtant protéiforme, je suis une spécialiste de la question de la place des jeunes dans notre société. Pourquoi je ferais ça ? Pourquoi pas après tout. Quand on a des convictions, ca permet de faire figure d’autorité. Exprimons nous toujours sur le même sujet ou presque, truffons nos discours de quelques termes techniques qui font plus vrais. De toute façon, on s’en fout, on écrit pour le web, pas besoin de définir précisément, les gens ne prennent pas le temps de vérifier. Et là, je tique un peu. Beaucoup.

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Prenons un exemple concret : le 11 septembre. Suite à quelques commentaires ici même affirmant une nouvelle fois que c’est une conspiration, qu’un building ne peut pas s’effondrer comme ça, je suis allée voir quelques vidéos sur le sujet. Assez troublant si on reste à la couche 1 (ce que dit cette personne est vraie). Sauf que le mec affirme des trucs sans aucune preuve. Il y avait des histoires de débris sur des toits par exemple, je ne me souviens plus exactement du propos mais je fronce les sourcils. A-t-on réellement retrouvé de tels débris ? Je peux affirmer ce que je veux, on est libre de croire ou pas. C’est précisément ce sur quoi je vais m’appuyer. Ainsi, chaque internaute va soudain se croire expert en génie civil, économiste à deux doigts du prix Nobel ou, récemment, j’ai découvert une foule de sexologues/ gynécologues m’expliquant qu’il est impossible que je jouisse par la pénétration et que la preuve, quand les mecs te défoncent, des fois, ça fait mal. Mais les cunni faits avec la participation d’un menton tout râpeux, par exemple, ça me fait extrêmement mal aussi, dois-je nier l’existence de l’orgasme clitoridien donc ? Enfin, peu importe certaines preuve scientifiques concernant un orgasme vaginal, il existe pas et j’ai dû rêver quand j’en ai eus.

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Le tout est dans la façon d’affirmer les choses, de paraître si convaincu que personne ne vous contredira. Et surtout bien agresser celui qui osera vous faire remarquer qu’en l’occurrence vous avez tort. Ces personnes sont manipulées par les Américains, la droite ou la gauche, le patriarcat, ta mère, ton voisin, la société, Dieu seul sait qui. Attention, je ne dis pas forcément que toutes ces personnes ont tort, jamais de la vie, mais arrive un moment où la condescendance (moi je sais car je ne suis pas manipulé contrairement à toi)n’est pas un argument. Perso, quand je ne suis pas d’accord avec un contre argument, j’explique pourquoi, je ne me contente pas d’un « non mais tu es trop manipulé par [qui tu veux] ».

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En fait, c’est un peu la magie d’Internet, sa magie perverse, on est qui on veut. Il suffit simplement d’affirmer avec aplomb. Quoi que ça peut marcher dans les dîners en ville si vous parlez d’un sujet que peu maîtrisent. Moralité : avant de dire amen à tout, faites deux ou trois recherches, vous verrez que les « experts » ne sont souvent qu’autoproclamés.

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N’empêche que ça me plaît bien, ça, spécialiste de la question de la place des jeunes dans la société… Je pourrais le mettre sur mes cartes de visite.

2 réflexions sur “Moi ? Je suis un expert (autoproclamé)

  1. quelques indices pour douter : un expert qui s’exprime en dehors de son domaine de compétence, un expert qui s’exprime trop souvent dans les médias et pas dans les revues spécialisées (relues), un expert qui s’exprime en son nom et non au nom de son labo, de son entreprise, etc, un expert trop lié à une cause/idéologie, etc. Se poser la question de qui parle, de quels peuvent être ses interets est souvent salvateur.

    1. Pas idiot, merci pour cette petite liste de bonnes questions à se poser ! C’est vrai que sur le web, c’est un peu l’univers du personal branding, des tas de personnes s’autoproclament experts sans qu’on puisse savoir d’où ils viennent, quelles sont leurs sources. Ils te balancent faits et chiffres sans qu’on sache bien d’où ils les tirent. La base des hoax.

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