Où es-tu, je reviens te saouler

Par Lucas

Bien sûr amies lectrices, amis lecteurs, vous n’allez pas manquer de lâcher un « Lucas il est jalouuuuux« . Je sais bien et j’avoue : je suis jaloux, effaré par le succès d’auteurs aussi merdiques que ces deux loustiques. Je n’ai même pas besoin de vous donner leurs noms ; ils trustent les deux premières places des ventes en France : Guillaume et Marc.

Ils ont trouvé un filon et ils l’exploitent jusqu’à la lie. J’en veux pour preuve les atermoiements des lecteurs (pardon, des lectrices…) qui ont donné un jugement sur FNAC.com.  Musso en prend plein la gueule avec son dernier roman Je reviens te chercher car selon les lectrices il joue la facilité. Il reprend, d’une part, un schéma stérile et facile, d’autre part le thème de la seconde vie, et il use tout ça jusqu’à la corde. Je ne vous parle pas de Levy avec Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites. Les copines à qui j’en ai parlé ont eu un petit sourire gêné, en avouant du bout des lèvres qu’elles étaient un peu déçues. Une sorte de Max Gallo spirit… Perso j’ai ouvert « Vous Revoir » qui trone sur la bibiyotek de ma p’tite sœur. J’ai tenu 50 pages…


Marc et Guillaume ressortent donc des schémas éprouvés et les copient-collent d’un roman à un autre.

C’est ce que faisait Paul-Loup Sulitzer avec le western financier,

c’est ce que fait Grisham avec le monde juridique américain,

c’est ce que fait Higgins avec la l’IRA et la Seconde Guerre Mondiale : c’est ce que font nombre d’auteurs de romans de gare. Musso et Levy en sont les dignes successeurs. Sauf qu’ils ont une machinerie marketing derrière eux, eux. Et le market, c’est ce qu’on nous a appris à faire en école de commerce. Ça me rend fou… De manière plus ou moins avouée, c’était en partie ce que Beigbeider critiquait dans 99 francs, même si ce n’était pas le sujet principal.

Ce qui est déplaisant là dedans c’est que ce mimétisme semble toucher bcp d’écrivains à succès. Je prends un exemple : Douglas Kennedy.

Kennedy  a écrit un de mes romans préférés, L’Homme qui voulait vivre sa vie.
Il y dépeint les travers de l’Amérique qui veut toujours réussir sur des schémas classiques (bonnes études, situation importante, travail acharné). Dans Les Désarrois de Ned Allen, il raconte cette vie à crédit où tout le monde court après un bonus, dans Rien ne va plus c’est le coté superficiel des relations humaines à Elaye, dans Les Charmes Discrets de la Vie Conjugale c’est le schéma de la vie de famille aux States et la main mise des média qui servent au public des infos markétées donc vendeuses, etc…

Je n’ai jamais été déçu… jusqu’à La Femme du Vème.

Là encore, tel un Musso ou un Levy, Kennedy s’embarque dans des explications surnaturelles ! Alors même que ce qui fait tout l’intérêt de ses romans précédents c’est justement de présenter des situations humaines au possible, sans force occulte ! Des situations qui prennent pied dans notre société avec ses travers et ses bonheurs. La vie, quoi !

Je pourrais aller loin comme ça. Vous parler des girlie books qui fleurissent à la FNAC. Dans la droite ligne de Bridget Jones et Le Diable s’habille en Prada. Les bouquins, pas les films qui en ont été tirés. Vous savez bien, tous ces bouquins avec des couvertures bien flashy, bien affligeants mais qui ciblent une population (les femmes dynamiques, vieilles vingtenaires, jeunes trentenaires) et ça marche. A se demander ce qu’il reste aux vrais auteurs. Bah parlons-en.

Le prochain roman d’Amélie Nothomb  sort, comme d’hab, en Septembre, pour la rentrée littéraire. Les premières pages proposées par le magazine Lire sont un peu décevantes. Je ne vais pas juger avant l’heure mais c’est vrai que Journal d’hirondelle m’avait un peu laissé sur ma faim. Amelaye avait heureusement rebondi avec Ni d’Eve ni d’Adam, grace à son fonds de commerce, Amélie au Japon. Mais il faut avouer qu’elle sait parfois centrer son roman sur des thèmes forts  (Attentat avec les normes de beauté, Mercure avec les apparences et les relations humaines, Acide Sulfurique et la télé réalité, entre autres). Pour autant, quid avec Le Fait Du Prince ?
Réponse à la rentrée…

Pour ma part ça fait des années que des copains me pressent d’écrire un roman. Mais il y a un océan entre vous baver des articles pamphlétaires à deux sous sur les Vingtenaires et avoir la rigueur d’écrire 100 pages intéressantes et intelligentes, captivantes et rythmées. C’est là-dessus et uniquement là-dessus que mon honnêteté intellectuelle doit saluer Levy et Musso. Ils savent (ou ils ont su) écrire des trucs qui tiennent en haleine. Encore une fois ça démontre bien à quel point, dans notre existence absurde (merci Albert Camus) on a besoin d petits moments d’émotions épars pour se sentir vivre. Ces petits moments de souffle court, c’est peut-être ça que les lectrices aiment chez Marc Musso…

16 réflexions sur “Où es-tu, je reviens te saouler

  1. « Tout est dit » !
    Hors peut-être que vous pourriez vous lecteurs, juste comme ça, relire ou prendre le temps de vous plonger dans la « Chute » de MONsieur Camus ! La chute d’une femme qui va entraîner celle d’un homme (mon coup de coeur).
    Rien de comparable à cette littérature accrocheuse décrite ce jour mais qui a le mérite de se lire plusss que rapidement, sans réfléchir, allongé sur votre serviette de plage…
    « La chute », quelle philosophie de vie, quelle réflexion sur soi-même, quel bonheur ce livre !
    Enfin, les goûts et les couleurs….

  2. Oué bah ptêt que dans le métro ou sur la plage on a pas envie de réfléchir à la philosophie de vie et à nous-même…

    Perso Camus j’ai commencé à lire l’étranger, j’ai jamais pu le finir parce que pour moi le personnage est un gros con, le type même que je peux pas sentir en vrai et que j’ai envie d’encastrer dans un mur…alors bien sûr c’est fait exprès et plutôt bien fait mais bon j’ai pas forcément envie de lire ça…

    Sinon pour revenir plus précisément à l’article, un truc que je comprends pas c’est que tu dis que ces auteurs écrivent toujours la même chose et pourtant tu reproches à Kennedy d’avoir changé de style, ou tout du moins d’avoir introduit un nouvel élément dans ses romans…(que tu es libre de ne pas aimer)

  3. E. y a des bouquins bien foutus, des classiques qu’on peut lire pour se détendre et sans réfléchir « à la philosophie de vie et à nous-mêmes »
    Perso, quand je lis un Jane Austen, je suis plus que girly, et pourtant, je me sens moins prise pour une conne qu’en lisant « confessions of a shopaholic ». Par ailleurs, Lucas, tu ne l’as pas lu, mais le Journal de Bridget Jones, même s’il a contribué à faire de la chick litt ce qu’elle est auj., c’est un livre pas mal ficelé et plutôt bien foutu et intéressant, à vrai dire…

  4. AAlors, à ma connaissance, les deux derniers de Musso et Lévy sont, respectivement : « Parce que je t’aime » et « Les enfants de la liberté ». Stéphane Laurent, dans son blog, a fait une critique au vitriol du premier qu’il s’est efforcé de lire (il a craqué au bout de 120 pages), et une lectrice a raconté la fin de l’histoire dans un commantaire : ça avait l’air passablement affligeant. Voici le lien vers son article : http://st-phanelaurent.over-blog.com/article-20807325.html
    J’ai feuilleté celui de Lévy… J’ai pas trouvé mauvais le début, franchement, j’ai plutôt été agréablement surprise. Maintenant, pour être mauvaise langue, je dirais que la Seconde Guerre Mondiale est un fond de commerce juteux…

  5. Lil Virgo : sûrement, je revendique juste le droit de lire des livres qui font pas réfléchir…

    Sinon pour Bridget Jones, je plussoie, perso je l’ai lu d’une traite entre 19h-2h du matin … pourtant j’avais déjà vu le film… 🙂

  6. E. On peut aimer La Chute tout en détestant L’Etranger. No problem et je le rappelle, les goûts et les couleurs…
    Un livre quand il te paraît lourd à digérer aux premiers chapitres, il faut le mettre en sommeil et surtout pas se forcer. Et pourtant, ce livre peut revenir au goût de tes lectures un jour prochain voire jamais (peu importe…).
    On ne peut être conquis au premier jet puis par surprise, se sentir proche, selon l’humeur et en fonction de ton vécu à ce moment précis. Pour ma part, D.Kennedy ne me charme pas à chacun de ses passages, mais déci, delà, quelques annotations peuvent faire le reste.
    Si cet Etranger te met dans tous tes états, essaie toi à La Chute, sans te focaliser sur le nom de Camus, et tu y verras, tout simplement, l’histoire d’un Homme plein de contradictions mais si représentatif de notre temps ET oui, il vous ressemble! Repasse par ici pour faire part de tes sensations si jamais l’histoire de Jean-Baptiste t’a collée à la peau… Qui sait ?
    Pour ma part, je vais me plonger dans « Le magasin des suicides » de Jean Teulé, qui par son titre, pourrait vous faire fuir, mais celui-ci nous entraîne, page après page, dans une fable et farce drôle, déconcertante et grinçante digne des Monthy Python (pour ceux qui connaissent) et l’Accro du shopping » attendra…

  7. Mon avis sur la question avant que j’aille me doucher (ma vie est passionnante). Je n’aime pas Lévy, je n’ai lu que 7 jours pour une éternité et j’ai trouvé ça too much dans la guimauve prévisible. Quoi que non, la fin est encore plus sucrée que ce que j’avais imaginé, au temps pour moi. Musso, pas lu mais je m’énerve un peu moi même en constatant que je décrète que c’est de la merde alors que justement, je ne l’ai pas lu. On a parfois de bonnes surprises.

    Concernant la chick litt dont parle Virgo, je pense que c’est vraiment un tort de tout jeter sans même l’avoir lue. En général, je me fais des shoots de chick litt quand j’ai envie de me détendre un peu le neurone mais on a quand même d’agréables surprises. Bridget Jones a un style indéniable, il y a de bonnes idées et le livre est beaucoup plus fin et drôle que le film. Le diable… est une histoire vraie romancée certes mais s’il avait s’agi d’un homme employé au NY Times par exemple qui raconte son expérience avec son boss tyrannique, tu aurais décrété dès le départ que c’était de la merde, aussi ?

    Je trouve qu’il est facile de cracher sur ce qu’on ne connaît pas, de préférer les hautes sphères intellectuelles, de lire Stendhal par devant et lire un bon vieux shopaholic sous la couette quand personne ne nous voie. Mais un livre « noble », ce n’est pas forcément un drame réaliste. Pour moi, un bon livre, c’est un style qui accroche, une histoire qui m’amène loin de mon quotidien, qui me donne envie de rester au lit toute la journée pour lire ledit livre.

    Tout genre littéraire a quelque chose à sauver. Lil’Virgo a parlé très justement de Jane Austen. On peut parler aussi de SF puisque comme tu m’as dit toi même par mail « écris un roman mais pas un truc de science fiction comme il y a deux ans, un vrai roman ». Je pense que tous les Georges Orwell, Barjavel, Ray Bradbury, Jules Verne, Isaac Asimov… seront ravis de savoir qu’ils n’ont pas écrits de vrais romans.

    Bref,pour ma part, j’évite de hurler à la merde tant que je n’ai pas lu un roman. Ca ne veut pas dire que je vais tous les lire, je me contente d’un « franchement, j’en ai pas envie, désolée ».

    Après, on peut se demander pourquoi certains qui ont un talent limité arrivent à être édité alors que d’autres non ? Ben sans doute parce que certains préfèrent faire des trucs qui marchent plutôt qu’une oeuvre d’art. Après tout, s’il y a des auteurs comme Lévy et co, c’est qu’il y a un public pour lire ses livres. D’où les gens qui n’ont pas envie de lire un roman déprimant, pompeux et co n’auraient pas le droit de lire ?

  8. Caroline : entendons-nous bien, le livre l’Etranger m’a saoulé mais paradoxalement je pense que c’est dû à un certain talent de l’auteur, après il est certain que je devrai finir l’Etranger tout comme je devrai lire d’autres livres de lui (quoique le soulagement de ma cousine d’avoir fini la Peste n’est pas super encourageant) et d’autres classiques au moins pour ma culture générale…

  9. Alors moi j’aurais tendance à rejoindre pas mal Nina sur ce coup là.
    Personnellement, j’adore et camus (tout camus, ce type est un putain de génie) et bridget jones, et bien sûr que ce n’est pas comparable, mais je trouve dommage de zapper la lecture « divertissement » autant que je trouve dommage de zapper la lecture « intellectuelle ». De même, je ne comprends pas vraiment ce que tu reproches à la science fiction, au « surnaturel » (pourrais tu préciser d’ailleurs, lucas, histoire que je je saisisse mieux la chose?)J’adooore la SF, et bien souvent la SF n’est qu’un miroir déformant du réel ,tout passe par la symbolique, l’expérimentation du champ des possibles ou des pas encore possibles, l’exploration de la mince frontière entre réel et illusion… (ex: le maitre du haut chateau de phillipe K Dick où le livre imagine ce qui se serait passé si les allemands avaient gagné la WW2, et au milieu d’un monde coercitif, dans le haut chateau se planque un écrivain qui écrit un livre qui imagine ce qui se serait passé si les alliés avaient gagné la WW2… un petit bijou de mise en abime!!)
    Ah, et puis, petite merveille de SF, courez lire « l’affaire charles dexter ward » de Lovecraft, ça vous emmène très loin et fait surgir pleins de trucs bizarres de votre encéphale.
    Et en ce qui concerne les auteurs contemporains, j’avoue ne pas être une experte, si ce n’est que j’adore absolument tout ce qui surgit de la plume de Daniel Picouly, et que j’ai découvert l’année dernière un petit gars à l’écriture virevoltante et bien colorée, rachid djaidani. Je vous le conseille aussi.

  10. Lucas : ça ne m’étonne pas que tu apprécies le personnage eu égard à ce que je lis de toi, perso pour moi (et de ce que je me souviens parce que ça remonte quand même), le personnage se laisse vivre, ne ressent rien et ne prend pas de décisions, alors là c’est sûr aucun risque qu’il ne se compromette vu qu’il est plus spectateur qu’acteur de sa vie…et je supporte pas ça en vrai, je suis militante de l’association de sortage de doigts du cul…

    Et je suis très contente de correspondre aux canons de notre société vu que justement j’ai choisi de vivre en société, sinon j’irai élevé des chèvres au fin fond du Larzac…c’est pour ça que moi, si je tuais quelqu’un je pense que ça m’atteindrait…

  11. La vie n’est pas un livre, rien n’est inscrit, rien n’est écrit, tout est à faire, pas à pas, aucun plan de carrière !
    Ce livre, le tien, ou le nôtre sera à l’image des jours qui passent et si par le plus grand des hasards, est à notre image, tant mieux. Si sombre, sans vie et sans fin, tant pis ! Mais au moins on aura essayé !
    Pas facile et alors ? QUI a dit, QUI a écrit que la vie était simple et lisse ? Les héros sont les seuls à s’en sortir, oui, mais dans les romans…
    Lucas, sommes-nous tous invités au goûter d’anniversaire ? As-tu prévu les ballons, cotillons et autres farces ? 😉
    Taquinerie du jour et « pirouette » à mon com ci-dessous (sorry…).

    E-> Oui, oui, chacun a son ressenti à ses lectures. No problem

  12. Lucas : pour rebondir sur ta petite disgression, on peut aussi se dire qu’on fait 2 ans chez Deloitte, qu’on met cette ligne sur son CV, qu’on prend le max de tunes possible et qu’ensuite on peut se vendre partout, aller dans la boite qui nous plait…y’a aussi l’idée que le job est chiant mais qu’avec l’argent que tu gagnes tu peux avoir une vie en dehors du travail très sympa où tu peux voyager, sortir…

    Enfin bon je dis ça perso j’ai pas fait d’école de commerce, je parle juste en général…

  13. UNe suggestion de lecture pour l’été, surtout si vous allez à la mer:

    Mémoires de Louis Adhémar Timothée le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la Flibuste. (cahiers rouges, grasset)

    C’est court, très amusant, écrit style « ancien », mais lisible sans efforts (pas de souci d’orthographe ancienne), et les thèmes des aventures sont plutôt originaux: « Comment j’ai fait cocu l’alcalde de cucuba », « Le jovial Tiburon », « La vierge de Maracaïbo »… le tout venant d’un manuscrit découvert dans un coffre, dans la plus belle tradition des pirates caribéens.

    jje recommande chaudement.

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