La schizophrénie du blogueur

Deux ans et demi  que je blogue, j’en ai vu et lu des choses. Maintenant, c’est même mon métier les blogs, c’est dingue. Mais je ne vais pas faire un bilan bloguesque, ça, je
le ferai quand ce sera l’annif du blog. Non, je veux parler du comportement étrange de certains blogueurs. A savoir vivre sa vie pour son blog.

Il y a quelques temps, je discutais sur MSN avec une grande consommatrice de blogs et on en vient à parler d’un blogueur que j’analyse en 2 mn de la façon suivante : « ce
qui est triste, c’est que maintenant, il fait ça juste pour remplir son blog. ». Peu importe de qui je parlais, ça pourrait être pas mal de gens. Je ne compte pas régler mes comptes (surtout que c’est un bloggeur qui n’est ou ne fut pas proche de moi) mais de présenter une dérive que j’ai observée avec d’autres personnes. Un blog, c’est quoi ? En gros un espace perso où on peut partager ses passions ou raconter sa vie, entre autres. Moi, je parle des blogs de type journaux intimes comme le mien. Donc le but premier du blog, c’est de créer un journal extime (© Kamui dans un vieux commentaire, je sais plus du tout où, sorry !) où on partage tout ce que l’on veut partager. Sa vie amoureuse, sexuelle, pro, ses pensées, ses joies et ses peines, ses délires et tout ça. Aujourd’hui, je m’en sers surtout pour partager mes visions de la société, étaler mes opinions. Ma sexualité est devenue un sujet annexe, souvent évoquée sous forme de blague (héééééé, ma maman me croit lesbienne !). Mais de mes derniers amants/mecs, vous n’avez rien su ou si peu. Sans doute car aujourd’hui, j’assume suffisamment ma sexualité pour ne pas avoir besoin de la raconter, que je suis sûre de ma séduction et que je n’ai plus besoin d’étaler mon tableau de chasse. Bref, bref.

 Quand je lis les blogs de certains, je note certaines « déviances ». Des gens qui nous semblaient sincères au départ mais qui tombent dans un espèce de cercle vicieux : vite, il doit m’arriver des trucs pour alimenter mon blog. Et faire les courses à la supérette et avoir la caissière qui dit bonjour/merci/au revoir, ça compte pas. Il faut qu’il m’arrive des trucs de ouf genre j’ai baisé avec George Clooney, j’ai fait un coma éthylique, j’ai pris une nouvelle drogue top démente qui vient tout juste de sortir et qui fait faire des bulles

(ah, merde, en fait, c’était un bout de savon, je me sens flouée, là), j’ai été embauchée rédac chef au Monde, j’ai gagné au loto… Bon, ok, je grossis considérablement le trait, là, mais vous saisissez la substance. En gros, le rapport s’inverse. Avant, on faisait des choses et on les racontait sur son blog. Maintenant, on fait des choses pour les raconter sur son blog. On n’est plus soi mais on est « machin le blogueur », une identité qui prend le pas sur la nôtre.

 

Des fois, je me demande si je ne suis pas dans ce schéma aussi mais vu ce que ma vie est excitante en ce moment, je crois pas. Non parce que je voudrais vous mettre du
croustillant, je serais retournée sur meetic, pour commencer. Puis je fréquenterais des milieux interlopes pour vous raconter tout ça, aussi. Là, j’avoue que ma vie a été plus subversive que ça : je me lève, je bosse, je rentre, je papote un peu, je me couche. No sex. De toute façon, en ce moment, j’ai pas envie de séduire. Là, le côté trépidant, inédit, qui fait rêver, j’ai pas. Et je vais franchement pas provoquer pour avoir trois lecteurs de plus, j’ai pas le temps et puis j’ai pas envie de jouer un rôle, ici comme ailleurs. Je m’étais perdue de vue y a quelques temps (sans rapport avec le blog, ça avait commencé avant), je me suis retrouvée enfin, c’est pas pour recommencer.

Mais surtout, ce genre de comportement m’interpelle. Pourquoi ? Il y a des gens dont c’est le métier de se créer un personnage, je pense à des blogs BD ou d’acteurs et
d’actrices. Là, je comprends, c’est normal. Mais les autres ? Les comme moi qui ont une vie normale, un métier qui n’appelle pas à se créer un univers, à se vendre, pourquoi se laisser
embarquer dans ce jeu ? Bien sûr que le nombre de lecteurs qui croît, c’est exaltant. Bien sûr que ça fait plaisir de voir que nos tribulations suscitent la curiosité ou l’envie ou la
réprobation. Ca peut permettre à des gens de se poser des questions. Mais à nous, ça nous apporte quoi ? Je n’ai pas envie d’être Nina à part entière, je suis plus que ça et je refuse de
livrer ce plus en pâture pour attirer plus de lecteurs. Je pourrais vous parler de mes pratiques solitaires, tout vous détailler. Je pourrais coucher avec tous les mecs qui m’allument pour faire monter mes stats. Mais pourquoi ? Pour prouver que j’existe ? Mais j’existais avant ce blog et j’existerais après lui, seul mon pseudo disparaîtra dans les limbes virtuelles. Des fois, 
je me demande si ces personnes s’arrêtent sur leur vie, si elles réfléchissent à ça et ce qu’elles en pensent. Je parle de vraies introspections, pas d’un article sur un blog pour récolter des « mais non, t’es génial(e), change pas ». Parce que même si je t’aime beaucoup lecteur, tu ne me connais pas comme moi je me connais, normal. Tu ne sais que ce que je te dis, tu n’es pas dans ma tête. Sinon, ce serait invivable, tous ces gens qui squattent ma boîte crânienne. Bien sûr que j’ai eu ce travers à une époque, je mentirais en prétendant le contraire mais aujourd’hui, quand je vois les guéguerres entre blogs pour avoir trois lecteurs de plus et tout ça, je préfère me retirer de tout ça. Ma vie n’est pas trash, ça ronronne comme une Kenya. Et alors ? C’est ma vie, je l’assume pleinement.

En guise de conclusion, une « révélation ». Et même deux. Arrêtons de prendre les lecteurs pour des cons, ils voient souvent quand on joue un rôle, quand on perd notre sincérité. Et ça les fait fuir. Perso, j’adore les blogs simples où je me reconnais, je me marre plus en lisant les tribulation d’une Lalie ou d’une Vicky que de gens qui grossissent tellement le trait que ça finit par me gonfler. Et enfin, grande phrase à méditer : y a aussi une vie en
dehors des blogs.

PS : Cet article n’est dirigé contre personne, si vous vous sentez visé(e), je n’y peux rien donc pas la peine de se défouler en comm, heiiiiiiiin

17 réflexions sur “La schizophrénie du blogueur

  1. Je suis tout a fait d’accord, il y a bcp de gens ki ont degenere, et ki vivent pour leur blogs, ki passent a cote de bcp de choses sympas dans leurs vies, et ki peuvent même parfois devenir mytho, mais bon, c’ca le revers de la medaille, chaque chose a ses cotes positifs, et negatifs, qui surgissent tjs après l’abus en tout genre. Je voulais aussi te dire que tu es fatiguee parce que au lieu d’ecrire assumer ma sexualite t as ecris assumer sa sexualite. Mais bon, ca arrive a tout le monde, sauf que dans ce contexte la phrase peut avoir un sens lol et puis dsl pour les remarque c’la deuxieme d’affiler, je me la joue critique. Ciao

  2. Allez n’arrête pas ton blog miss car même si je suis pas toujours d’accord avec toi, cela reste mon petit plaisir quotidien que de te lire! 😉

  3. Diantre, impossible de poster sous Mozilla… encore merci OB.
    Bon, globalement comme toujours je suis d’accord avec toi. Y a juste un point que je ne suis pas sure d’avoir bien saisi (vraiment, j’ai pas tout compris) mais comme aujourd’hui j’ai le QI d’une huitre c’est peut être lié.
    Donc, je disais… je ne comprends pas ce reproche sur « la création » d’un personnage, alors que tu rappelles toi-même que tu es bien plus que Nina (et heureusement). Bien sûr que certains (tous ?) grossissent un peu le trait de leurs pseudos, berçant bien dans la fiction par moment, moi la première d’ailleurs. Mais n’est-ce pas aussi pour garder une part de jardin secret, de séparation entre le web et la réalité. Donc ça c’est un point que j’ai pas bien saisi dans l’article.
    Et sinon, il est évident que le côté « comment je vais raconter ça sur mon blog » alors qu’on vient seulement de marcher dans un crotte de chien fait partie des déviances. Mais c’est un travers qui tient davantage du réflexe que de la recherche du « scoop ». Personnellement, je ne me demande pas « comment je vais le raconter sur mon blog » mais j’ai plutôt une formule qui me vient dans la tête qui me fait penser que je pourrais en faire un billet.

    Enfin, bon, tout ça pour dire que globalement, je suis d’accord avec toi, et ça te fait une belle jambe.

  4. En fait, ze rééexplique : toi, tu vis quelque chose ET tu le racontes sur ton blog. Tu te demandes comment mais tu ne vas pas marcher dans une crotte exprès pour le raconter sur le blog, là est la nuance. Evidemment, on a tous un côté personnage, moi itou, mais là où je ne comprends plus, c’est quand les gens se comportement exprès à leur image pour avoir de quoi parler sur leur blog. C’est comme si je faisais exprès de casser des trucs pour dire que j’ai la loose, comme si je me montrais infecte avec les mecs pour qu’ils me plaquent pour que je chouine sur tous des connards, que je sorte tous les soirs pour raconter mes soirées dans les milieux glauques… Bref que je me force à vivre, en somme. Alors qu’en ce moment, j’apprécie rien de plus que larver sur mon canap

  5. c’est vrai que pour peu qu’on ai un blog relativement vieux on peut tous se sentir un peu visé, même sans être dans l’intime au sens strict. On se sent parfois obligé de présenter les choses de manière un peu choc, après ça ne veut pas forcément dire qu’on ne vit que ça et dans le but de le raconter (enfin doit y en avoir sans doute, ça n’est pas un milieu que je fréquente vraiment). L’essentiel étant de relativiser l’importance de son lectorat (facile quand on en a très peu!)

  6. POncho chéri, ton blog n’est donc pas un journal extime, c’est une oeuvre de fiction ! 😉

    Matt, je n’ai pas observé ce phénomène partout, c’est juste chez quelques uns ! :p Puis il faut toujours relativiser son lectorat, même s’il dépasse la centaine

  7. Tout à fait d’accord avec toi. D’ailleurs, je pense que c’est pour ça que je continue à lire ce blog: parce que je peux me reconnaître dans tes histoires, tes réflexions. Franchement, c’est difficile pour un lecteur de s’identifier à un bloggeur qui a vécu des trucs de ouf (genre la fille qui couche avec Clooney ou a un taf de malade et qui sort dans des milieux hyper branchés). Si j’ai envie de lire ce genre de truc, j’ouvre un livre, une oeuvre de fiction et je sais très bien que c’est un roman. Quand je te lis, j’y retrouve un peu ma vie, et c’est rassurant que tu aies une existence parfois pépère, des coups de blues, des mecs foireux etc Parce que c’est ça la vie, il nous arrive parfois des trucs de fou mais parfois il se passe pas grand chose. Et je trouve que c’est un de tes grands talents de nous parler de ces petites choses du quotidien tout en restant intéressante et intelligente dans tes réflexions (ça va là? j’ai jeté assez de fleurs?)

  8. L’objectif du billet sur le blog leur permet peut-être de se donner du courage pour vivre une vie trépidante. Ca leur permet d’oser faire des choses…
    Sais pas…
    En même temps, il y a à contrario tous ceux qui ont une vie relativement chiante (comme la plupart des gens), qui te brodent tout ça pour en faire des anecdotes hyper piquantes… Genre, le bonjour, au revoir à la superette devient un grand moment de loose, de gloire, de fun… hum… au bout d’un moment, c’est répétitif, ça se repère dans les blogs et c’est lassant…
    Ou comment se convaincre qu’on a une vie passionnante en 10 billets.

    Sidji

  9. Ben ça dépend parce que moi, à ma supérette, quand elles me parlent les caissières pour me dire bonjour/au revoir, ça me fait peur, je crois toujours que c’est la fin du monde… 😮 Je pense aussi qu’il y a le « talent » : on peut rendre un truc chiant intéressant et un truc intéressant chiant, ça dépend comment on écrit. Mais je crois que quand on n’a rien à raconter, autant ne pas se forcer

  10. On se réalise comme on peut, Nina. Il y a des gens qui ont besoin qu’on s’intéresse à eux, cherchent affection et reconnaissance, et ils n’ont rien trouvé d’autre que le blog. Et comme tu dis, ils en rajoutent, ils se mentent à eux-mêmes. C’est triste mais c’est comme ça.

    Je pense notamment à ces gens qui demandent sur le forum d’OB « qu’est-ce qui vous intéresserait de lire sur un blog? » Genre, j’adapte ma vie aux desideratas du lecteur potentiel. C’est n’importe quoi!

    Et il y a une vie en dehors du blog (et de Facebook)

  11. « Je pense aussi qu’il y a le « talent » : on peut rendre un truc chiant intéressant »
    L’exercice peut être intéressant, je suis d’accord.
    Mais c’est aussi à se demander si certains n’essaient pas de se convaincre eux-mêmes qu’ils ont une vie passionnante en brodant à mort sur du quotidien chiant.
    Beaucoup de gens ont tendance à beaucoup enjoliver leur vie…

    Sidji

  12. Blogs + second life + ma bimbo + msn + facebook + myspace + tous les autres trucs que je ne connais (heureusement pas) = de plus en plus de geeks colles a leur ecran. je vais investir chez optic 2000 et finir riche, moi.

    en parallele, dans tous ces spots de vie virtuelle, comme dans la vie reelle, les gens te disent tout le temps « bon, je dois y aller, j’ai une vie aussi ».

    schizo, quand tu nous tiens… 🙂

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