La formidable hypocrisie du droit à l’adoption

Aujourd’hui, je souhaite vous raconter une histoire triste qui me fout sacrément les nerfs, l’histoire de mon cousin Philippe. Philippe a un petit ami depuis près de 10 ans, Thomas. Après quelques turpitudes amoureuses qui n’ont rien à voir avec mon propos, ils achètent un appartement ensemble et décident de tenter l’impossible : adopter un enfant.

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Evidemment, ils ne peuvent pas adopter en tant que couple, c’est Thomas qui fait la demande à son nom seul. Ils se sont préparés, ce ne fut pas simple, il a fallu effacer toute trace de mon cousin de la vie de son compagnon. Psychologiquement éprouvant, je vous laisse imaginer. En fin de compte, Thomas obtient le droit à l’adoption. Victoire ? Non leurre. De fait, il n’a le droit d’adopter que dans certaines zones (Asie, Amérique latine, je crois) et, attention l’entourloupe : que des enfants de moins de 5 ans. Or dans ces zones, ils refusent de laisser un enfant de moins de 8 ans se faire adopter par un homme seul. Ils ont demandé une dérogation mais en vain. En somme, le droit à l’adoption de Thomas n’a aucune valeur.

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Vous ne connaissez pas Thomas et Philippe, moi si. Surtout Philippe, nous étions très proches enfants. Il n’y a pas homme plus doux et plus dévoué aux autres, un imaginatif très drôle. Souvent, je me dis que si j’avais été un homme, j’aurais été Philippe. Ce couple était prêt à accueillir un enfant, le sortir de l’orphelinat dans lequel il croupit pour lui offrir une chance d’avoir une vie meilleure. Oh, Philippe est conscient que la perfection n’est pas de ce monde et que rien ne garantit qu’ils auraient été des parents idéaux mais ils auraient fait du mieux qu’ils peuvent. Un enfant a été privé de la chance de démarrer sa vie ailleurs que dans un orphelinat, un couple a été privé d’un enfant à qui il aurait donné le meilleur d’eux pour tenter de le rendre heureux. 3 malheureux et tout ça pour quoi ? Parce qu’on n’a même pas le courage de se dire qu’un homme, qu’il soit célibataire ou en couple avec un autre homme, peut faire un bon père. Pas même un père
tout court.

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Ca m’écoeure. Déjà, je ne supporte plus l’argument “non mais un enfant, ça a besoin d’un père et d’une mère”. Alors quoi, on fusille toutes les femmes enceintes qui n’ont pas de père à leurs côtés ? Dès qu’un enfant perd l’un de ses parents, on l’arrache à celui restant pour le foutre dans un camp en attendant qu’une famille avec un papa et une maman le prenne en charge ? Les enfants ont besoin de référents masculins et féminins pour bien grandir. Après tout, admettons que ce soit vrai, pourquoi pas ? Je ne sais pas vous mais dans mon enfance, j’ai eu certes un papa et une maman mais j’ai eu aussi des taties, des tontons, un papy et des mamies, j’ai même eu un babysitter mâle (c’est pas si courant). Autour de moi des petits garçons et des petites filles. Je n’ai pas manqué de référents sexués, mon papa n’était pas le seul homme autour de moi. Et malgré une famille type, j’étais un vrai petit mec à jouer aux petites voitures, au soldat, à être la chef de gang au CE2 (groupe où il n’y avait que des garçons et c’est moi qui avait la place du milieu au fond du bus), à avoir les cheveux courts et jamais de jupe. D’après ce que j’ai lu sur certaines études genrées sur les comportements enfantins, j’aurais dû devenir lesbienne (ce qui démontre la connerie de ces études). Et bien non, jusqu’à présent, je suis hétéro. Et on ne peut pas dire que ma famille ait été très en phase avec le modèle type papa-maman si on considère que mon père ne bricole absolument pas, qu’il cuisine et nous préparait les repas le soir quand ma maman travaillait et que l’autorité, ça a toujours été ma maman. Côté patriarche autoritaire, mon père a été complètement à côté de la plaque. Et après ? Et après rien. Si le modèle familial avait un quelconque impact sur nos choix amoureux, faudra m’expliquer pourquoi ma soeur et moi sommes autant aux antipodes sur la question. Et si un couple gay adopte un enfant qui devient à son tour gay
(déjà on ne sait toujours pas si les préférences sont de l’ordre de l’inné ou de l’acquis et je souhaite sincèrement qu’on ne le découvre jamais), où est le problème ?

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Pour rappel, être homosexuel n’est pas un crime. Etre homosexuel ne signifie pas être incapable d’élever et d’aimer un enfant du mieux que l’on peut. Etre homosexuel ne signifie certainement pas qu’en présence d’un petit garçon, les choses vont finir par déraper. Etre élevé par une famille “différente” n’est pas synonyme de malheur.

Pensez-y.

11 réflexions sur “La formidable hypocrisie du droit à l’adoption

  1. Je suis bien d’accord avec toi, mais mon esprit scientifique chipoteur relève un petit détail. Quand tu dis « D’après ce que j’ai lu sur certaines études genrées sur les comportements enfantins, j’aurais dû devenir lesbienne (ce qui démontre la connerie de ces études) », c’est le même genre de raisonnement foireux utilisé par les blaireaux que tu dénonces. On ne peut pas inférer de conclusion sur le cas général à partir de ton cas particulier, ni dans un sens, ni dans l’autre. Tu n’es malheureusement pas statistiquement significative 🙂

  2. D’accord avec ton article.
    Ce dont un enfant a besoin c’est d’être aimé et qu’on lui apprenne à être qui il doit être. Après, que ce soit un homme, une femme… qui le lui montre… A partir du moment où il aura, comme tu dis, dans son entourage proche, des personnes des deux sexes, c’est ça le plus important.

  3. C’est vrai que ce système est abject ! Il serait temps que de vrais droits soient ouverts aux homosexuels. S’ils se battent autant pour apporter de l’amour à un enfant, qui peut douter encore de leur aptitude à être de bons parents.

    Tant d’enfants « accidents » naissent chez des parents (héréro) indignes !

  4. Tu prêche à une convaincue ! Mon père a eu trois enfants: Ma soeur hétéro célibataire, mon frère homo en couple et moi hétéro en couple. Le seul de nous trois qui désire des enfants est mon frère mais heureusement pour lui le mariage et l’adoption gay sont légaux au Canada !

  5. Ah oui oui oui !!! Et désolée gwouigwoui, mais ces études sont tirées par les cheveux. Notre sexualité n’est pas définie par notre référentiel éducatif. Sinon les homos n’existeraient pas… Vu qu’avant ça n’existait pas (au grand jour).
    Personnellement, j’ai jamais eu de père, à mes six ans j’ai été séparée de ma mere alcoolique et droguee. Donc j’ai eu des tas d’éducateurs, mais je me sentais mal en famille d’accueil. Le stéréotype du couple censé être parfait. Trois familles, aucun dialogue. Je n’ai pas manqué de douceur et de sollicitude de la part de mes educs, je suis très heureuse. Mais c’est la preuve qu’on peut se construire seul harmonieusement. Et nous sommes des centaines.
    Alors, si c’est juste un père ou même deux, quelle difference ? Qu’est-ce qu’ils attendent ?

  6. Tout comme Fanny, je suis pour la totale 😉

    Ton histoire me paraît dingue. Il doit bien y avoir des couples homo qui ont réussi à adopter en France, non? Ou alors que des couples de femme…
    pfiou

  7. Je suis plutôt d’accord avec toi, même si je ne permettrais pas d’émettre un avis définitif sur ce sujet que je ne connais pas assez.
    Ce qui m’horripile, c’est qu’on interdit à un vrai couple sérieux, construit et prêt, alors que ça parait normal de laisser une gamine de 15 ans devenir mère… Les contradictions injustes font malheureusement légion dans notre société…

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