Cuisiner n’est pas anti féministe

Episode 2 de “je suis féministe cette semaine”.

Mardi, j’ai lu un article fascinant (ahem) sur une demoiselle se définissant anti féministe parce qu’elle aime bien faire la cuisine, qu’elle veut devenir femme au foyer et que si son mec lui dit de la fermer, elle le fait. Passons sur le dernier point qui est inintéressant en soi (l’article est assez maladroit dans sa rédaction donc je ne suis pas sûre qu’il faille le lire au sens premier du terme, il aurait plutôt fallu comprendre « j’insiste pas bêtement pour avoir le dernier mot ») pour revenir sur les deux premiers points.

Une femme féministe doit donc fuir à tout prix une cuisine et avoir une carrière. Je suppose qu’elle est priée de ne pas faire de ménage ou tout ce qui pourrait s’apparenter à un attribut féminin supposé. Je me souviens d’un cours de sociologie des femmes quand j’étais à la fac, une fille s’exprimait avec véhémence sur le fait qu’elle refusait absolument de faire le repassage ou cuisiner pour son mec en signe de non soumission et de rejet du rôle traditionnel de la femme. Je crois que c’est ce jour là que j’ai développé une certaine méfiance, si ce n’est une aversion, pour le féminisme. Puis j’ai découvert que le féminisme n’est pas forcément synonyme d’hystérie.

Pour ma part, si on s’en réfère à mes petites activités, je suppose que dans le monde blanc et noir de ces demoiselles, je suis une anti-féministe. J’aime cuisiner (quand j’en ai le temps), je tricote, je compte me mettre à la couture. Je chante aussi, telle une jeune fille du XIXe siècle prête à courtiser. En fait, depuis quelques temps, j’acquiers des compétences qui font (presque) de moi une fille bonne à marier. Me reste mon bordélisme ambiant et mon relatif désintérêt pour la déco intérieure sinon je ne serais qu’un cliché ambulant. Pourtant, si je fais toutes ces choses ce n’est que pour une seule et même personne : moi. J’aime bien cuisiner (surtout quand je réussis mon plat), tricoter et chanter me détendent. Et j’aimerais être ordonnée et avoir du goût en matière de décoration, vraiment. Me conforme-je à un idéal féminin suranné ? Non. Ma récente passion pour le textile et la laine est plus associé à une envie de me créer des petits vêtements. Ahah, je suis soumise aux diktats de la société machiste qui impose aux femmes d’être toujours coquettes et apprêtées ! Oui ou alors on peut aussi dire que j’aime les jolies choses et que j’aime m’en parer. Et que si c’est moi qui les fabrique (si j’y arrive, hein), on peut dire que je ne suis pas des masses victime de la mode puisque ma mode, je la crée moi même.

En fait, j’ai parfois l’impression qu’on ne sait pas ce qu’est le féminisme quand on en parle. Le féminisme ne t’interdit pas d’entrer dans une cuisine préparer un plat pour ton mec, le féminisme n’est pas l’antonyme de fer à repasser et si tu préfères rester chez toi plutôt que de travailler, c’est ton choix. Après tout, certaines sont faites pour s’épanouir dans leur vie privée, d’autres dans leur carrière, on a aussi le droit de choisir. En fait, une fois de plus, on nage en plein clichés. La femme soumise cuisine, coud et élève les gosses, la femme libérée travaille, achète des fringues tous les deux matins et a une nounou pour sa progéniture. Il paraît inenvisageable qu’une femme au foyer puisse être féministe. Et pourtant, qu’est-ce qui l’en empêche ? Le fait qu’elle ne gagne pas d’argent la rendrait forcément perméable aux questions d’égalité des salaires ? A l’égalité des droits en général ? Je sais bien qu’on vit dans une société très égocentrée qui ne se mobilise que pour des problèmes la touchant directement. J’exagère peut-être légèrement mais si on pouvait avoir la même colère et la même indignation face à la paupérisation de la société, au chômage ou, tiens, à l’inégalité homme-femme que ce qu’on a vu lors de la fermeture de Megaupload, peut-être qu’on avancerait un peu plus. Mais non, mater des séries gratuitement, c’est plus important que tout. J’y reviendrai tiens.

Bref, l’égalité homme-femme, c’est avant tout le droit pour chacun de choisir, de pratiquer des activités par goût et non par obligation, choisir sa carrière (ou l’absence de…) parce que c’est ce qui nous convient et pas parce que c’est la société qui nous l’impose. Et n’oublions pas l’existence d’hommes aux foyer, ce n’est pas une exclusivité féminine.

5 réflexions sur “Cuisiner n’est pas anti féministe

  1. je suis entierement d’accord avec toi, bel article, ce qui est important c’est de choisir sa vie en fonction de ce qu’on aime faire, moi j’adore cuisiner, et c’ets un plaisir pour moi de cuisiner pour ma famille et je ne vois pas ce qu’il y a de soumis la dedans. Souvent je trouve que les feministes se trompent de combat

    1. Les vraies féministes (enfin les collectifs) ne se penchent pas vraiment sur ce type de questions même si le partage des tâches ménagères est évoqué. Perso, si je m’installais un jour en couple, je suis volontaire pour la cuisine et la vaisselle. Par contre, le ménage et le repassage, là, ça m’emmerde. Mais la fille qui refuse de repasser par féminisme, c’est ridicule, ça nuit au débat, je crois. Le vrai combat, c’est permettre à un individu de faire des choses par goût et non en fonction de son genre

  2. Moi aussi on me dit souvent que je suis « bonne à marier » : je tricote, j’ai bien cuisiner, et même repasser tant que c’est pas trop souvent ^_^. Si j’épouse quelqu’un qui gagne suffisamment pour me permettre de passer ma vie à la maison, à m’occuper de l’éducation des enfants-que-je-n’ai-pas-encore, ça serait extra.

    Et je précise que je suis un mec (tout ce qu’il y a de plus « mec » : muscu, jeux-vidéos…). Du coup ça fait de moi un anti-féministe ??? Ou l’inverse, vu que je suis un mec ??? Pas évident de trancher…

    Tout ça pour dire que je suis d’accord avec ta conclusion : ces activités plaisent à des personnes des 2 genres, probablement dans des proportions équivalentes. Refuser de s’y adonner alors qu’on en a la possibilité et l’envie, c’est colporter l’idée que ce genre d’activités est réservée à un sexe. Et c’est autant valable pour les hommes que pour les femmes.

    1. Oh mais t’as pas idée de pas rentrer dans les cases toi aussi 😉 Parce que si on considère que tu fais de toi même des activités réputées féminines (donc à leur place ?), tu dois être ultra féministe. Mmmm, c’est pas clair cette histoire ! :p

      Comme tu dis, je pense que promouvoir l’égalité des sexes devant toute activité est plutôt quelque chose de sain. Après tout, les hommes ont le droit d’aimer le tricot et les femmes les jeux vidéos, par exemple 😉

  3. D’après moi, le véritable problème, c’est celui des étiquettes qu’on pose non seulement sur les gens, mais aussi et surtout sur les « activités ».
    Nous sommes tous conditionnés parait-il…

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