Les bienfaits du silence admiratif

En décembre, j’ai eu la chance de récupérer deux entrées pour l’expo Monet, celle hyper blindée, événement culturel incontournable pour tout Parisien qui se respecte. Enfin pour ceux qui ont pris leur place en avance ce qui n’était pas mon cas. Ni un ni deux, je prends la stagiaire Ashley sous le bras et nous voici parties faire la queue au Grand Palais.

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30 mn dans le froid plus tard (j’ai dit décembre, c’était à la sortie du boulot), nous voici enfin dans ce temple de la culture. Je suis toute frétillante d’impatience, j’ai toujours eu une affection particulière pour les impressionnistes. En fait, je les ai découverts quand j’avais 9 ou 10 ans, je crois, en CM1. Je suis incapable de dire comment ça m’est venu mais je me souviens que mon père m’avait offert un lourd ouvrage sur les impressionnistes. J’avais alors été choquée de voir qu’ils peignaient tous des femmes toutes nues, même Renoir mon préféré. Evidemment, ce coup de foudre artistique était purement esthétique, je trouvais ça beau toutes ces couleurs. Je me souviens également de mon premier voyage à Paris en 91 (à 11 ans donc) où nous sommes allés visiter le musée d’Orsay. Mon musée préféré encore aujourd’hui. J’avais fait des milliers de photos de chaque tableau (sans flash), les trois quarts des clichés étaient à jeter. Bien, ceci étant posé, vous imaginez donc à quel point je suis ravie de visiter l’expo.

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L’expo en elle-même est top, les explications visibles, bien intégrées à l’espace et écrites suffisamment gros pour que je puisse les lire. Mais si j’étais critique d’art et de scénographie, ça se saurait. Non moi, je suis une râleuse un poil cynique qui adore observer les gens puisqu’ils se sentent obligés d’investir mon espace vital. Mon espace vital est très étendu, certes. Et à cette exposition, j’ai entendu quelques perles qui m’ont contraintes à regarder dans les coins s’il n’y avait pas de caméra cachée. Cette expo était quand même un repaire pour de nombreux m’as-tu-vu. Monet ? Au fond, ils s’en foutent mais faut l’avoir vu cette expo, c’est géniâââââl tu comprends. Certains étaient venus avec leurs enfants, des tout petits assez vite saoulés, ce que je peux comprendre car l’expo prend plus d’une heure et quand on est petits, c’est vraiment très long. Il y avait également ceux qui faisaient l’expo au pas de charge, mes chouchous car moins ils restent devant un tableau, mieux je peux le voir. Y a ceux qui râlent parce qu’il y a du monde, ceux qui n’écoutent pas la conférencière. Mais surtout, surtout, il y a ceux qui commentent. Et là, ça fait mal.

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Première fulgurance entendue : un jeune homme d’une vingtaine d’années explique à sa compagne de visite que Monet, n’ayant pas de descendance à sa mort, ses œuvres avaient été léguées à un musée à condition qu’elles soient exposées. Bon, c’est un peu faux, un de ses fils est mort bien après lui mais ses enfants à lui n’ont pas eu de descendance par contre.
Bref, le mec raconte ça, silence de sa camarade qui digère l’information avant de sortir un définitif : « Comme ça doit coûter cher ces tableaux ! ». Oh la d’accord.

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Salle suivante, je me retrouve derrière un couple quinqua-sexagénaire que je devine en parade prénuptiale. L’homme explique des choses à la femme sur le coup de pinceau de Monet  ou sur sa période honfleuraise, je ne me souviens plus. Donc l’homme, sans doute pour impressionner sa compagne étale sa culture. La dame absorbe, silence, puis elle ouvre
la bouche : « il avait quand même une sacrée barbe Monet ! ». Oh mon Dieu. Et je vous passerai tous les « oh, c’est joli » qui ont fusé. Je suppose qu’il faut se féliciter de la démocratisation de l’art et oui, je trouve ça très bien. Mais un tableau n’est pas joli ou moche… C’est pas une carte postale… Même s’il peut le devenir, c’est vrai. 

3 réflexions sur “Les bienfaits du silence admiratif

  1. « Ce que j’adore à orsay, c’est être sous le toit là haut et embrasser toute la salle » (combien de fois l’ai je dit ça)
    Je te suis complètement ma Nina. Mes parents ont fait l’éducation de leurs 3 chérubins à gd renfort de visites, au Louvres, à Orsay, au gd palais,etc ; à gd renfort de « vous devriez êtres contents qu’on vous emmène voir tout ça » et de snobisme post visite « oh Marie-christine, j’ai emmené les enfants voar Monet à Orsay, c’était magiiiiiiiique »… Mais vouloir affiner notre sensibilité, vouloir nous voir donner une faculté de juger en toute libeté et sans complaisance, ça c’est mort…

  2. Ah mais allez au musée rien que pour écouter les gens en parler, c’est une activité à plein temps! J’avoue y succomber, même quand je découvre une expo. Exemple : Kandinsky à Beaubourg y’a deux trois ans. Ma mère et moi avons pris un plaisir malsain a suivre de près deux petites madames qui ne comprenais rien à l’abstraction. Qu’est ce qu’on a rit!!
    Je me suis retenue de leur déclamer le cours que mon super prof polonais nous avait fait, avec son accent tellement… Polonais!

    Sinon, je remarque tu toi aussi, tu as attendu le dernier moment pour te bouffer cette magnifique expo Monet! La prochaine fois, on y va ensemble et dès les premiers jours! Non mais!
    (19e siècle mon amour)

  3. « Mais un tableau n’est pas joli ou moche…  » : j’avoue ne pas être d’accord avec cette phrase. perso si on ne m’explique pas les oeuvres, leur contexte tout ça, ce que je ressens est purement esthétique. Et comme souvent il n’y a pas d’explications et bien c’est purement esthétique.
    Un peu comme la musique, moi les gens qui me parle de mélodie toussa, de la musicalité…j’ai pas du tout l’oreille musicienne, moi je veux juste que la musique me plaise, parce que le rythme me plait, car les paroles me touchent, car j’aime la voix du chanteur…mais ce ne sont pas des critères « techniques », ce sont juste des ressentis…

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