La critique est facile, l’art difficile

Ouvrez un magazine de type généraliste (genre pas la Gazette des Pêcheurs de Loir et Cher). Vous allez remarquer qu’il y a une rubrique incontournable. Non, pas l’horoscope mais
l’autre : la critique. Critique musicale, littéraire et /ou surtout critique cinéma. C’est un exercice particulier pour le journaliste, limite un art pour certains, un truc de frustré pour
d’autres. Combien de fois accuse-t-on les critiques d’être périmés, aigris, de se venger de ne pas avoir réussi à publier un livre, à être des ratés… Ca se discute.

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J’adore les critiques de type destructives, soyons honnêtes. Guy Carlier me fait  vraiment marrer dans ses chroniques radios (à la télé, pas du tout, par contre, les blagues les plus courtes sont les meilleures), son talent de tailleur de costard même si, des fois, il est un peu trop mordant, limite roquet. J’avoue que, moi même, je trouve plus facile d’écrire un article destructif sur une émission que j’aime pas plutôt que de me montrer dithyrambique. Parce que c’est plus marrant de mettre en lumière les vices, les erreurs, les manquements que de s’extasier sur ce que l’on aime. En plus, tordue comme je suis, quand je me montre élogieuse ou que je lis une bonne critique, je trouve ça too much genre « il a été payé pour dire ça ». Genre y a des gens qu’on n’a pas le droit d’attaquer donc ils pourraient nous faire avaler de la merde qu’on trouverait ça encore très raffiné et so subversive.

Recentrons nous sur les critiques ciné, mes préférées. Il n’y a pas à dire, on entre dans un nouvel univers qui, quelque part, me fascine. J’en parlais y a quelques temps avec un
pote Harry, il m’expliquait qu’il était allé voir Boulevard de la mort sans avoir lu les critiques et il le regrettait pas car ça aurait gâché son plaisir. Il est vrai que les critiques sans avoir vu le film n’ont pas la moindre saveur et beaucoup me dégoûtent de films qui me tentaient (peut-être) au départ. Je sens que je vais m’incruster un max aux avant-premières. Par exemple, j’ai lu la critique de Voici (ouais ok, référence naze, honte à moi) sur Black Snake Moan, une des photos illustrant l’article était l’une des dernières images du film, voire la dernière. Mouais, merci de me gâcher le truc, quand même. Parce que les critiques, elles aiment bien dire « la fin est totalement ratée mais je ne vous en dis pas plus ». Ouais ben, là, je sens que je vais économiser 9.90 euros. Mais revenons à nos critiques cinés, les vrais, les bobos. Du genre Elisabeth Quin ou ceux de Technik’art, ceux que je kiffe. Parce que je les comprends pas toujours.


Par exemple, Mademoiselle Quin a une marque de fabrique : les mots de plus de 3 syllabes. Nous pourrions saluer l’effort de la dame de faire vivre ainsi la langue française sauf que du coup, on comprend pas bien ce qu’elle veut dire. Et j’avoue que j’aime bien voir quelqu’un s’indigner de la lourdeur d’un film dans une phrase de 4 km de long. Autre style, plus courant, le style « Technikart », « Première » et co à base de « nous ne nous adressons qu’à un public éclairé, on va donc vous en mettre plein la vue avec nos terme anglophones ».
Exemple dans le Technikart du mois de juin : « La valeur « slapstick » de Johnny Depp cimente le triomphe surprise de Pirates des Caraïbes ». J’avoue que je ne sais pas
ce que veut dire slapstick, est-ce un synonyme de « méga star » ou « bankable » (oui, là, je le connais, celui là). Autre exemple que j’aime bien : « Il fait le lien entre Leone et le « Blueberry » de Kounen, via sa connexion Moebius et sa connaissance des champignons hallucinogènes. Il représente la passerelle entre le Buñuel espagnol et le Buñuel
français, via le Buñuel mexicain. Il incarne le pont suspendu entre le surréalisme sous acide des 60’s et la connerie sous vinasse des Grolandais » . Sous entendu : j’ai beaucoup
de place pour ne rien dire alors je vais broder. Ou alors lui aussi s’y connaît en champi hallucinogènes.

Pourtant, la critique, c’est rigolo, surtout quand c’est bien vu et bien tourné. Comme par exemple la jubilante critique ici. Mais bon, je me demande toujours comment elle est
reçue par les premiers concernés. Bon, je me doute que les auteurs de films étrangers, surtout de type blockbusters ne prennent pas forcément la peine de lire ce qu’on écrit sur eux à l’étranger. Mais les autres ? Un film (ou un disque, un livre), c’est un gros travail, un investissement personnel, de temps, d’argent. On y croit, forcément, c’est notre projet. Alors lire un scribouillard descendre notre film, on n’est pas forcément obligé d’apprécier. Bien sûr, à partir du moment où on expose son travail, on doit se préparer à ça. Déjà qu’ici, alors que j’expose juste des points de vue, je me fais parfois tailler, j’imagine même pas ce que ça doit être quand on est artiste et qu’on se décide à montrer ce que l’on sait faire. Bien sûr qu’il faut savoir accepter les critiques et qu’elles peuvent même être utiles. Mais tout dépend lesquelles. Si le critique n’a de plaisir qu’à descendre ce qu’il voit avec une pointe de méchanceté, ça ne sert à rien.

Enfin, toujours est-il que ce que j’aime dans les critiques, c’est leur langage à part que j’essaie de replacer quand la situation le permet, histoire de faire ma bobo qui se la pète, mouarfffff ! Et puis comme je suis une grande fille, je m’arrête pas à l’avis des autres et si je veux vraiment voir un film (ou lire un livre…), je le fais. So subversive.

10 réflexions sur “La critique est facile, l’art difficile

  1. ta citation c’est ce qui est dit du jeu de johnny depp dans pirates…?
    effectivement, y a énormément ce côté pédant (en apparence voire assumé), mais ça tient à 2 choses (enfin une plutôt) : les mecs qui font les critiques de film le font à leur initiative, librement, et, surtout dans des mags de cinéma ou de culture, c’est souvent, soit des techniciens du cinéma qui en ont reçu une formation (genre monteur, etc) soit des cinéphiles qui ont vu booooocoup de films. et c’est vrai que dans ces cas là, on a tendance à raccrocher à un truc qu’on à déjà vu, soit parce que c’est un repère, soit parce qu’il y a plagiat évident, soit hommage, plutôt. les films de tarantino par exemple sont des gros films de cinéphiles (de série b, certes mais y a des références en permanence). de même, pour remonter plus loin dans le temps, un truc comme le western spaghetti, t’es à fond dedans d’autant plus si tu gères ton john wayne parce que tu ressens d’autant plus le décalage.
    bref, ça tient à ça, je dirais. ensuite, le pédantisme ou la destruction systématique de films dans les critiques (suis mon regard), je trouve pas ça super intelligent comme posture non plus. en effet, pour moi, le but d’une critique, c’est de te A/donner l’avis de qqn qui aurait une forme de légitimité d’expert ou de connaisseur (donc aurait des choses à apporter pour réfléchir sur le film en question), B/donner des jalons, permettre de pousser sa propre réflexion plus loin, C/instaurer un outil de dialogue.
    voilà. moi j’en ai presque honte, mais j’adore les cahiers du cinéma. je suis fan des cahiers, même. en revanche, première ne se la joue pas du tout, au contraire c’est dans la veine des magasines cinoches tous publics.

  2. as tu ecoute guy carlier sur france inter maintenant? Je t’avais dt qu’il etait bien! 😉

    sinon en vrai ca veut dre quoi alors « slapstick » ?

    Perso je lis tres peu les critiques je regarde les bandes annoces ca m suffit a faire ma propre critique! 😉 (ce qui n’a rien a voir avec de l’auto-critique mais le sujet n’est pas la!)

  3. Bon, je vais faire mon malin avec slapstick, mais je crois que ça fait référence aux gags visuels du cinéma type Laurel et Hardy, où ils se mettent des coups de latte, ou se poussent dans les escaliers, des trucs comme ça.

    Pour Première, il tape effectivement plutôt dans le grand public, comme canard largement distribué, y’a les cahiers et positif qui font dans le cinéphile. Et Brazil, aussi, c’est le seul magazine où les critiques m’ont vraiment donné envie d’aller voir des films : ça ne tombe pas dans l’étalage de références imbitables, les critiques sont drôles, le style est vif, ils aiment autant un bon vieux film de genre plein de zombies qu’un obscur film ouzbek. Et puis un magazine qui est parrainé par Terry Gilliam et qui s’appelle Brazil, ça ne peut qu’être formidable. Brazil est grand ! Lisez Brazil !

  4. JeJ’ai arrêté de prendre les critiques ciné pour des opinions utilisables à 100% dans les années 80.

    Mais bon, il faut aussi que j’assume le fait de suivre un blog qui n’est pas exactement dans ma tranche d’âge.

    J’utilise maintenant les critiques ciné (et autres) comme une opinion d’expert à mettre en résonnance avec ma propre sensibilité et ma petite culture du sujet.

    Il va de soi que je sélectionne mes chroniqueurs/critiques. par exemple, je me régale toujours des interventions de la môme Quin sur Paris Première. Elle prend toujours une mine gourmande quand elle profère des horreurs, c’est à se damner.

    En revanche, certains critiques ont des comportements d’ayatollahs (de mémoire, chez Positif, aux Cahiers aussi) qui sentent encore le militantisme post 68, où la culture se devait d’avoir un sens et un engagement politique.

    Ces joyeux drilles nous ont tout de même fait voir de belles merdes.

    Autrement, et toujours de mémoirele slapstick est un genre de comédie issue du burlesque américain, composée de nombreuses scènes sans nécessairement de rapport avec une narration très cadrée. J’ai en tête « Hellzapoppin » qui me sert de réservoir à fou rire quand tout ne va pas au mieux.

    Mon petit doigt me dit aussi que tu es une fausse naïve sur le sujet, impliquée que tu es dans des projets cinématographiques …

  5. Le slapstick (de l’anglais slap stick, un instrument de musique sur le principe d’un fouet) est un genre d’humour impliquant une grande part de violence physique. C’est un gag en 3 temps : exposition, développement et chute.
    Ce style est dérivé de la commedia dell’arte. C’est aussi l’une des caractéristique du cinéma burlesque américain(1912-1940)
    C’est la définition que donne saint Wikipédia. Moi, j’utilise plutôt ce terme pour une mise en scène et une construction scénaristique que pour un jeu d’acteur.

  6. Pour les mots bizarres je pense que comme les gens s’ennuient ils se donnent des challenge entre eux à la machine à café. Donc ils mettent des mots tout pourris pour interpeller le lecteur et faire marrer les copains.

  7. Autant les crtiques ciné sont compréhensibles pour la plupart, autant les critiques musicales restent un mystère pou moi. C’est limite s’il ne faut pas relire 3 fois la critique pour comprendre le genre musical de l’album… Difficile de mettre des mots sur ce qu’on ressent devant une zic’.

  8. Je joue les critiques ciné depuis quelques mois, et j’avoue c’est pas toujours facile. Non seulement c’est un exercice particulier, mais comme tu as pu le laisser sous entendre, à force de rencontrer des réalisateurs, acteurs… y a des fois où tu n’as pas envie de casser une personne alors que son film est raté. Perso, je pars du principe qu’un film c’est un énorme travail, que le mec a passer beaucoup de temps dessus, et du coup même si je n’aime pas, je le dis mais sans être méchante gratuitement. J’évite de casser pour le plaisir. Sauf si le mec est vraiment imbuvable (ce qui arrive). Je fais mes critiques pour la radio, et c’est encore différent de la presse. Là tu ne peux pas te permettre de faire des phrases de 15km, avec des expressions incompréhensibles. Je pense que c’est plus abordable pour tous les publics et le ton est plus léger, même si j’argumente sur des points techniques, cinéphiles…
    Après je ne fais que donner une opinion, en général j’explique bien que c’est mon point de vue et que je n’ai pas la science infuse. Je crois que c’est comme ca qu’il faut le prendre.

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