Dies irae

Par Lucas
C’était il y a quelques années, à Paris X Nanterre. J’étais alors étudiant en Droit et chaque matin je garais la Lucasmobile devant le bâtiment F. S’en suivait alors un petit rituel, nonchalant. J’attendais mon ami Walter et nous allions nous chercher un p’tit café avant de nous poser sur les marches, devant le hall. Walter s’installait à ma gauche pour rouler sa clope avant que le vent me balance toutes les volutes de fumée dans la tête. A vrai dire, je ne m’en plaignais pas : j’adorais ce mélange matinal ; ces odeurs de café, de poussière et d’Amsterdamer. Pour rien au monde je n’aurais changé de place.
 

Mais un matin, Walter n’est pas venu et j’ai donc pris mon café à l’intérieur, en solo, à la cafète. Normalement, je n’aurais jamais dû me trouver là.

 

A une table mitoyenne, il y avait une chargée de TD que je connaissais de vue. Une femme discrète, un brin timide, presque transparente : de celle qu’on croise dans les couloirs sans trop prêter attention. Pour autant, la rumeur disait d’elle qu’elle était très bien comme prof. La rumeur… A cet instant précis c’est tout ce que je savais d’elle.

 
Et puis Monsieur Donadini est arrivé.
Furieux.
Dès le matin.

Monsieur le Professeur Donadini, un homme connu pour ses coups de sang et son orgueil. Maître de conférence, responsable d’un DEA, d’un département de recherche et, donc, accessoirement, des thesardes chargées de TD égarées à la cafete le matin.

 
La scène a duré moins d’une minute.
 

Violent, âpre, véhément, Donadini a commencé à s’acharner sur la demoiselle en accumulant les reproches. En un rien de temps, tout le monde les regardait. La jeune femme était bouleversée, elle ne savait plus où se mettre, ni comment arrêter le feu roulant. Cherchant une échappatoire, ses yeux ne tombaient que sur des étudiants. Voire même ses étudiants, qui baissaient les yeux en croisant son regard. Debout dans la tempête, face à Donadini, elle restait seule.

Elle avait honte.
 
Et moi j’ai continué à touiller mon café.
Au lieu d’aller voir Donadini et lui dire
 

Monsieur, votre comportement est inacceptable! Mademoiselle Salengro est peut-être fautive, mais à vrai dire je ne suis pas là pour en juger. Et tous les gens autour de vous non plus. Par contre, ce qui est ignoble, c’est que vous vous permettiez de l’humilier en public, de la dégrader devant tout le monde au lieu de faire ça en privé. Votre attitude est odieuse, détestable, abjecte. Je ne vous salue pas, Monsieur.

 
Mais je n’ai rien dit.
Lâchement, je suis resté à ma place.
Et j’avais honte.

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