Coup de foudre

Par Julien
« Pour replacer cette histoire dans son contexte, celle-ci se déroulait lorsque j’entamais ma deuxième année à la faculté. L’ambiance était particulièrement bon enfant, et les soirées fréquentes. Avec un cercle d’amis assez vaste, issus de différentes promotions, nous organisions régulièrement, ces évènements qu’étaient les soirées étudiantes. Il nous arrivait souvent de nous associer aux boites de nuit ou aux cafés pour les évènement les plus communs, mais parfois, pour les soirées d’exceptions, nous louions une énorme salle. Nous faisions alors le voyage dans un pays frontalier pour aller acheter bière, vodka, et autres alcools en quantité, afin de pouvoir réhydrater la moitié du campus qui venait invariablement à chacun de ces évènements.
Si je parle de ces préparatifs, c’est parce que je remplissais souvent le rôle de gardien du temple à ces soirées … enfin par gardien du temple, je veux dire gardien du bar, barman, ce qui vous pouvez me croire était une charge tout aussi sacrée et importante.
J’avais un goût et un certain talent pour la fabrication de cocktails, je gardais la caisse avec le sérieux d’un mastiff gardant son os, et le plus souvent par la parole j’arrivais à désamorcer les conflits avant qu’ils n’éclatent réellement. J’aimais vraiment cette fonction … en plus, tous mes lecteurs le sauront, le bar est un endroit stratégique dans une soirée. C’est l’un des endroits les plus calmes (pour pouvoir entendre les commandes), tout le monde y passe, et généralement on a une vue imprenable sur toute la salle.
Mais ces précisions données, revenons en à notre histoire … Avec les membres de notre petite « congrégation » puisque c’est comme ça que nous appelions notre bande, nous avions organisé une de ces gigantesques soirées, afin de fêter la fin des partiels du premier semestre de la Faculté de Droit. Dans l’après midi précédent cette soirée, l’un de mes amis, qui sans être un proche était quelqu’un que je fréquentais assez régulièrement dans le cadre de l’organisation de ces évènements, François, s’approche alors de moi.Ce faisant, il précède de peu une magnifique jeune fille … involontairement, mon regard s’attarde un peu sur cette dernière, une petite brune, des yeux verts très clairs, semblables à des émeraudes, un visage et un sourire d’ange … une jeune fille un peu petite certes, mais avec des courbes à damner un saint.

Naturellement, ma réaction ne passa guère inaperçue, se « taper un fixe » d’une dizaine de secondes alors même que l’on vous est en train de vous parler est loin d’être une relation que l’on pourrait qualifier de discrète.

Néanmoins, une fois le trouble passé, François me présente sa sœur Gwen, et après quelques derniers détails sur l’organisation de la soirée, il me glisse à l’oreille d’un air amusé, alors qu’ils s’apprêtaient à repartir : « Jules, espèce de crevard, c’est ma sister, si t’y touches, t’es mort ».

Avec un sourire de circonstances et la franchise d’un arracheur de dents, je lui assure que l’idée ne m’a même jamais traversée l’esprit, qu’il n’a absolument aucun souci à se faire, et que je suis même prêt à la considérer comme ma propre sœur. Mes déclarations sont accueillies par un sourire un peu sceptique, mais finalement, nous nous séparons, chacun allant faire de son coté les derniers préparatifs et les ultimes achats.

Arrive finalement, le début de soirée. François et moi nous rejoignons sur place, et je note l’absence de sa sœur. Il me dit qu’elle arrivera plus tard dans la soirée et me demande de garder un œil sur elle, afin qu’elle ne fasse pas de bêtises et qu’elle ne boive pas trop. Me regardant, il précise d’un ton insistant « Un œil, Jules … j’ai bien dit, un œil, hein ? ». J’acquiesce encore une fois, et je le laisse repartir vers l’entrée alors que je m’installe nonchalamment au bar.

François, petit, mais vif et teigneux, adepte de divers arts martiaux, aux noms aussi exotiques qu’imprononçable, assurait avec deux autres potes le service d’ordre de la soirée. Peu à peu, petit à petit, la salle se remplit, et la pendule avançant la foule autour du bar s’éclaircit. Je remarque alors Gwen, traînant l’air un peu perdue un verre à la main. Je lui fait signe, et malgré son air un peu éméchée, j’accepte suite à son insistance de la resservir, allant même jusqu’à lui offrir le verre.
Oh oui, je sais, chers lecteurs, j’entends déjà vos cris indignés sur mon manque d’éthique, mais je crois que je n’aurais rien pu refuser à cette fille. *petit sourire triste*

Toujours est il qu’au bout de quelques minutes une discussion un peu hésitante s’engage. Mon cœur s’emballe un peu, j’apprends qu’elle est en première année de droit, que c’est la petite sœur de François (ce dernier était en maîtrise), mais que comme c’est la petite dernière de la famille son grand frère est très protecteur à son égard (Sans blague, j’avais cru remarquer). On papote encore un peu, de tout et de rien, échange un chaste baiser, et finalement quand elle me dit qu’elle est crevée et qu’elle aimerait bien faire un petit break, je lui propose de se reposer dans la cuisine inoccupée, située juste derrière le bar.

Dix minutes après, déposant quelques bières gratuites sur le comptoir, je ferme temporairement le bar, histoire de voir comment elle va. On discute encore un peu plus, on s’embrasse, timidement d’abord, et finalement plus férocement, assise sur une des grandes tables en inox de la cuisine, je la serre très fort contre moi … quand soudainement la porte s’ouvre brutalement, François en furie fait irruption dans la pièce (j’apprendrai quelques mois plus tard qu’il était venu récupérer la caisse), allume toutes les lampes et nous éblouissant par la même occasion. Un flot ininterrompu d’injures et de propos sur la confiance trahie sortait de sa bouche. J’essaye de le calmer, en vain, je reçois dans la foulée un violent coup de poing à l’œil droit, me laissant hébété, rapidement suivi de quelques autres. Au bout d’une éternité on nous sépare enfin, et François quitte la pièce en trombe en traînant sa sœur par le bras, me laissant chancelant, abasourdi et relativement choqué !

La soirée, se finit dans une atmosphère glaciale, digne d’un blizzard sibérien. Le lendemain, tous les organisateurs se réunissent pour faire les comptes. Des commentaires sarcastiques accueillent mon œil au beurre noir, et une muraille humaine se forme pour nous isoler François et moi. Bien que tenaillé par une puissante envie de revanche, je cherche néanmoins à m’expliquer calmement avec lui, à obtenir des excuses … Sans succès.

Au cours de la semaine, je réussis finalement à obtenir le numéro de portable de Gwen, par l’amie d’une amie, je l’appelle, et je me fais répondre sèchement pêle-mêle : qu’elle ne veut plus rien avoir à faire avec moi, que son frère lui à parler de moi et qu’elle se demande comment j’ai pu agresser ainsi ce dernier (sic !), pour finalement finir par constater que « je n’était vraiment qu’un salaud » dans un ton qui aurait pu fournir un bel exemple d’hystérie à des étudiants en psychologie. Inutile de préciser qu’à ce moment seulement j’étais non seulement assez dubitatif, mais que j’ai aussi senti mon cœur voler en éclat.

La situation aurait pu en rester là, mais quelques jours après, j’apprenais auprès de certains de mes « amis » que ma participation n’était plus souhaitée pour l’organisation des prochaines soirées. D’ailleurs, en fait, je me retrouvais tout court « persona non grata » à celles-ci.

Cette situation allait durer jusqu’à la rentrée suivante et fut, bien entendu, particulièrement dure à supporter. Je la relate désormais avec le sourire, mais il m’arrive encore quelques fois d’en rire jaune. »

13 réflexions sur “Coup de foudre

  1. bah, n’ai pas de regrets: ta Gwen a assisté à la scene et elle considère que c’est toi qui agresse son frère… et le frangin qui se venge 1°) en t’arrangeant l’oeil et 2°) en t’évinçant de l’organisation des soirées….
    ils sont pas fréquentables…

  2. Ce n’est qu’une piste, mais dans cette histoire de grand frère « protecteur » je sens quelque chose de limite incestueux… qui expliquerait à la fois le côté pervers de sa présentation – il te l’offre en « paquet cadeau » – et l’extrême violence de sa réaction quand il se rend compte que tu es sur le point de déballer le cadeau. Sûr qu’il est venu dans la cuisine pour chercher la caisse, mais vu son obsession de surveiller Gwenn il avait bien pu être averti qu’elle y était avec toi. Le résultat, pour lui, c’est qu’il consolide son pouvoir sur Gwenn après avoir eu soin de te faire passer pour un salaud…
    Si j’ose cette interprétation, c’est parce que j’ai entendu une femme parler de quelque chose de semblable qu’elle avait vécu avec un de ses frères. Sauf que (à l’inverse de Gwenn) elle ne se laissait pas manipuler et dominer. Mais même dans ce cas ça engendre une violence phénoménale…

  3. hihi hi hi hi cela me rapelle ma dernière soirée. si vous vous avez finis vos etudes moi je les commencent!!
    au fait j’aime bien ta façon de dire les choses: mais « alors même que l’on vous est en train de vous parler » ne se dit pas en français. »
    bonne continuation!!!

  4. Moralité, t’aurais du la sauter tant qu’elle était encore bourrée, tu te serais pris un bourre-pifs en sachant pour quoi…
    laisse là entretenir ses relations pathologiques avec son frère et aie toujours le plus grand mépris pour l’opinion que l’on peut avoir de toi…
    a plus

  5. « bel exemple d’hystérie à des étudiants en psychologie » : ce n’est pas forcément eux les plus saints d’esprit. Je cannaisais une étudiante en psy qui passait son temps à analyser toute les personnes de son entourage, elle se rendait même pas compte que s’en devenait un problème et qu’elle même était un peu « déranger ».

    Pas de bol ton histoire, apparamment ton pote prennait son role de grand frère très au sérieux.

    Julien Lem > « quelque chose de limite incestueux » : il n’y a rien d’incestueux, selon moi, c’est juste un grand frère qui ne veut pas que sa petite soeur « tourne mal ».

  6. Et bien .. j’en suis restée scotchée :Š Ca n’a pas du être facile à vivre comme événement, surtout si on en croit des dires, tu n’avais pas vraiment de reproches à te faire.

    Personnellement, ce qui me révolte le plus dans ce genre de situation c’est qu’un conflit entre 2 personnes doivent irrémédiablement se transformer par une prise de camps pour l’un ou l’autre des protagonistes ..

    Le « groupe », « clan » n’a pas à prendre position. (enfin ce n’est réalisable et possible que dans un absolu démocratique, malheureusement 🙂

    J’espère sincèrement que la poursuite de tes études se sont passés plus dans la joie que dans le retrait, voir l’isolement des amusements liés à une bonne intégration au sein de celles ci.

    Je t’embrasse 🙂

  7. « Je t’embrasse 🙂 »

    Désolée, moi et ma manie de faire ami-ami avec tout le monde j’en oublie les bonnes moeurs 😉

    Rectification donc : un baiser chaste et ultra sec pour monsieur 😉

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