Tu m’écoutes ? Non j’t’audite…

Par Lucas

Sujet : Dans une étude argumentée et construite, vous analyserez l’annonce d’emploi  suivante reçue sur la boite mail de votre école de commerce…

 

Titre : Futurs diplômés, rejoignez CSP Plus Plus, l’un des leaders mondiaux du conseil.

 

Un début qui donne le ton : une accroche musclée grâce à un déséquilibre travaillé. Une incantation mise en apposition (« Futurs Diplômés« ) qui nous fait chuter vers l’inconnu en trébuchant sur la virgule. Heureusement, voila la proposition relative « rejoignez CSP Plus Plus » qui nous offre un parachute doré (36K€) et nous fait retomber sur nos pattes. CSP Plus Plus nous offre donc une proposition à forte valeur trouducutoire  ajoutée grâce à un pluriel sibyllin : « leaders mondiaux du conseil« . Il convient de dénoncer cette incohérence odieuse et cette malhonnêteté intellectuelle. Par définition, « le leader » est unique. Il  assurer un leadership donne une direction au travers d’une image
de chef.  En outre, l’incohérence totale saute immediatement aux yeux du passant honnête : comment un jeune diplômé fraichement émoulu de son école et qui n’a que deux trois expériences à son actif, comment donc ce jeune là peut-il être de bon conseil ? Parce qu’il est intelligent ? Parce qu’il a fait Sup de Co Reims et qu’il a donc un niveau intellectuel nécessairement supérieur
à un mec qui a fait Sup de Co Vesoul ?

Dès son introduction, notre interlocuteur se pose donc en faux et démontre à quel point son boulot est insignifiant. « Mais tu comprends l’audit ça fait joli sur un CV alors je pense que je vais postuler quand mê… »

Aujourd’hui, vous le savez, les technologies de l’information se placent au cœur des enjeux stratégiques de l’entreprise, en transformant leurs activités et en accélérant leur développement.

L’auteur commence son propos d’un « Aujourd’hui » introductif afin de nous rappeler qu’il est un homme du présent, de l’action, de l’efficacité. Il recherche notre confiance en flattant notre égo d’un « vous le savez » car si on a fait Reims c’est automatiquement qu’on a une culture économique de ouf gueudin et qu’on sait tout sur tout. Il évoque les sibyllines « technologies de l’information« , un fourre-tout facile qui nous parle mais sans idées précises. C’est là un phénomène recherché, un flou artistique. L’auteur continue son propos pour mieux nous rassurer avec la tendresse du cœur… et les questions « stratégiques« . La stratégie : que voila un sujet passionnant pour le futur cadre, homme de responsabilités. Ainsi remis sur un terrain de confiance, nous pouvons être flatté dans le sens du poil avec les promesses d’un quotidien aussi intense qu’haletant. Ce n’est pas pour rien que l’auteur choisit les mots « activité » et « développement » et surtout les verbes « accélérer » et « transformer« . Enfin de l’action, que diable !

 Les consultants sont donc devenus indispensables. Mais les compétences sont rares et les besoins aujourd’hui bien supérieurs aux ressources disponibles.

Le lien logique avec le paragraphe précédent (« sont donc devenus« ) est aussi sibyllin qu’évanescent. Avec cette phrase qui se veut modestement dithyrambique, l’auteur fait une belle figure de style : une raffarinade. En outre, il tente de déguiser son angoisse. Celle de ne pas réussir à trouver des troupes, des jeunes à envoyer la fleur au fusil et le tableur Excel à la main chez le client. Il évoque des compétences mais ne développe pas dessus. Il reste évasif pour mieux attirer le chaland. Il sait bien que le turn over en audit est très fort du fait de la vacuité du boulot. Saluons donc son effort consistant à rendre son taff attractif en créant un phénomène d’attente.

Les stages de fin d’études chez CSP Plus Plus ? Transformés à 80 % en CDI ! Pour vous former aux métiers du conseil et construire votre avenir, CSP Plus Plus vous propose des stages de fin d’études au cœur des grands projets de nos clients, au sein de nos équipes Conseil & Solutions. A la clé pour 80 % des 200 stagiaires recrutés cette année ? Un CDI !

Avec cette affirmation qui se veut paternaliste, enjouée et qui déguise une jubilation intérieure, le recruteur travaille en cohérence avec ces compagnons DRH d’autres boites. Il cherche à donner une légitimité au stage de fin d’études qui est un concept répugnant. Ce stage n’est en fait rien d’autre qu’une première expérience avec, pour le stagiaire, les mêmes impératifs de réussite, les mêmes pressions pour les rendus, la même expérience glanée. Tout ça pour un salaire ridiculement bas et encore t’as de la chance nous on les paye les stagiaires (ramené au nombre d’heures travaillées, on est en juste au dessus du SMIC malgache). Heureusement qu’on va apprendre plein de trucs et qu’on aura le label « j’ai fait de l’audit » pour compenser. Ouhai
heureusement)

Un Master à Paris Dauphine pour devenir un expert ERP !
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Enfin un point positif dans cet amalgame de suffisance et de non dits scabreux : une formation pour affiner les enseignements de Sup de Co. Pour autant, le propos est ici sibyllin et maquillé à grand renfort d’un vocabulaire à la con (« expert », « consulting »,) et de points d’exclamation hypocrites : toi aussi deviens un expert de l’expertise !

Là encore, on ne le dit pas les choses explicitement…

Le consulting est un art : celui d’observer pour déduire, de regarder pour mieux faire évoluer, d’écouter pour mieux proposer, d’observer la réalité pour la sublimer…
Rendons grâce à cette démarche : c’est bien la seule chose à retenir de cette annonce.

Néanmoins…
Vous connaissez le proverbe « Qui veut la fin veut les moyens« …  

 

Le consulting c’est exactement le contraire et on pourrait en faire une devise pour cette activité. Etant donné qu’avoir un « objectif » c’est ne pas tomber dans la « médiocrité », je me décharge de toute responsabilité quand aux jeux de mots et aux sens qu’on pourrait donner aux mots « fin » et « moyen »…

Consulting : quand le moyen devient une fin…

3 réflexions sur “Tu m’écoutes ? Non j’t’audite…

  1. Eh beh. Juste un truc ou je ne suis pas d’accord avec toi c’est quand tu dis qu’un jeune diplomé ne pourrait pas être de bon conseil en gros parce qu’il n’a pas assez d’expérience. Et là je dis non! Et d’autant plus fort que je me bats vraiment contre cette idée à chaque entretien d’embauche. Je suis désolé mais un jeune diplomé et parfois mieux qualifié qu’un croulant de 2 ans qui ne connais plus rien d’autres que ce qu’on lui donne à faire tous les jours. Alors oui, ca dépend des qualités de développement de « l’ancien » mais je tiens à dire que ça dépend aussi du « jeune diplomé »! Mes stages ont eu l’avantage faute d’être payer de me procurer cette certitude que je peux le faire et ça m’énerve qu’on ne me laisse pas ma chance sous ce prétexte bidon.

  2. Je te rasssure ce genre de courrier CSC l’envoie pas qu’aux etudiants de l’ESC Reims.
    Sinon je pense que tu vais une erreur quand tu dis « on aura le label « j’ai fait de l’audit » pour compenser » car si tu bosses chez CSC tu fait du conseil ou de l’intégration de systeme d’information et non de l’audit qui est la vérification de la comptabilité de l’entreprise.
    A part ça je suis d’accord avec toi en ce qui concerne les stages.

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