Liquidée et lessivée

Par Marine

C’est très con à dire, surtout quand on a 25 ans et qu’on s’assume depuis 5 ans, mais ma maman me manque. Ma banlieue me manque. La vie parisienne me pèse. Tu vois lecteur, je me suis rendue compte l’autre jour que moi aussi j’étais tellement dans un trip sur l’apparence et l’auto représentation que ça me pesait. Je veux dire, je le suis tout le temps, mais en général, j’échappe plus ou moins à la surenchère parisienne (de paris ou d’ailleurs en fait).

J’ai fait les soldes, la semaine dernière. Moi qui ne vais qu’à H&M en général, je m’étais décidée à me fendre de quelques jolis vêtements, dans des boutiques sympas. Seulement voilà. D’une boutique à l’autre, tout, je dis bien tout, était d’un goût parfait. Tout était beige. Blanc. Marron. Gris. Fluide. Vaporeux. Pas un grain de folie. Pour un pull fin à 70 euros (soldé 50%), on trouvait l’équivalent à 20 euros ailleurs. Quel intérêt ? Aigrie, j’te dis. J’étais contente de voir American Apparel. A New York, c’est  des vêtements simples et rigolos, car colorés. Ici, c’est snob. Même TopShop, c’est vendu chez Colette. Chez Colette!!!! c’est absurde autant que crétin. En fait, la mode à Paris, par rapport à celle de New York ou de Londres, c’est incroyablement plus sectaire. On est à la mode suivant la marque. Je me suis acheté un haut très joli. Ah oui, quelle marque? Maje ou Comptoir des Cotonniers? Su-per.

A New York, la mode passe aussi par de jolies marques, certes, mais ce qu’on regarde en premier, c’est le style. On ne s’habille pas en fonction de Elle, mais en fonction d’un style. Les Soldes m’ont déprimée. Alors j’étais furieuse. Je suis rentrée dans ma banlieue. Ma mère m’a offert une veste très jolie (couleur orage), qui me va super bien. Argument maternel « Ca fait très Audrey Hepburn » (je suis une fille normalement constituée, on me vend du Hepburn, je suis extatique). J’étais toute contente. Et puis comme ça, samedi matin, je glandais dans mon lit, j’étais crevée, je
regardais les blogs des fashionistas, type carolinedaily, nizzagirl et autres deedee paris, bref, me disant que c’était marrant de voir des conseils pour des vêtements, pour voir avec quoi s’accorderait ma veste. Et en fait ça m’a limite filé la nausée, c’est tellement malsain tout ça, toute cette perfection stylistique… ça m’a mise mal à l’aise. Et c’est vrai que quand t’es en banlieue middle class, par exemple, t’es hors de ça, t’es à la rue, et t’as facilement l’air d’un paysan, parce que tes courses, tu les fais à Vélizy 2 ou Rosny 2 ou Je-sais-pas-quoi 2 et que c’est glauque et qu’il y a pas de jolie boutique, mais tu trouves ton compte, des fois. Et qu’est-ce que c’est reposant d’être dans une sinistre commune de banlieue des fois. Tu es au calme et chez toi.
Et les moments où je me promenais dans le parc la nuit avec Elo (et Perrine quand elle état pas à l’autre bout du monde), c’était bon. Ceux où on refaisait nos vies si elles avaient été mieux, si on avait eu un appart à Paris, ce dont on avait toujours rêvé, si on partait en vacances n’importe où, si on avait été pétées de thunes, si on n’avait pas eu à se soucier pour nos mères seules, si on avait eu ceci et pas cela… bref. Tout ça, ça me manque. Même l’insatisfaction dans laquelle j’étais. Parce qu’elle était pas lisse. Paris, c’est lisse. C’est déprimant tellement c’est lisse.
Et la façon dont ma mère est pétillante juste parce qu’elle est contente de me voir, ou parce qu’elle est heureuse de m’avoir offert un vêtement, ou un bracelet en plastoc, sans se préoccuper de sa marque ou de son cadrage avec des critères imposés de l’extérieur, bah c’est super. Son appart’ tout propret dans une zone industrielle, avec une moquette blanche dont elle dit depuis qu’elle a emménagé (y a 17 ans) qu’elle va la changer pour du parquet, ça me remplit de joie. Et aller au grand multiplexe d’à côté, bien impersonnel et bien usinique à souhait, y aller avec elle pour voir Persépolis, c’était bien.

Voilà. Moi j’aime bien appeler avec la voix geignarde, et l’entendre prendre une voix un ton plus bas, rassurante et posée, et me dire « qu’est-ce qui va pas mon poussin ».

Et moi, j’aime bien habiter dans mon arrondissement, parce que depuis certaines hauteurs, on peut voir la banlieue. Oui, on voit aussi Notre-Dame, la Tour Saint Jacques et la BNF. Mais au nord, la banlieue, ça me rappelle qu’on n’est pas dans un micromonde de snobisme. C’est joli, en fait, la banlieue.

15 réflexions sur “Liquidée et lessivée

  1. Si tu savais à quel poitn cet article est une bouffée d’oxygèbne… C’est ma lointaine province qui me manque, et à 25 ans, entendre ma mère me dire « Mon bébé, quand ‘est-ce que tu nous rejoins en vacances », c’est archi régressif, mais le moral remonte direct!

  2. Moi aussi la nostalgie me prends des fois… C’est normal, çan fait partit d’un cycle on est bien/on l’est moins !!
    Je vient juste de partir en Chine pour 10 semainnes, et j’ai de quoi être nostalgique, et pourtant pas tant que ça… Ca va, ça vient !

    Il faut faire avec dans tous les cas, mais à l’autre bout de la terre, ma c’est ma Chérie qui me manque le plus !

    Meuh !!

  3. Bon ben moi j’suis pas d’accord. Sur rien.
    Mais après je ne jette pas la pierre. Pour moi Paris c’est ça ma bouffée d’oxygène, je ne trouve pas que la vie y soit lisse. Au contraire, on peut voir de tout, et de rien, s’amuser à peu de frais, inventer une vie à des inconnus dans le métro ou créer un personnage à l’occasion d’une soirée. On peut porter ce que l’on veut sans être jugé par qui que ce soit. Bon, il faut dire aussi que je fais partie des gens qui frolent l’orgasme quand ils ont les moyens de s’acheter une petite robe Maje ou un gilet Comptoir des Cotonniers, mais je ne pense pas être lisse pour autant. On te laisse la chance d’être toi-même si tu ne réponds pas à la pression ambiante. Et pourtant je viens de Province, moi aussi je pourrais avoir une pointe de nostalgie en regardant ma verte campagne. Mais quand je rentre et que les gens du coin me regardent bizarrement parce que je ne suis pas en jean/basket, quand ils me jettent des regards inquisiteurs lorsque j’emploie des mots de plus de trois syllabes, ou que j’ai droit à des toux réprobatrices parce que pendant un café entre copines on se montre un peu trop extravertie en parlant de mecs… et bien je ne peux m’empêcher de me dire qu’à Paris, tout ça, les gens s’en fouttent.
    Après il est certain que l’on peut être fatigué par cette vie, mais on peut aussi souffler en rentrant tranquillement chez soi, en prenant un café au bord de l’eau, ou tout simplement en mettant la ville sur pause. Dans les petites communes, banlieu ou Province, tu ne peux pas mettre sur pause, la vie y est déja engluée depuis trop longtemps.

  4. C’est marrant moi je ne me bats pas niveau taff pour m’occuper de mes fringues… du moment que je peux m’acheter une culotte de temps en temps car les miennes dates de ma meilleure amie quand elle avait 16 ans. Et oui, je m’achète bien un haut de temps en temps chez Promod ou H&M mais c’est tout. Je préfère être bien dans ma peau que chercher ce qui est à la mode. De toute façon ce qui est à la mode on finit toujours par être dedans car tous les magasins suivent la mode. Donc pas le choix. Et c’est ça que j’aime pas. C’est que quand on fait les magasins à Bordeaux on se retrouve toujours face à quelque chose qu’on a déjà vu porté. Donc vive la liberté de choix des boutiques Parisiennes car je suppose quand même qu’il y en a des boutiques hors normes ! Sinon, moi je suis loin de ma famille depuis maintenant 5 ans… et je ne peux pas avoir de nostalgie car pas la possibilité de revenir dans le lieu où j’étais il y a cinq ans. La famille coupée en deux, la maison vendue, les amis partis. C’est la vie qui avance plus vite que nous ! Elle nous embarque sans nous demander quoique ce soit…

  5. Eh oui, un petit coup de spleen, ça arrive à tout le monde. ça permet aussi de remettre les pendules à l’heure. Le stress de la vie « moderne » !!. Tu te rends compte que la vie basée sur le « paraitre » n’est pas la vraie vie. Mais l’ordre naturel reprend heureusement ses droits quand l’absurdité de ce systeme (le déphasage) est trop flagrant. Bon courage

  6. Hop, pause comm. L’autre jour, je réfléchissais dans mon coin (rappelons que j’étais fiévreuse) et je me suis sincèrement demandé à quoi servait la mode. Sans déconner, je me demande s on est pas arrivés au bout de la création vu qu’on ne fait que recycler mais ‘en ferai un article.

    Quant au lisse parisien, il me pèse des fois aussi, je me sens tellement bouseuse, par moment. Parce que je ne suis pas née dans le 16e, le 7e ou le Xe, suis même pas née dans le 7-7 ouo 8, le 9-1, 2,3 ou 4. Je suis née provinciale et j’aurai tjrs un espèce de sentiment d’infériorité que te font ressentir certains Parisiens, ceux qui disent « province » comme si c’était un gros mot. Mais ça aussi, j’en parlerai dans un article.

    C ce qu’on appelle un comm teasing, non???

  7. Marine : »C’est une illusion que de penser que les boutiques parisiennes proposent du choix. Le choix n’est que dans le prix. »

    En tant que provinciale, je ne peux que confirmer. Quand je suis arrivée à Paris, j’imaginais crouler sous le choix. Sauf que comme j’ai pas les moyens de m’habiller chez les créateurs, ben, j’en reviens aux mêmes boutiques qu’à Toulouse. Voilà, je retourne bosser

  8. J’aime bien ton article, il est touchant et sincère. Je n’habite pas à Paris mais j’ai des copines qui y sont et c’est vrai que ça te change malgré toi. Mais Paris reste Paris (oui c’est facile), moi qui vis à l’étranger, je sais que dans les mentalités, Paris reste la capitale de la mode et les Françaises restent classes ! ; ))
    Voilà, c’était un com pour rien dire. : )) Bisous.

  9. J’aime beaucoup Paris, pour la liberté que l’on peut avoir.
    Mais par contre je n’aime pas les parisiens.

    Néanmoins, il y a pire que les parisiens… Les banlieusards qui veulent se faire passer pour des parisiens.

    Après, cet article parle d’apparence, de marques et cie…

    Concrètement, j’ai pu tomber dans ce bordel de représentation, ma solution fut hyper simplissime :

    Doc aux pieds.
    ( Parce que y avait pas de rangers à ma pointure)
    Jean.
    Petit Bateau en haut.
    ( Parce que ca tient au lavage pendant des années )

    Et en avant la vie.

    ( Une parisienne de chez parisienne, ex-provinciale , et ex-banlieusarde )

  10. J’avoue avoir un peu de mal à cerner le propos, parce que finalement, il ne tient qu’à toi de ne pas rentrer dans les critères imposés. Tu n’es pas obligée d’être stylistiquement parfaite pour appartenir à une norme qui ne te convient pas. Ceci dit, au niveau du choix je pense que c’est un peu la même chose partout. J’habite sur Montpellier, et on retrouve souvent tout ce qu’on porte sur d’autres personnes. Sus aux franchises! Heureusement qu’il reste les fonds de placard de maman ou les puces, qui ne sont certes pas fashion, mais où on peut trouver des trucs géniaux. C’est sûr, c’est pas la classe, mais moi tant qu’une fringu me convient, peu importe où je le trouve, et rien ne me fait moins rêver que les marques.

  11. Moui, ça doit venir de ma condition de montpelliéraine. ça doit être moins pervers que Paris ici 🙂 Il faut dire qu’on n’a pas non plus un statut de capitale de la mode à assumer!
    En fait avec mes puces j’étais classe sans le savoir, on en apprend tous les jours!
    🙂

  12. Très bon article Marine
    Pis je note au passage que ça commente essentiellement fille 🙂
    de mon petit point de vue de mec hétéro, c’est vrai que Paris parle mode, donc certains blogs parisiens idem, mais ça n’est pas un reproche. Juste que y’a des fois, on sent venir l’overdose, surtout en période de soldes…
    En tout cas, continue comme ça !

  13. Je précise que je ne m’y connais pas du tout en mode, dommage…Je me conteterai de mon appréciation personnelle pour juger la beauté des parisiennes…
    Sinon, je remarquais avec ma chérie (qui elle s’y connaît en mode) qu’en Espagne, par exemple, on essaie beaucoup plus les couleurs qu’en France, où 90% des gens portent soit du blanc, soit du noir, soit du gris, soit du brun…

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