La fin d’’une époque

Par Gauthier
 

On parle souvent de ces paliers que vous devez franchir pour passer à la suite. Le plus affolant, et certainement le plus sournois de tous, est celui qui vous propulse dans l’âge adulte. Pendant longtemps je pensais que je le verrais, telle une porte, j’entrerai dans le monde des adultes : un boulot, un appart, un chéri, un rêve d’enfant, une feuille d’impôt, des projets pleins la tête, et des sous plein le portefeuille…

Mais ça ne se passe pas comme ça, loin de là. Pour ma part la transition fut (est) longue. Je me dois de parler au présent parce que je n’ai pas fini le voyage. À mon sens, j’ai accompli le plus gros, il me manque à m’en rendre compte, à l’accepter et à « transformer l’essai » comme dirait l’autre. La transition a commencé de façon brutale et relativement imprévisible. Elle a foncé droit sur moi dans une 306 sport sous un tunnel, et m’a laissé avec la moitié du visage sur le tableau de bord, inconscient, au seuil de ma mort.

Le travail a commencé de suite, sans que je ne m’en aperçoive, je me suis transformé, j’ai glissé petit à petit vers le monde adulte. J’ai décidé de ne pas mourir sans avoir accompli des choses, et quand je parle de choses, je parle de choses dont je serai fier au seuil de ma mort.

Plus que deux seuils donc : la vie adulte, puis la mort. Vu comme ça on comprend pourquoi je n’ai pas voulu en finir tout de suite avec l’adolescence… Pourtant aujourd’hui je me rends compte de toutes ces vies adultes qui m’attendent. Ça me donne envie d’y plonger…

Donc petit à petit je suis devenu plus grand dans ma tête. Mais bien des choses me retenaient (retiennent) dans la douce moiteur de l’adolescence, que dis-je, de l’enfance même quelque part… Et puis, de façon progressive mais irréversible, tous ces murs se sont fissurés, et j’ai pu passer outre, tous ces liens se sont cassés, et j’ai pu avancer.

Il en reste encore, et pas des moindres.

Depuis un an, j’ai quitté ma ville, pour me perdre dans la froideur parisienne. Des liens se sont défaits, d’autres se sont resserrés, mais une chose est sûre : je ne suis plus le même. Mes amis font leurs vies, je fais la mienne. Et aujourd’hui on ne peut plus revenir en arrière. Tout le monde quitte Toulouse, tout le monde trouve sa voie. De ce qui faisait notre amitié : proximité, alcoolisme, études, projets, problèmes, que reste-il aujourd’hui ? Rien ou presque… Pourtant l’amitié est encore là. Mais pour combien de temps ?

Tous ces films où l’on voit des amis de 20 ans rigoler comme au premier jour, serait-ce possible pour moi aussi ? Nina, Mister Big, Emma, Lucie, Océane, et tous les autres, serez-vous encore là quand j’aurais 40 ans ? Serais-je encore là pour vos 40 ans ? Je n’ai pas la réponse, et vous non plus…

J’ai dû me détacher de vous physiquement pour avancer vers la vie adulte, mais je vous garde toujours dans mon cœur comme si je vous avais quitté hier. Je sais que c’est pareil pour vous. Tout ce chemin accompli en une année, tout ce travail sur nous-même. Tout ça peut nous rendre fier et confiant en l’avenir. Mais que va-t-il advenir de notre petit groupe ?

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de perdre mes amis, mes chers amis, pour terminer ma transition vers l’âge adulte. Bien au contraire, ce chemin, on le fait ensemble, chacun à notre rythme, et c’est, j’espère, ce qui cimentera notre amitié pour la vie.

Je le dis souvent en rigolant : on finira dans la même maison de retraite ! Mais au fond, j’en rêve…

Alors oui c’est sûrement la fin de ma vie d’adolescent, et le début de quelque chose de bien, de nouveau, d’effrayant, mais c’est certainement pas la fin de notre amitié.

Qu’on se le dise, on ne se débarrasse pas de moi comme ça ! Alors allez-y, traversez des océans, enterrez-vous dans une province sans TGV, vivez sans le net, ne prenez pas l’avion pour venir me voir… Mais continuez à m’aimer à moitié de ce que je vous aime, et je serai heureux.

Gauthier qui ferait mieux de boire le samedi plutôt que de se mettre devant une page word vide 😉

37 réflexions sur “La fin d’’une époque

  1. Ouuuaa ! doué le Gauthier !
    non-non, tu devrais pas boire le samedi soir; pour une fois qu’il y a un texte un peu moins « léger »…
    … et comme y’a de la place dans les commentaires (y’a plus personne quand c’est sérieux ?), j’y colle, en cadeau, un extrait des paroles d’une chanson :

    C’est la vie qui décide
    Qui nous file des rides
    Au coin des yeux et du cœur
    A quoi ça sert d’aller contre
    On perd son temps
    Et quand on r’garde nos montres
    Tout à coup on comprend
    Y ‘en a qui ont fait des enfants
    Y ‘en a d’autres qui ont dit j’attends
    On a tous aimé les femmes
    On s’est tous trouvés du charme
    On est tous devenus quelqu’un
    Dans son quartier ou plus loin
    Bien sûr on s’est perdus de vue
    Mais on n’appelle pas ça perdu
    On s’est traités de tous les noms
    On s’est tombés dans les bras
    On n’a pas osé dire non
    On a dit oui quand fallait pas
    Ça nous a pas empêchés
    De continuer à s’aimer

  2. les transitions sont toujours dures à ressentir… je veux dire c’est un peu comme les 18 ans… tu les attends vachement longtemps et quand ils arrivent ben… ça change pas grand chose!

    Avec le recul je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de passage francs d’une étape à l’autre… on glisse progressivement de l’une à l’autre… tout se fait plus ou moins en douceur, ou du moins pas d’un jour à l’autre! On glisse de l’enfance à l’adolescence… on glise de l’adolescence à l’age adulte… ce dernier passage étant sans aucun doute plus long, peut être de par le fait que les études deviennent de plus en plus longues…

    J’en suis là aujourd’hui moi aussi! Plus adolescent, plus étudiants, mais pas encore adulte pour autant…

    Cela dit c’est pas plus mal… je suis pas forcément pressé d’être un adulte… je prends la vie comme elle vient!

  3. ya pas un mot à la con qui a été créé pour definir « cette transition » ? Genre ADULESCENT ou un truc comme ça.

    Franchement, Gauthier, en ce qui concerne l’amitié, ça sert à rien de se poser des questions… Les gens qui t’apprecient prendront toujours le temps de te biper ou faire l’effort de retrouver tes coordonnées. J’ai telephoné à un pote que je n’avais pas vu depuis deux ans. Je lui ai avoué : ce n’est pas que « j’ai pas eu le temps de t’appeler » mais c’est surtout que « je n’ai pas pris le temps ». Et il était ravi que je lui dise ça et que je le bigophone pour reprendre contact.

    Je crois qu’en fait on arrive à une période où on élague un peu le groupe pour discerner les « copains » et les « amis ». Moins de temps, moins de situations communes, ça oblige à arbitrer. Je te parie que dans 20 ans tu regarderas des photos d’aujourd’hui avec Nina et tu te diras  » ah tiens, ce mec là, on s’est perdu de vue, c’est con il était sympa »… 🙂

  4. J’ai revu mes copains de lycée 10 ans après (ouais, je suis plus vraiment vingtenaires…); ça a été un choc ! et pas vraiment drôle en plus… j’ai retrouvé mon super-pot qu’était baba-cool et super drôle complètement transformé : costard, tête rasé; mais pas que l’apparence : « oui, j’ai une résidence secondaire, ma voiture, ma femme, mes enfants, mes vacances au ski, je suis chef d’entreprise, je vais ouvrir un deuxième cabinet (il était devenu kiné), je gagne bien ma vie, mon argent, mes actions, mes portefeuilles en bourse, j’ai des responsabilités, etc… »; je l’ai pas reconnu et je suis parti en courant; si c’est ça être adulte !! Je crois qu’il y a, sans arrêt, une suite de changement (même après la mort !?), qu’on classe en enfance, ado, adulte, etc… pour simplifier; et qu’il y en a qui prenne de sacré virage ! Heureusement, il y en a d’autres avec qui on est toujours super ami(e).

  5. ob connard, t’as effacé mon comm!!! 🙁

    Je disais : pour moi, il y a deux types d’amitié : les éphémères qui marquent plus une période de ma vie et se terminent avec elle et celles de tjrs qui durent malgré les épreuves. Genre avec Lucie, elle a beau être de l’autre côté de l’océan, je m’en rends à peine compte car on lui parle quasi quotidiennement. Anne, j’ai moins de news mais quand je la vois, c’est comme si on s’était pas quittées.

  6. mouais… enfin sur aucune que j’ai vu on te voit bien… genre pas reconnaissable quoi…
    c’est comme un apéro, ça donne envie d’en savoir plus 😉

    non gauthier pas du tout! la forme?

  7. Gauthier, je reposte puisque ce salaud d’ob m’a aussi effacé!
    Trop émouvant Gauthier.
    Adulte en devenir, plus vingtenaire depuis quelques temps, je crois que tu ne devrais pas trop t’inquiéter.
    Parisien de chez parisien avec toutes attaches et ses repères ici, j’ai passé une vingtaine qui a du ressembler à la tienne et mes amis, les vrais, sont restés même pendant mes années bordelaises et londoniennes, même quand à la distance physique s’ajoutait un océan comportemental (surtout pendant ma période investment banker à la Pat Bateman).
    Les liens qui se sont parfois distendus se sont toujours recomposés avec ma famille du coeur, avec mes amis de berceau et ceux du lycée… même si bien sur, certains n’en font plus partie, toujours scotchés ou ayant trop vite pris le virage de l’adulte-attitude quand nous ne sommes toujours que des pré-adultes en formation.
    Et aujourd’hui, j’ai par moment des bouffées de bien-être quand je vois la tendresse de nos bibous respectifs les uns envers les autres… et que j’y retrouve les images jaunies de mes photos d’enfance, mais avec moins de pattes d’eph et de cols pelle à tarte!

  8. Et bah t’as bien fait de te poser devant la page word vide, c’est meilleur pour ton foie et ça nous donne un article tout en finesse…

    La séquence spleen que tu sembles traverser, je suis en plein dedans. Je sais pas si ça tient à l’exode de la montée sur Paris, aux amis qui me manquent, aux années qui mine de rien passent, mais cette gravité qui commence à nous habiter, ces questions qu’on se pose, c’est peut-être ça qui fait des djeun’s des hommes.

  9. Gauthier, tu as oublié un palier, et je pense que ce n’est pas un des moindres… Celui de ta banquière!!! Le jour où tu ne confondras pas le trou de la sécu avec ton découvert autorisé, tu seras un homme, mon fils!

    Mais bon, tu fais comme les copains, grand, tu prends de la bouteille… Mais n’empêche que je t’aime quand même! Puis la question du « mais… à 40 ans, on se parlera toujours? » ne se pose pas… on sera déjà tous morts!!! Ou alors on sera tous déjà bon à mettre dans la même maison de retraite!!!

  10. La preuve : j’ai plus de 40 ans et je me souviens de Gauthier… c’est un gars qu’à écrit un truc sur un blog ce matin… c’était quoi déjà ce blog… ah on éteint la lumière : c’est l’heure de se coucher; je mets mes dents dans mon verre et au lit… vite sinon l’infirmière va encore m’engueuler !…;)

  11. tu verras, ce sera encore plus drôle quand tu approcheras les 40 ans et que tu feras une crise d’ado….
    Bienvenue dans le monde adulte mais je ne te souhaite pas la bienvenue chez les vieux… la jeunesse est un état d’esprit. Et ne crois pas que la géographie et le temps font perdre des amitiés. Ils ne font que les sélectionner naturellement. Ne crois pas non plus que l’âge empêche de nouvelles amitiés. Bouge toi le cul et vis, c’est déjà pas si simple et tu as toute la vie devant toi en ce qui te concerne…

  12. t en fait pas les vrais amis c est pour la vie !!
    parfois on s egare un peu mais on se retrouve toujours….
    c est marant vous avez l accent meme en ecrivant !! hein c est tres toulousain
    longue vie a vos amitiés et a votre blog commun j aime beaucoup

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