Episode 15

Maria entra dans le hangar et enleva son masque qu’elle avait de plus en plus de mal à supporter et vit Oceany en train de se balader tranquillement avec le prisonnier. Alors, il avait finalement
rejoint leur camp, ou, du moins, faisait-il semblant pour pouvoir rentrer chez lui et tout révéler à la police. Elle s’était toujours méfié des élitaires, en particulier d’Oceany. Elle détestait sa
façon de vouloir tout diriger et ses manières de petit chef et elle ne pouvait plus supporter d’être sous ses ordres, d’autant plus qu’elle savait que la jeune femme avait tort. Mais elle se
taisait pour ne pas se fâcher avec Juan, qui semblait vraiment fou d’elle. C’était vraiment le pire qui pouvait arriver : l’amour, ce n’était jamais bon pendant la guerre. De plus, si le nouvel
élitaire était vraiment de leur côté, ça poserait des problèmes : Juan serait certainement jaloux et les deux hommes seraient en permanence en conflit. D’ailleurs, il regardait le prisonnier d’un
mauvais air et ne semblait pas apprécier de le voir traîner avec celle qu’il aimait.
Comme si elle s’était rendue compte qu’ils les observaient, Oceany tourna la tête vers eux et leur fit signe de venir.
« Ethan a enfin changé d’avis, il est avec nous, maintenant.
– Qu’est ce qu’il te prouve que c’est vrai ?
– Enfin, Maria !
– Non, c’est normal qu’elle ne me fasse pas confiance.
– Pourquoi avez-vous changé d’avis ?
– Parce que j’ai parlé avec Kirstie et que j’ai été révolté par ce que j’ai entendu.
– Pourtant elle est noire et vous êtes raciste. Pensez-vous vraiment pouvoir cohabiter avec des gens d’ethnies différentes ?
– L’avenir nous le dira.
– Ca suffit, Maria. Ethan, allez voir Myo, là-bas, il vous ramènera chez vous. »
Elle le suivit du regard pendant un bref instant, puis revint sur les deux latinos. Apparemment, elle semblait furieuse.
« Bon, il faut qu’on discute tous les trois.
– Je ne vois pas de quoi, répliqua Maria.
– Oh si, tu sais très bien de quoi je veux parler. On ne peut pas continuer comme ça, il faut mettre les choses au point ! Vous savez aussi bien que moi que nous sommes inférieur au gouvernement de
cette ville et si nous ne sommes pas absolument soudés les uns aux autres, je ne donne pas cher de nos peaux. Alors, il va falloir se calmer ! Maria, si tu as quelque chose à me reprocher, vas-y,
je t’écoute. »
Elle sentit la colère monter en elle et fut à deux doigts de flanquer une gifle à cette petite prétentieuse, mais elle ne voulait pas avoir cette conduite devant son frère. Elle se contenta donc de
serrer les poings et de parler posément, mais, malgré ses efforts, la rage transparaissait dans sa voix.
« Tu sais très bien où se situe le problème.
– Non, ça, c’est qu’un prétexte. Tu ne m’as jamais tolérée, j’aimerais savoir pourquoi.
– D’accord : pour qui est ce que tu te prends ? Tu prétends vouloir rétablir l’égalité dans cette ville et tu es la première à abuser des pouvoirs que te donne ton rang : à peine arrivée ici, tu
t’es autoproclamée chef de notre groupe, même si nous n’étions pas d’accord, mais ça, tu t’en fiche. De plus, tu ne comprends rien au problème, tu veux tout régler de façon pacifiste, mais tu fais
fausse route, ça ne marchera jamais.
– Juan, t’es d’accord avec elle ?
– Non.
– Mais…
– Je ne suis pas d’accord avec toi, Maria, que ça te plaise ou non. Tu es tout simplement jalouse d’elle, mais tu as du mal à l’admettre.
– Pourquoi je serais jalouse d’elle ?
– Parce que tu es jalouse de toutes les femmes qui m’approchent, c’est tout. Tu as toujours voulu avoir une influence totale sur moi et quand Oceany n’était pas là, tu pouvais contrôler tout le
monde à ta guise, ici, mais ce n’est plus le cas maintenant, et tu ne supportes pas ça.
– Comment peux-tu dire ça ? Juan, enfin…
– N’aggrave pas ton cas, Maria. »
Elle ne put pas se retenir plus longtemps et donna la claque initialement réservée à Oceany à son frère : il l’avait humiliée devant tout le monde et elle refusait de se laisser faire sans rien
dire, ce n’était pas dans son caractère. Juan se passa la main sur sa joue pour calmer un peu la douleur et la regarda avec dédain, ce qui finit de la rendre hors d’elle.
« Vous valez pas mieux l’un que l’autre, j’ai pas besoin de vous, j’me tire d’ici. »
Elle partit en direction de la porte et la calqua violemment après être partie. Tout le monde regardait à présent vers leur direction et Juan se sentit gêné : il n’aimait pas se donner en
spectacle, en particulier devant ses hommes. Il entraîna donc Oceany un peu à l’écart pour lui parler tranquillement.
« Tu penses qu’elle reviendra ? demanda-t-elle, visiblement inquiète.
– Ca m’étonnerait beaucoup : elle a trop de fierté pour ça.
– Et merde !
– Ce n’est pas si grave que ça, enfin, nous sommes assez nombreux pour se défendre correctement.
– Le problème n’est pas là…j’ai peur de ce qu’elle pourrait faire. Je lui ai dit comment détruire la ville et je crois qu’elle ne va pas nous attendre pour le faire.
– Elle n’y arrivera jamais seule.
– Je n’en suis pas si sûre : elle est très douée pour les bombes et il suffit de faire exploser les quatre anges pour se débarrasser de Technopolis. Elle en est parfaitement capable.
– Je crois que tu la surestimes mais je vais essayer de la faire changer d’idées, ne t’en fais pas pour ça. J’arriverai sans doute à la ramener à la raison. Tu sais, elle a toujours été jalouse des
filles qui… hum…m’intéressaient. »
Elle rougit à cette annonce, ne sachant trop que répondre. Juan ne la laissait certes pas indifférentes mais la situation était suffisamment tendue pour ne pas en rajouter. Sortir avec lui, ce
serait mettre le feu aux poudres.
« Ecoute, Juan, je t’apprécie énormément, tu es quelqu’un ce courageux, honnête, gentil…et tu as un tas d’autres qualités, mais…
– Tu ne m’aimes pas.
– Surtout, je crois que ce serait une grave erreur. Regarde les tensions que ça crée alors qu’il n’y a strictement rien entre nous. Si ça allait plus loin, ce serait un véritable drame. En plus,
nous sommes les leaders de ce groupe, si jamais on se disputait, ça foutrait tout en l’air.
– C’est pas grave, je ne peux pas t’en vouloir. Tu préfères Mark, sans doute, ce qui est plutôt normal : il est séduisant et fait plus partie de ton univers.
– Je n’aime pas Mark.
– Tu t’es fiancée avec lui, pourtant.
– Je ne suis pas fiancée avec lui, d’une part et, de toute façon, je n’ai pas eu le choix, tu le sais bien. Et puis, je ne deviendrai jamais sa femme, nous aurons détruit la ville avant. Laisse
tomber, s’il te plaît.
– Je ferai ce que je pourrai. »

Chapitre 10

Oceany s’étira lentement et poussa un long bâillement, avant de s’extirper lentement de ses draps en soie. Elle avait eu beaucoup de mal à trouver le sommeil, à cause de ce qu’il s’était passé avec
Maria. Et si Juan n’arrivait pas à la calmer, qu’allait-il se passer ? Personne ne le savait, mais on pouvait présager le pire. Elle se leva et enfila sa robe de chambre, pour se rendre dans la
cuisine, où elle trouva sa mère en compagnie d’Ethan, ce qui la gêna terriblement. Elle n’avait pas vraiment la tenue adéquate pour recevoir de la visite.
« Bonjour, Oceany ! s’exclama Alyson d’un ton joyeux. Devine qui vient te rendre visite ?
– Je parie que c’est M. Wadeker.
– En effet.
– Bonjour Oceany, fit-il, visiblement amusé par la tenue de la jeune femme.
– J’étais en train d’expliquer à Ethan à quel point sa mère était inquiète à son sujet.
– Oui, j’ai eu tort, mais je devais faire ce que j’ai fait. Tout est réglé, maintenant, ça va. Mais je ne voudrais pas que ça s’ébruite : Neve serait folle de rage si elle apprenait ça.
– Pauvre Ethan, être obligé de se fiancer avec cette chipie, je n’aurais pas aimé être à votre place.
– Dans une autre société, ça n’aurait pas eu lieu, fit remarquer Oceany d’un ton amer.
– Oh si, ça se faisait avant aussi, ma chérie. Je sais que tu n’aimes pas cette ville et son gouvernement, mais ne l’accuse pas de tous les maux, tu aurais tort. Bon, je vous abandonne, jeunes
gens, je vous laisse discuter en paix. »
Alyson se leva prestement et quitta la pièce d’un pas léger ; par moment, Oceany avait du mal à reconnaître sa mère ; avant, elle était si sérieuse, si haineuse envers Technopolis et elle avait
changé si vite d’avis, ça paraissait surnaturel. Quand elle se fut assez éloignée, Oceany invita Ethan à la suivre dans sa chambre.
« Et bien, vous êtes plutôt rapide, plaisanta-t-il.
– Ne vous faites pas trop d’illusions, Wadeker, répondit-elle du tac au tac en souriant. N’oubliez pas que vous êtes fiancé.
– Ah oui, c’est vrai j’avais oublié. »
Elle sourit et le conduisit jusqu’à sa chambre et remarqua avec un peu de honte que son lit n’était pas fait et que ses sous-vêtements de la veille traînaient sur sa chaise. Elle les dissimula
rapidement et appuya sur un bouton pour ouvrir les stores électriques, tandis qu’Ethan s’installait sur la chaise, face à l’ordinateur qui était éteint. Il jeta un coup d’œil autour de lui,
détaillant la chambre qui sembla lui plaire, puis expliqua l’objet de sa visite :
« Je suis venu vous voir par rapport à notre…heu…association.
– Je suis assez surprise de vous voir ici : je ne vois pas trop ce que vous voulez dire par là.
– Ben…ça va vous paraître idiot, mais je ne sais pas retourner au hangar. Quand vous m’y avez amené, je n’étais pas conscient et hier soir, j’étais…trop nerveux pour repérer le chemin : il conduit
comme un fou, ce Myo.
– Il faut bien : cette moto a été volée, on ne peut pas prendre le risque de traîner avec. Vous n’aurez qu’à me rejoindre à la station 107 du monorail, vers 19 heures. Votre brusque changement de
position m’étonne, Ethan.
– Vous n’êtes pas la seule : c’est comme si j’avais eu une révélation.
– Je pense que c’est surtout parce que, pendant quelques jours, vous n’avez pas été soumis à la propagande d’Oxford.
– La propagande ?
– Il endoctrine les élitaires en les faisant vivre dans un univers luxueux aux multiples fêtes, comme Hitler le faisait en son temps. Pour être un bon dictateur, il faut avoir l’art de la mise en
scène.
– Mais pourquoi ne s’occuper que des élitaires ?
– Parce que nous sommes les plus dangereux : est-ce que vous avez vu un ordinateur, en bas ? Non. Ils n’ont pas les moyens de lutter.
– Alors pourquoi continuent-ils ?
– Parce qu’ils ont deux gros atouts dans leur poche et s’ils savent s’en servir intelligemment, la victoire leur sera assurée.
– Et c’est quoi, ces deux atouts ?
– Nous. Regardez un peu ce que j’ai rapporté de la mairie, l’autre jour. »
Elle s’assit à côté de lui et lui montra tous les fichiers qu’elle avait volés, puis ils essayèrent ensemble de trouver le code pour accéder au dossier confidentiel, mais ils échouèrent, une fois
de plus.
« Pourquoi vous me montrez tout ça ? demanda-t-il. Qu’est ce qu’il vous prouve que je suis vraiment de votre côté ? J’aurais très bien pu venir ici pour vous demander la localisation du hangar et y
envoyer la police.
– Vous êtes beaucoup trop loyal pour ça, Ethan. La fois où je suis venue récupérer les passes dans la salle de réception, vous auriez très bien pu appeler la police, mais vous ne l’avez pas fait.
Vous vouliez lutter d’égal à égal, et puis, vous êtes différent des autres.
– Différent ?
– Oui : la plupart des élitaires auraient la nausée rien qu’à l’idée de descendre dans les bas étages, alors que vous, vous êtes venus plusieurs fois, pour diverses raisons. Tout ça vous révolte,
au plus profond de vous, mais vous étiez tellement distrait par toutes ces fêtes, que vous n’aviez aucune envie de vous battre pour faire tout changer, mais c’est différent maintenant : vous avez
vécu dans des conditions effroyables, vous avez parlé avec des esclaves, vous avez compris ce qu’était la misère et vous trouvez ça injuste. Au fait, que vous a dit Kirstie pour que vous changiez
ainsi d’avis ? »
Il sembla hésiter, cherchant une réponse à lui donner, mais il fut sauvé par Oliver qui entra dans la chambre pour saluer sa sœur, qui l’embrassa affectueusement avant de lui demander de repartir
jouer dans sa chambre.
« Vous l’aimez, ce petit, ça crève les yeux.
– C’est en partie pour lui que je me bats. Je ne veux pas qu’il grandisse dans ce monde et qu’il devienne raciste, comme les autres, je veux qu’il puisse être libre d’aller où il veut, de pouvoir
être en contact avec la nature…vous savez ce qu’il m’a dit, hier ? Il m’a demandé pourquoi on ne voyait pas les étoiles et, quand je le lui expliqué, il s’est indigné et a dit que c’était injuste.
C’est là que j’ai vraiment compris que j’étais sur le droit chemin.
– Parce que vous en doutiez avant ?
– Des fois, oui : je me retrouvais là, dans ma merveilleuse chambre avec tout ce que je désire à portée de main, et je me disais : pourquoi se battre, ce n’est pas mon problème, après tout, et
puis, je n’ai pas à me plaindre, c’est bien ici. Mais quand je retourne en bas, que je voie Mai, Myo et Kirstie qui sont condamnés à rester cachés toute la journée, je comprends que j’ai raison de
lutter.
– C’est pas facile de résister.
– Mmm. Leur propagande est vraiment excellente, même moi, je m’y laisse prendre, par moment…mais je suis plus forte qu’eux, je ne me laisserai pas abattre et vous non plus, promettez-le-moi.
– J’ai quelques comptes à régler avec Oxford et sa famille, pas question de baisser les bras avant que ce soit fait. D’ailleurs, vous devriez vous méfier d’eux, ne vous en approchez pas trop, ils
sont dangereux.
– Ne vous inquiétez pas, Ethan, je sais me défendre. »

11 réflexions sur “Episode 15

  1. Bah euh comment ça se fait j’ai qu’un oeil moi aussi
    d’ailleur je vais me coucher pour reposer celui qui me reste et je lirai tout à l’heure , bisou

  2. Crotte !!!! A deux près, c’était preums… Grrr! Le destin m’en veut personnellement. Bon, c’est pas tout ça, je vais lire cette perle made in Nina :).

  3. Tss tss, oserais tu penser qu’on ne découvre plus tes chefs-d’oeuvres et que l’on ne vient que pour les joies du Preums ? :d Mais voyons !! Enfer et Damnation ! Toujours est-il qu’en revanche, j’avoue être quelque peu larguée vu que j’ai eu du mal à suivre le début, va falloir rattraper ça urgemment.

  4. Réponse à Ambre (ça bugge) : Oui, c pas évident, sinon, faudrait que je fasse des liens « début/épisode suivant », non?

  5. Ah oui, ça c’est une brillante idée ma chère !!! C’est parfait pour tout relire sans avoir besoin de chercher les différents épisodes. Tu étais prédisposée à trouver d’aussi sagaces astuces 😉

  6. Lire technopolis sur un écran d’ordi, c’est comme manger du chocolat noir devant le foot : on a l’impression de gâcher mais c’est quand même super bon.

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