Entre deux dossiers, j’ai l’habitude de fureter sur Twitter histoire de me mettre un ou deux articles sous la dent avant de reprendre mes activités professionnelles. Je vois défiler du tout à et du n’importe quoi. Parmi les divers sujets qui agitent ma timeline : le féminisme. Sans doute ai-je dessiné un pool de comptes Twitter à suivre particulièrement au fait sur le sujet. Quoi qu’il en soit, je vois passer pas mal de propos sur le harcèlement de rue, la lutte féministe mais aussi les « non féministes ».
Récemment, je suis tombée sur le tumblr « Je n’ai pas besoin du féminisme (quoique…) » que j’ai trouvé intéressant car plein de dérision. Ce que je n’avais pas capté de suite, c’est qu’il s’agissait d’un pastiche d’un tumblr américain où des femmes expliquent qu’elles considèrent qu’elles n’ont pas besoin du féminisme. Ah ? Oui parce que tu comprends, elles aiment bien cuisiner des petits plats pour leurs amoureux. Heu ? Pardon ? Je vous laisse découvrir la bien jolie critique de Muriel Douru sur le sujet.
Tout ça m’interpelle un peu. Passons sur l’histoire du dîner concocté pour son amoureux, je n’ai jamais vu de lutte féministe imposant à la femme de quitter ses fourneaux. Si tu aimes cuisiner, fais toi plaisir. Mais comprends que tu ne dois pas cuisiner d’abord parce que tu es une femme. La nécessité d’équilibrer les tâches ménagères n’interdit pas de préparer un bon repas « pour faire plaisir », simplement qu’il est préoccupant de constater qu’en 2014, les femmes passent nettement plus de temps à réaliser des tâches ménagères que les autres.
Parfois, j’ai la sensation que la phrase « je ne suis pas féministe » permet de se donner une certaine légitimité dans un débat ou plutôt éviter qu’on utilise cet « argument » pour nous rabaisser le clapet. Si je m’indigne de l’inégalité des salaires, de la perpétuelle objectivation de la femme, de son enfermement dans le rôle de la potiche, de la nécessité d’être une parfaite mère, femme au foyer… Sans parler bien sûr de la soumission totale de la femme dans certains pays, l’impossibilité d’accéder à l’éducation, l’excision… Mais bon, si je m’énerve sur ces sujets, c’est bien parce que je suis féministe. Donc mon avis ne compte pas, je suis intoxiquée par cette propagande hystérique. Ah ben, en voilà un contre argument imparable. Oui parce que nous, les femmes, on reste quand même très connes donc on répète bêêetement ce qu’on nous a dit de dire, hein. Bien sûr.
Pourtant, pour moi, être féministe, c’est juste faire preuve de bon sens. Et se préoccuper de la question ne signifie pas que l’on dit amen à tout. Etre féministe, c’est comme être de droite ou de gauche, ça ne veut pas dire grand chose dans l’absolu. Les combats sont pluriels, les causes diverses et les oppositions entre les différents groupes féministes régulières. Parfois, ça permet un réel débat intéressant, d’autres fois, ce sont des querelles un peu ridicules. Les féministes ne sont pas un bloc monolithe que tu prends intégralement ou que tu rejettes. Pour ma part, je suis agacée par les Femen dont je ne comprends jamais bien les actions, je suis parfois lassée par les débats trop houleux sur la prostitution où on se jette à la figure les témoignages des prostituées comme arguments ou certaines querelles de clocher qui peuvent effrayer, je le comprends. Mais peut-on réellement ne pas être féministe ? Peut-on réellement trouver normal les inégalités hommes-femmes, le harcèlement de rue, le jugement porté sur nous dès qu’on ne se comporte pas comme la société l’impose, les discussions sur notre utérus comme s’il ne nous appartenait pas ?
Alors sache que tu as le droit d’être féministe sans pour autant être fan des Femen, d’Isabelle Alonso, d’apprécier OLF la plupart du temps mais ne pas être d’accord sur tout. Tu as le droit d’être féministe et de porter les fringues que tu veux. Tu as le droit d’être féministe et de cuisiner un petit plat plein d’amour à ton mec parce que ça te fait plaisir. Tu as le droit d’être féministe sans penser que c’est un gros mot. Incroyable, non ?
Bien dit. Le jour où j’ai visité ce tumblr, j’ai été également choquée. Je ne sais pas si ce sont des personnes qui n’ont pas voulu faire l’effort de réellement comprendre ce qu’est le féminisme ou si elles sont tellement dans leur tour d’ivoire qu’elles ne réalisent pas ce qu’elles dénoncent. Qu’elles soient contente de leur vie, à prendre soin de leur mari, à se faire les ongles, tant mieux pour elles mais à côté, il y a des femmes qui fournissent un boulot équivalent si ce n’est plus que les hommes mais qui sont moins bien payées, à côté, il y a des femmes qui ne peuvent pas sortir de la maison juste parce qu’elles sont femmes, à côté, il y a des femmes qui n’ont pas le droit de s’exprimer sur leur propres pays parce que ce sont des femmes…et ne pas penser à ça, ne penser qu’à soi, je trouve ça un peu triste.
Exactement ! Pour beaucoup, il y a clairement un problème de pédagogie qui est, je pense, en partie lié à l’image que l’on donne du féminisme dans les médias. Pour moi, pendant longtemps, le féminisme en France, c’étaient les Chiennes de garde et leurs combats de « salon », va-t-on dire. Je ne voulais pas être associée à ça. Depuis, j’ai découvert tout une foule d’associations féministes, je me reconnais dans certaines, moins dans d’autres. Je me sens pour ma part plus intéressée par la question de l’éducation des jeunes filles, je suis la marraine d’une petite Vietnamienne via Plan France et vu que mes revenus vont bientôt augmenter, je me tâte à aider une autre jeune fille. C’est pour ça qu’aujourd’hui, il me paraît difficile de se dire « non féministe » tant les sujets abondent. Oui, ok, tu aimes faire le ménage, personne ne t’en empêche mais ça résoud pas les problèmes d’accès à l’éducation des femmes, l’excision, la soumission au mari et même si on reste à notre niveau le fameux plafond de verre…