Le monde en myopie

Lecteur, je te l’ai avoué il n’y a pas longtemps, j’ai changé de lunettes. Une démarche angoissant vu qu’il ne faut pas se tromper, choisir les bonnes montures. J’étais partie sur un « prends des basiques pas chères » mais mes mains ont saisi par hasard des lunettes, je les ai portées sur mon nez et là, devant la glace, j’ai su. C’étaient elles. 200 et quelques euros la monture mais vu comme l’opticienne s’est extasiée sur mon visage lunetté, je pense avoir fait le bon choix. Ou je me faisais draguer par une opticienne lesbienne.

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L’ensemble de mon entourage ayant applaudi mon choix, je les porte bien volontiers et à nouveau je vois bien. Trop bien. Non parce qu’autant certains des hommes de ma vie étaient beaux quand j’étais myope et le sont encore plus quand je les vois net, autant pas mal de laideur me saute au visage. Déjà c’est incroyable comme les quais de gare sont sales. Moi avant, je ne voyais que du gris. Puis les gens sont grimaciers, grisâtres, boutonneux, mal coiffés. Ça me rappelle la dernière fois où j’ai longuement arrêté de fumer, je redécouvrais avec acuité le Paris odorant… Nauséabond, c’est le mot juste.

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Là, je retrouve les avantages mais aussi les inconvénients de voir. Par exemple, en version myope, je crushe 3 fois par jour. Le beau brun là-bas n’est-il pas le plus beau du monde ? Mes lunettes éradiquent le flou artistique et là, le « mec le plus beau du monde » ne me plait finalement pas du tout. Sauvée me direz-vous ? Non car de près, j’y vois pas si mal (cf supra la remarque sur les hommes de la vie) donc si j’avais ambitionné de draguer mec le plus beau du monde, je me serais rendue compte de ma méprise. Or le crush du métro est par définition éphémère un « oh wouaaaaah le mec ! » suivi d’un discret matage jusqu’à la fin de l’un de nos trajets. Et je l’oublie aussi vite, ce n’était qu’un agrément de voyage. Là, avec ma vue acérée, plus de doute possible : je ne peux prêter aucun charme à une personne qui ne me plait pas. Heureusement que je ne prends plus les transports en fait.


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Et que dire de ceux que je m’applique à ignorer pour cause de violent mépris ? Avant, je n’avais qu’à les laisser errer dans la lointaine zone floue, je ne les voyais pas, ils n’existaient plus. Avec mes lunettes et ma vue bionique, l’objet de ma désaffection est en permanence visible et manifestement doué du même don d’ubiquité que mon chat : où que je regarde, il est là. Or comme j’ai globalement peu d’inimitiés, mon rejet devient souvent physique, le fameux « je peux pas le voir en peinture ». Ben là, t’as droit à la version Technicolor en 3D et sonore en plus.

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Cependant, reconnaissons un avantage majeur aux lunettes : en un geste, je les enlève, les plus beaux mecs du monde pullulent à nouveau et mes « ennemis » disparaissent. Ouais en fait, je suis un Clark Kent à l’envers.

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