TOUT VITE = TOUT BIEN?

Par DianeC’est les mains moites d’émotion et le coeur tout palpitonnant de solennelle fébrilité que je me mets à mon clavier. Ceux qui fréquentent les commentaires des vingtenaires m’auront peut-être vu sérieusement parasiter la chose ces derniers temps et, comme tout bon parasite qui se respecte, je passe au niveau supérieur et j’ai été cordialement invitée à venir parasiter par la grande porte.

Mon premier article sera un article de vieille aigrie nostalgico-réactionnaire no future fuck le système. (chouette, hein?)
Parce que, voyez vous, je me disais l’autre fois lors d’une de ces brillantes et spirituelles réflexions existentielles qui enflamment régulièrement mon moi intérieur, que décidémment, nous vivons vraiment dans une ère du zapping. Il apparaît comme une impérieuse nécessité aujourd’hui d’avoir absolument tout, tout de suite, tout vite. (d’où le titre, vous suivez?) On a envie d’un truc, pouf internet, pouf je commande, pouf je reçois. (ce qui ne veut pas dire que j’ai commandé sur internet une péripatéticienne siliconnée pour autant, pervers libidineux que vous êtes). Tout ce qui concerne le processus d’attente de la chose que l’on désire et qui fait d’ailleurs qu’on va l’apprécier davantage une fois qu’on l’a, ça disparaît. Et ça nous crée une génération de frustrés, habitués à avoir tout tout de suite, et quand il s’avère que ce n’est pas possible criant au scandale international et devenant tout rouge colère comme un gamin à qui on a
dit qu’il fallait attendre noel avant d’avoir son costume de zorro.
D’ailleurs, en parlant de mourtards, je regardais dimanche dernier « Ripostes » qui avait pour sujet « l’école », et y’avait Finkelkraut qui tout énervé de pas pouvoir faire des phrases de plus de 5 minutes sans être interrompu par le présentateur, s’agitait sur sa chaise en arguant que la merdasse qui apparemment habite les écoles aujourd’hui est due en partie à une grosse et significative baisse de la capacité de concentration des susdits moutards. Baisse qui, selon lui (et que je trouve pertinente, comme explication, d’ailleurs) est due principalement à
cette frénésie du toutousuite, et notamment aux ordinateurs et à internet, qui il est bien vrai sont par excellence un lieu de zapping frénétique et constant. Sur internet, on reste rarement plus de 5 minutes sur un site à lire un article quelconque, on clique, on clique, on clique ,on reclique et on surclique en survolant 15478 infos au lieu d’en bien intégrer une. Après, ça a ses
avantages, mais quand même pas mal d’inconvénients. Ce pourquoi monsieur Finkelkraut (petite parenthèse récréative: vous avez jamais remarqué qu’ une notifiable quantité de philosophes avaient tous des noms à coucher dehors? Finkelkraut, comte-spomville, kierkegaard, heidegger, nietzsche… comme si, pour être « in » dans le milieu philosophique, fallait être imprononçable) nous
conseillait de virer les ordis des écoles et de revenir à nos bons vieux bouquins, où on se concentre sur un truc à la fois.
De plus, pour causer actualité, un ami encore plus réac que moi me disait récemment que ça l’énervait beaucoup ce nouveau principe qui faisait que, dès que quelque chose clochait dans un couple, beaucoup prenait le réflexe automatique du divorce. (bon, après, cécilia, on peut pas la blâmer, hein, quand même) « Qwwwwaaa?? tu n’es pas un être totalement parfait et cadrant
entièrement à mes critères d’exigence relationnelle?Puf, peu me chaut, je divorce et jvais chercher ailleurs, tiens. » En gros mon ami prenait le parti de dire que, choisir de se marier, c’est prendre une option sur un paquet d’emmerdes, certes, mais que c’est ça la vie, et que grimper sur les obstacles et leur niquer la gueule était quand même bien plus intéressant que les contourner par faiblesse et oisiveté. Comme disait ce même Finkerkraut (il est pas con ce mec), les gens ont tendance aujourd’hui à vouloir que des avantages en s’indignant profondément qu’on leur impose quelques inconvénients: les parents veulent plus d’autorité à l’école mais ne veulent pas le faire chez eux, les gens veulent plus de rigueur morale et d’intégrité pour les autres mais pas pour
eux (« ouiii je suis pouuuur , il faut absolument sauver la planèèète!….hein? ah nan, je trie pas mes déchets, j’ai pas la place de mettre deux poubelles chez moi »)
Et ce zapping, cette apothéose du superficiel se constate aussi bien sûr dans tout ce qui est « site de rencontres », où on fait littérallement son marché de viande humaine, on trie, on classe, on sélectionne et on zappe en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
Bref, tout ça pour dire que la technologie, ok c’est bien, c’est pratique, mais faudrait voir à pas oublier au passage cette chose molle et circonvolutionnée qui flotte béatement dans notre boite cranienne, que je trouve que ce principe de perpétuel zapping a tendance à scléroser sévère. En gros, trop de choix tue le choix, et surtout la réflexion et le cheminement intérieur qui mène au choix.Et  des fois, il faut bien l’avouer, ça me fout limite la nausée, pour ne pas dire la gerbe. Sic transit gloria mundi…..burps.

17 réflexions sur “TOUT VITE = TOUT BIEN?

  1. C’est vrai que depuis Internet, j’ai perdu toute patience dans mes recherches. Quand je veux trouver un truc et que Google ne me donne pas ce que je veux en quelques minutes (voire moins), ça m’énerve et je laisse tomber direct.
    C’est mal.

    Par contre, je pense que la télé a plus agi dans le sens du zapping intensif qu’internet.
    Sur Internet, tu peux malgré tout, si tu le souhaites, prendre un peu ton temps alors qu’à la télé, un sujet de une minute (dans un journal par exemple), c’est déjà trop long et c’est refusé.

    Allez, j’me la pète un peu à citer de l’auteur mais Bourdieu a fait une étude intéressante sur la télé qui va dans ce sens.
    (et pour les feignasses, il y a un film de Pierre Carles qui prend en exemple le passage houleux de Bourdieu chez Schneidermann et qui est assez démonstratif aussi)

  2. Oui et bizarement il y a aussi des études qui demontrent que ces memes enfants zappeurs sont plus à mêmes de traiter les infomrations et dans retirer l’important.
    Je pense que passer son temps à regretter le temps passé et un loisir typique de nos sociétés. J’imagine qu’un tel débat à du avoir lieu lors de la création de l’imprimerie (Mon dieu des gens qui vont pouvoir lire plus de 10 livres dans une vie mais il ne prendront plus le temps d’aller à la messe !)
    Quand au tout, tout de suite grace à la commande internet, je suppute que tu habites la capitale car crois moi, lorsque je commande une amie gonflablle sur le net la livraison reste le point faible du service et je connais souvent la joie incommensurable de l’attente.

    Par contre pour ce qui est des problemes de couples que l’on affronte plus; je ne peux qu’abonder en ton sens.

  3. je suis encore 1 écolier je consomme beaucoup internet et je profite de tout se que je peux y apprendre. lorsqu’1 site m’1terresse j’aime y passer des heures. alors se Finkelkraut généralise 1 peu trop vite sur la philosophie humaine que nous sommes.

  4. Un premier article à la hauteur de mes espérances avec de belles apartés qui m’ont bien fait marrer, surtout celle sur les noms de philosophes. Pour en venir au fond, je suis d’accord avec toi, d’autant Que je suis une affreuse zappeuse. Quand j’allume l’ordi, j’allume la télé ou la musique. Je picore des infos à droite à gauche mais à l’arrivée, je ne sais finalement pas grand chose de plus. Je m’arrête souvent en cours d’activité pour faire autre chose, vérifier mes mails, nourrir ma bimbo, commencer un article… Pour peu qu’on me parle sur MSN, impossible de faire un truc de bout en bout sans passer à autre chose à un moment.

    Le problème est-il réellement la technologie ou notre manque de maîtrise en la matière. Y a 10 ans, j’avais pas le net, je faisais autre chose de mes journées/soirées. Aujourd’hui, quand ma freebox décède, je manque de l’imiter. Trop de choix tue le choix, comme tu dis, on peut butiner de l’info partout qu »on préfère ce « un petit peu partout » que se limiter à une seule source et la lire à fond. Quand on me dit « Nina, tes articles sont trop longs », ça me déprime. On met en moyenne 4 mn à les lire, 4 ! C’est tellement rien… Mais comme je suis aussi une pro du net, je sais que sur Internet, faut faire du (très) court, limite du prédigéré car au bout de 30 s, on a perdu le lecteur. Damn it. Peut-etre qu’il faudrait qu’on apprenne à utiliser le net à bon escient. Et ce dès l’école.

  5. je plussoie et ajoute que si j’avais du style ou une bonne plume j’aurais pu écrire en substance la même chose.
    Sauf que ce qui ne va pas, c’est qu’on se fait cataloguer réac quand on énonce ces choses là. Qu’à cela ne tienne, plus ça va plus je me fais l’apôtre de la lenteur. Prendre son temps, un truc de dingue de nos jours.
    Dans le registre « tout vite », les quotidiens style « 20 minutes » et autres « Métro » me hérisssent le poil. Pas une analyse, pas un éclairage, aucun style, de la dépêche AFP tout juste modifiée. Moi qui passe plus d’une heure à lire mon journal j’ai le sentiment de passer pour un extra-terrestre.

  6. Finkelkraut, c’est pas un philosophe, il fait plutot dans la pédagogie (genre j’ai pas vu un élève de collège etlycée depuis plus de 20 ans mais j’adore écrire pleins de bouquins pour expliquer son comportement!!!). bref, ce mec est professeur des idées à Polytechnique et pense que tant qu’un élève ne tient pas 2h sur sa chaise en cours magistral, c’est qu’il a un problème de concentration découlant du  » zapping » internet et télé!!!! (ben oui, monsieur est habitué à ses petits polytechniciens pendus à ses lèvres et qui pourtant passent eux aussi du temps sur internet!)mais vous lecteurs, lorsque vous étiez au collège et au lycée, vous arriviez vraiment à rester concentrer toute la journée en cours???

  7. Petit aparté pour dire que j’aime bien le mot moutards employé dans ton article. As-tu déjà remarqué que les mots qui désigent les enfants de façon argotique commencent presque tous pas la lettre « m » : moutards, marmaille, mioches, mômes, mouflets, etc..

  8. Mouais, dans quelle mesure est-ce que ce regret du zapping n’est pas simplement celui du « bon vieux temps »…

    C’est peut-être vrai qu’on ne prend plus le temps d’approfondir sur les sujets qu’on entend. C’est aussi vrai que pour approfondir, il faudrait se spécialiser dans quelques sujets, et abandonner les autres. (ex en sciences ou en philo: c’est facile d’arriver à lire seul(e) à peu près tout jusqu’à Euler et Rousseau, nettement plus dur de continuer jusqu’à Kant et Cantor).

    Alors peut-être que le zapping, le fait de prendre juste une petite couche superficielle de confiture est aussi lié au fait que ça demande un vie entière de creuser, et qu’on finit par laisser ça à des spécialistes, et à internet et à la télé le rôle plus ou moins ingrat (et plus ou moins assumé) de servir de prédigestion des infos…

    Et sinon, une petite pique en partant: j’ai lu une interview de Ryad Sattouf dans les inrocks. Il paraît que les jeunes sont de droite… Qu’en pensez vous? ^^

  9. J’en pense qu’il faut arrêter de voir les jeunes comme un ensemble complètement homogène. Les jeunes ne sont ni de droite, ni de gauche, c’est une opinion individuelle, pas collective.

  10. Alors alors, réponse à vous:
    1/Jeath: je voudrais te dire que, déja, on suppute pas devant les dames, même si je concède la boutade homophonique avec ton amie gonflable assez plaisante, c’est pas des manières. Et que ensuite, quand je me taxais de vieille aigrie réactionnaire, il y avait là une pointe d’ironie. Faudrait voir à mettre un peu de nuance tout de même, je pense, je ne veux pas dire (et je ne l’ai pas dit) télé/internet= tout caca dégueu, retournons lire Hegel auprès du feu et chasser le mamouth. Il ne s’agit pas de regretter touuut le passé mais de notifier, remarquer, suggérer, observer ce qui dans ce que l’on nomme PROGRES peut être à double tranchant, et, justement, entrainer une certaine molisation des cerveaux, alors que c’est crée pour l’effet contraire. Paradoxe quoi. Pouf pouf. Mais après, internet et télé sont des outils formidables (qui me permettent d’ailleurs ici maintenant de causer de ça avec toi, alors que je sais même pas si tu mets des slip ou des caleçons) dont je suis ravie de me servir tous les jours et qui sont très très utiles pour tout ce qui est infos ponctuelles et culture générale.
    2/Nina:et voui justement, bon exemple, internet étant tellement énorme et polyvalent, il y a tellement d »infos disponibles que du coup, si tu veux qu’on te lises, bah faut faire court. Et ça, c’est diablement con quand même. Les gens n’ont pas l’attention et la patience neccessaire de finir 40 lignes! alors va leur demander de lire belle du seigneur, hein… déprimant.
    3/Lucie: entre 2h et toute la journée, y’a une nuance quand même… Il me semble que Finkelkraut doit avoir la vague intuition qu’un polytechnicien et un gosse de 14 ans n’ont pas la même capacité d’absorption et de concentration, mais n’empèche que ne pas arriver à se concentrer plus de 10 minutes, bah, même à 15 ans, y’a un problème.. Et je signale au passage que dans cette même émission étaient invités des profs de tous bords, de la primaire au collège lycée général et technique, et que, quand il a déclaré qu’il y avait une baisse générale de la capacité de concentration chez les élèves, ils ont tous approuvés d’un même chef.
    3/Julien: ah voui tiens, c bizarre ça, voire même rigolo et en plus je crois pas que ça soit étymologique parce qu’en latin, ça se dit infans ou puer, jvois pas de m là dedans ptêt en grec. (honte sur moi, je ne cause pas grec, mais j’imagine que ça pourrait être un truc en « ped », en déduisant ça de pediatre, pédagogie….???)

    Bref, le tout est de trouver là dedans un juste milieu, et de pas se contenter d’ingurgiter des trucs sans les mastiquer avec son petit encéphale et réfléchir un peu sur ce qu’on nous soumet.
    Après, celui qui me dit que ma réponse est trop longue, je lui dit (même si je le pique à Flaubert) « désolée mon pote, mais j’ai pas eu le temps de faire plus court ».

  11. diane: as tu déjà lu du finkelkraut?
    sinon, beaucoup de prof se plaignent de la baisse de concentration des élèves mais lors d’un cours d’une heure, ilya généralement maxi 10 minutes de flottement (sauf en ZEP où c’est la guerre). si les élèves ne se concentrent pas le reste du temps, je pense que les prof devraient se remettre en question! mais bon tout le monde sait que rares sont les profs prets a faire ce genre d’effort et c’est dommage!!!

  12. Ce qui est marrant, c’est que dans un monde où l’information est surabondante, l’important, ce n’est plus l’information mais sa maîtrise.
    On s’émerveille donc d’avoir accès à l’information mais finalement, on y apporte de moins en moins d’importance en tant que telle : « je ne sais pas ou est le Bostwana mais je peux t’en filer une carte satellite précise au mètre près avec Google Earth ». C’est un peu le syndrôme « mathématiques à la calculatrice ». Pourquoi se faire chier à savoir combien fait 9*6 s’il existe des calculatrices offertes par ta boulangère qui font la même chose sans se gourer?

    Finalement, il n’y a plus beaucoup d’intéret à écouter en cours car on sait que l’information sera disponible plus tard sur Internet.

    Comme d’hab, faut viser le mi’ieu. Il faut savoir et savoir trouver ce que l’on ne sait pas. Malheuresement, j’ai l’impression qu’on a tendance à pencher du deuxième côté aujourd’hui.

    Sinon, en effet, il est très difficile de se concentrer dans un cours de Finkelkraut tellement c’est mal enseigné….

  13. Ces dernières années, il est question de faire des cours de 45 mn, qui correspond au temps de concentration optimale avant que les esprits ne s’égarent. Ca correspond ç ce que tu dis Lucie « 10 mn de flottement », donc je pense que c’est une bonne solution.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *