Remplacer le besoin par l’envie?

Par Marine

Je voulais vous parler de Perrine.
Perrine, je la connais depuis du temps déjà.

16 mars 1992.

Dans la cour de ma nouvelle école. Tout le monde s’agglutine autour de moi. Je suis l’attraction. La nouvelle. Tout le monde est gentil. Moi, cette école, je la trouve juste… petite. L’ancienne me paraît immense à côté. Elle me manque. Ces nouveaux gens, je ne sais pas ce qu’ils me veulent. Vers le mois de mai. On a cours d’allemand. Le « maître » n’est pas là. On écrit des mots à la craie, sur le tableau. Elle, elle prend sa craie pour mettre « L’amitié vaut plus que tout » de sa plus belle écriture. C’était une de mes premières copines, alors. Pas la meilleure, ni la plus proche.

 

14 ans après, quand je lui rappelle ça, elle se moque. De la phrase ou d’elle-même?
Elle l’a fait mentir, cette phrase. Elle a grandi vite, Perrine. Elle a pas eu trop le choix, aussi. Elle a vu des hommes assez vite, elle a été la première à « le faire », dans mon entourage. Même si c’était pas du tout trop tôt. Elle m’a prise sous son aile quand j’étais timide et gauche. Elle m’a mise à l’écart quand je l’étais moins. Ou du moins quand je ne voulais plus l’être. Puis le temps a fait son oeuvre. Nos rapports se sont normalisés. Et j’ai une place à part. Je suis celle qui a réussi à sortir du schéma relationnel qu’elle établit avec ses proches, bien malgré elle-même. Aujourd’hui, elle est ma plus ancienne amie. Une des plus proches, aussi.

Quand je la regarde, parfois, je repense à la phrase écrite à la craie, sur le tableau de l’école primaire. Elle l’a fait mentir, cette phrase. Elle la fait mentir. Mais au plus profond, elle hurle de vérité. Pour Perrine, l’amitié vaut plus que tout. C’est un besoin plus qu’une envie. Ce qui rend ses amitiés souvent malsaines d’ailleurs. Tentaculaires, fusionnelles, oppressantes, exclusives. Exclusives du reste du monde. Quand on est le reste du monde, pour un instant, c’est dur. Puis on prend ses distances. On déteste Perrine. On la rejette. On lui veut du mal. Pas tant pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’on est. Mais quand, en dépit de cela, on reste, et on garde une place, Dieu que c’est apaisant, d’être amie avec Perrine.

 

Perrine, elle a pourtant des difficultés. Elle sait pas ne pas être amoureuse. Oh bien sûr c’est beau d’être amoureux tout le temps, me dira-t-on. Oui, mais non. Perrine, elle est pas amoureuse d’un homme, mais de l’amour, de la stabilité. Comme pour ses amis, en fait. Elle a besoin d’être la fille stable, d’être la fille posée et rangée, alors que dans le fond, et elle le sait, et ça lui fait peur, elle n’est pas comme ça. Perrine, elle a passé 3 ans avec un homme. Qui venait de l’autre bout de la terre. Et qui y habitait. Elle a passé trois ans entre chez elle et le bout du monde. Et elle était heureuse. La distance, ça peut se surmonter. Perrine, elle est célibataire depuis peu. Elle reprend une nouvelle vie, elle essaie la légèreté. Seulement, elle y arrive pas. Si elle sort avec un homme, faut qu’elle se sente amoureuse de lui. Sinon ça va pas. Faut qu’elle rentre dans un rang. Alors ça me fait mal pour elle. Elle a peur de rentrer dans le moule de la célibataire endurcie, qu’elle dit. Elle me regarde, en disant cela. Mais dans le fond… Elle sait que j’ai pas tout à fait faux. Que ce qui est bon pour moi ne l’est pas pour elle et inversement. Mon problème à moi, il est inverse du sien. Moi j’ai besoin d’aimer pour être avec quelqu’un. C’est mon tort. Elle, elle a besoin d’être avec quelqu’un pour aimer. C’est le sien.

Aimer qui? Soi ou l’autre? Les deux, mon général.
 

Alors des fois, je me dis que Perrine devrait prendre ma place, un petit peu, découvrir qu’on peut profiter du quotidien tout seul, pour l’apprécier plus avec quelqu’un. Quand je lui ai dit ça, hier, Perrine, elle m’a répondu : « de toutes façons, les amies, y a que ça de vrai!! ».

 

Ben oui. Ca doit être que l’amitié vaut plus que tout ma belle. Elle t’aidera aussi à aimer.

19 réflexions sur “Remplacer le besoin par l’envie?

  1. C’est marrant, on a l’impression que c’est binaire ton affaire, du genre, elle, elle a besoin de sécurité et d’être aimée, et toi, tu te poses en meuf qui est trop exigeante. bon, au final, c’est un peu la même chose, le fond du problème, non?
    déjà, tellement besoin de verbaliser que ça complique un peu tout… et si vous vous laissiez allez, pour voir?
    Bon, après, j’imagine que t’as durci le trait pour donner un style un peu « fable urbaine »… et d’ailleurs, je reconnais certaines de mes amies dans tes schémas d’analyse, hein, c’est intéressant ce que tu dis… juste que tu dois prendre garde de pas trop tout sur-analyser, c’est piégeux comme attitude…
    ah oui, preum’s au fait!

  2. mdr Nina! Les histoires d’amitié y’a que ca de vrai, si elles durent oui je pense aussi, je pense également qu’on arrive à être 2 fois plus tolérant avec ses amis qu’avec ses amants, c’est peut etre pour cela qu’elles peuvent durer toute une vie? quand aux hommes, où est réellement le juste milieu entre les deux extrémités que tu désignes? peut etre de l’etre une fois sur 2? je ne sias pas trop, je me reconnait dans les 2 selon les périodes, tout ce que je sais c’est que les rapports humains sont compliqués quelqu’ils soient et quelques part c’est ce qui fait leur force et leur beauté. Oui l’amitié y’a que ca de vrai, c’est peut etre la tout simplement la plus belle façon d’aimer?

  3. Que veux tu dire par « Puis on prend ses distances. On déteste Perrine. On la rejette. On lui veut du mal. Pas tant pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’on est. »? Pourquoi? J’avoue ne pas du tout avoir compris ce passage…

  4. Je n’avais jamais remarqué que tu écrivais si bien ^^ En tout cas forcément, on se sent un peu tous concerné par cette petite phrase au tableau, écrite à la craie, qui semble constamment hésitante entre « je suis la vérité » et « je suis le plus gros mensonge du monde ».

    ps : bon sinon, à quand aller manger des cannelés dans un chocolat chaud par une après midi d’aout 2006? 😛

  5. Référence à Balavoine dans le titre, rien que pour ça, j’aime cette note.
    Je voulais dire ça mais je me rends compte que ça fait un peu court, d’autant que je t’ai déjà dit ultérieurement que j’aimais beaucoup ta façon d’écrire, donc je ne peux pas décemment juste me répéter.

  6. Bon, moi, je suis quand même plus une Perrine qu’une Marine, je crois… Je cherche pas forcément à être la fille posée et stable du groupe car je l’ai été pendant 4 ans et des fois, c’est chiant. Genre seules les célibs peuvent avoir des soucis…

    Disons que j’ai du mal à me situer dans l’absolu. Il y a des moments dans ma vie où j’ai besoin de stabilité y compris dans ma vie affective et d’autres où je laisse filer. Disons que je ne vis pas mal le fait d’être célibataire, je sens pas la pression de mes parents genre « c’est quand que tu nous le présentes, ton futur mari? ». Là, en ce moment, j’ai envie de stabilité parce que ça fait un an et demi que je suis en transition et ça me fatigue un peu.

    Mais bon, après, c’est pas la « honte » d’être célib. Pas mal de filles (moi aussi, des fois, ça me le fait) associent célibat à signe extérieur de laideur alors que rien n’est moins vrai. Ca mériterait un petit post, ça…

    Enfin, pour l’amitié… Je n’aime pas l’exclusivité en amitié même si, de fait, pendant certaines périodes, je suis plus proche que d’autres personnes et d’autres sortent de mon orbite pendant quelques temps, sans que ça soit volontaire de ma part ou de la sienne, juste moins d’occasion de se croiser. Parce qu’en général, quand je pousse qq’un hors de mon influence volontairement, c pas bon signe… 🙁

  7. Pour Nina en reponse a son com :
    COMMENT EMPÊCHER LES GENS DE VOUS ASTICOTER SUR VOTRE POSSIBLE FUTUR MARIAGE

    Mes tantes avaient toujours l’habitude de s’approcher de moi lors des mariages et de me dire en me pinçant les hanches:
    « Tu seras la prochaine. »
    Elles arrêtèrent après que j’ai commencé à leur faire la même chose aux funérailles.

  8. Oui mais l’envie n’est elle pas un besoin ?

    Ne dit on pas , par exemple , que les gens richent se font monstrueusement chier parce qu’ils ont tout , donc aucune envie insassiable ?

    Nico

    Ps : si un gens riche me lit , je suis pret a le debarrasser de son lourd fardeau financier et a lui offrir genereusement en échange mon découvert .

  9. Ben, Felix, moi ça va : du côté maternel, ma cousine de presque 32 ans est pas mariée et du côté paternel, ma grand mère est toujours en train de nous dire, à ma soeur et à moi, de surtout pas nous marier! 😉

  10. Vais te dire Marine : quand t’es un couple, arrive un moment où tu damnerais pour pouvoir faire un plateau télé seule, rien qu’un soir!! 😀 Jamais contents, les gens! 😉

  11. Mais carrément poulette!! Le célibat, c’est le droit d’avoir du poil aux pattes si on en a envie!! 😀 C avoir le droit de se coucher à 20h pour passer la nuit avec un bouquin si on veut et pouvoir dormir dans tout le lit dans son pyjama en pilou pilou…

  12. Bah écoute Marine si je commence à disserter sur l’amitié et l’amour on va y passer la nuit et il est déjà tard, alors je vais, un peu hors-sujet, me contenter de ceci : j’adore ta façon d’écrire.

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