Episode 16

Kelly regarda soigneusement autour d’elle, pour vérifier qu’il n’y avait personne et se dirigea vers le milieu du tapis en velours rouge qui décorait l’une des nombreuses pièces inutiles de la
mairie. Elle s’agenouilla afin de soulever une latte du plancher. Un meuble se mit alors à pivoter pour laisser apparaître un passage secret. Elle se dépêcha d’y entrer et appuya sur un bouton pour
refermer l’ouverture, puis alluma sa lampe de poche pour rejoindre la salle des ordinateurs où travaillait Bryan. A part eux et une poignée d’initiés, personne ne connaissait l’existence de cette
salle, pas même Bill, qui pensait avoir le pouvoir absolu. Mais il n’était qu’un pauvre pantin, comme tous les autres : cette ville était entièrement sous leur contrôle.
Elle arriva enfin à la salle des ordinateurs et regarda l’écran géant qui occupait tout un mur, qui représentait un plan détaillé de toute la ville, parsemé de milliers de petits points jaunes
indiquant les ordinateurs en marche. Ils pouvaient savoir qui s’en servait, à quel moment et même ce qu’ils étaient en train de faire dessus et pouvaient ainsi leur envoyer des messages subliminaux
qui vantaient Oxford et sa merveilleuse ville. Elle embrassa Bryan dans le cou et s’assit à côté de lui, pour voir ce qu’il faisait.
« J’ai appris pas mal de trucs intéressants sur cette fille, Antelwort et tu avais raison de t’en méfier : regarde un peu ce qu’elle était en train de consulter, il n’y a pas cinq minutes. »
Il tapa quelque chose sur son clavier et cliqua sur la souris pour faire apparaître un fichier qu’elle avait déjà vu des dizaines de fois, mais elle avait du mal à en croire ses yeux. Oceany avait
réussi à se procurer les dossiers de la mairie.
« Oh, merde !
– La bonne nouvelle, c’est qu’elle n’a pas pu accéder au fichier confidentiel : elle n’a pas le code, mais elle a de l’imagination, elle a dû en essayer une bonne centaine. Elle sait pas mal de
choses sur notre ami Bill.
– Oui, sauf que ce dossier confidentiel n’est pas à lui : il ne doit même pas savoir qu’il existe. Il passe ses journées à regarder la ville dans son bureau et à admirer ses jolis tableaux, en
s’imaginant être le maître du monde. On a vraiment trouvé le pigeon idéal, avec lui.
– Ouais, mais faut espérer que ça va durer : je me demande comment il réagirait s’il voyait qu’il ne contrôlait rien.
– Il ne s’en apercevra pas : il est aveuglé par son propre ego. Qu’est ce qu’on fait pour la fille ?
– Rien, pour le moment : on ne peut pas l’éliminer aussi facilement, les gens se poseraient des questions. Attendons un peu, nous trouverons peut-être un moyen infaillible de la supprimer, mais
elle n’est pas dangereuse.
– Pour le moment, mais elle fait partie des rebelles et elle m’a défiée, en libérant Kirstie. Je ne supporte pas ça.
– Ce n’est pas toi qu’elle a voulu défier, mais Bill.
– C’est du pareil au même : je trouverai un moyen de la faire payer, tu peux en être sûr. »

—–

Maria se faufila dans le dépôt d’armes et étudia un instant les lieux, puis avança vers un tas de caisses dans lesquelles elle devrait trouver son bonheur. Elle avait bien fait de quitter les
autres en emportant un passe, elle n’aurait pas pu accomplir ses projets sans. Elle avait été obligée de se rendre dans la réserve d’armes de la police pour leur voler des revolvers et des
explosifs afin de fabriquer des bombes assez puissantes pour détruire les piliers. Ce qu’elle avait pris aux rebelles était bien insuffisant. Elle allait damer le pion à cette garce d’Oceany, elle
allait lui montrer qui était la plus forte…elle aurait donné tout ce qu’elle avait pour pouvoir voir sa tête quand la bulle de verre allait s’écraser sur elle en détruisant sa luxueuse chambre,
mais elle devrait fuir. Pas question de mourir pour tous ces idiots, elle installerait un système de commande à distance pour faire exploser les quatre bombes en même temps et lui permettre d’être
à l’abri à ce moment-là. Elle ne savait pas encore par où elle allait sortir de la ville, il faudrait peut-être faire exploser un coin de cette horrible bulle de verre prétendue indestructible ou
étudier le plan des égouts. Ca devait bien mener quelque part hors de la ville/ Mais elle n’en était pas encore là, elle avait le temps, il fallait d’abord construire les bombes.
Elle saisit son pied de biche et s’en servit comme levier pour faire sauter le couvercle d’une des caisses et sourit en découvrant ce qu’il y avait à l’intérieur : tout ce qu’il lui fallait pour
fabriquer des bombes, c’était vraiment parfait. Elle attrapa son sac à dos et le remplit de tout ce matériel, puis fila en vitesse, essayant de dissimuler sa joie, mais en vain : elle allait
bientôt offrir à cette ville un feu d’artifice mémorable.

—–

Kirstie observa les autres s’agiter et soupira : elle se sentait complètement inutile, parmi eux, elle aurait préféré être ailleurs, mais où ? L’Américain avait raison, elle leur devait
beaucoup de l’avoir délivrée de cette famille de dingue, mais elle ne voulait pas collaborer avec lui. Sa famille était morte à cause de tous ces yankees égocentriques qui s’étaient pris, une fois
de trop, pour les maîtres du monde. Même si ceux qui étaient là n’étaient pas responsables de la faute de leurs parents, elle refusait de les aider. Chacun sa croix, qu’ils se débrouillent avec
leur ville esclavagiste. La Chinoise s’approcha d’elle et lui sourit. Elle était la plus gentille de toute, mais elle s’en méfiait quand même : elle était du côté des américains, pas du sien.
« Ca va ?
– Oui.
– Tu n’as pas l’air dans ton assiette, et je sais pourquoi. Mais tu devrais faire taire tes rancœurs et te joindre à nous.
– Pourquoi ?
– Je t’ai déjà expliqué pourquoi. Ecoute, Kirstie, tu vois le problème sous un mauvais angle : si tu nous rejoins, tu ne seras pas du côté des Américains, bien au contraire. Tu seras contre cette
société qui nous opprime.
– Alors, pourquoi dans ce groupe il y autant d’Américains, tu peux m’expliquer ?
– Ce sont des rebelles, comme nous, ils se battent au nom de l’humanité et pas à celui de leur ancienne nation. Tu crois vraiment qu’Oceany t’aurait libéré de ta prison si elle avait été fière de
son pays ? Moi, je ne crois pas. Tout ce qu’elle veut, ou plutôt ce que nous voulons, c’est une société juste, où nous pourrons tous nous promener dans la rue et voir le soleil quelles que soit nos
origines et la couleur de notre peau.
– C’est une utopie.
– Non, c’est réalisable, mais plus nous serons nombreux, plus ce sera facile de parvenir à nos fins. Alors, tu vas nous aider ?
– Je ne sais pas, je verrai. »
Mai-Li lui adressa un nouveau sourire et retourna auprès de son compagnon, sans plus insister. Elle était si gentille avec elle, elle devrait accepter de rejoindre leur groupe, rien que pour la
remercier de son attitude envers elle. Mais elle restait rebutée par tous ces Américains…Mai avait beau dire, c’était d’abord pour eux s’ils se battaient pour qu’ils retrouvent leur liberté, mais
qu’allaient-ils faire des esclaves ? A aucun moment, il n’avait été question de les libérer. S’ils avaient un plan pour sortir ses congénères de leur prison, elle voulait en faire partie. Pour le
reste, il était encore trop tôt.

——

Alyson s’approcha de la fenêtre et admira le paysage que Technopolis, mais dès qu’elle regardait vers le bas, c’était sordide. Elle retourna devant son écran et voulut se concentrer sur ce
qu’elle faisait, mais l’image de la ville la hantait, elle haïssait…
Technopolis m’apporte le bonheur
Non, elle ne haïssait pas cette ville, c’était trop fort, mais elle s’y sentait si mal, c’était un véritable fiasco, tout…
Technopolis est un vrai paradis terrestre
Il y avait cependant quelques belles réussites, notamment les quatre anges qu’elle avait toujours admirés, mais quand la nuit tombait…
Technopolis est la ville parfaite
Toutes les lumières s’allumaient, c’était si beau, on se serait cru à Noël, avec les guirlandes, comme dans son enfance…
Bill Oxford fait un travail fantastique
Elle éteignit son ordinateur et soupira : elle s’ennuyait. Au départ, elle avait trouvé ça fantastique, cette idée de supprimer l’argent et le travail, mais que faire durant ces longues journées ?
On ne vendait plus de livres, tout passait par ordinateur et tous les classiques avaient disparu. Les programmes télés n’avaient aucun intérêt. Quant à aller se balader…elle avait vite fait le tour
des hautes sphères et elle refusait de descendre plus bas, c’était trop dangereux. Cette société était malsaine, elle était…parfaite. Non, ce n’était pas ça, c’était le contraire, Technopolis
n’était pas parfaite, elle était…un vrai paradis terrestre. Elle posa ses mains sur sa tête et serra, pour tenter de remettre un peu d’ordre dans sa tête, mais en vain : pourquoi tant d’idées
contradictoires, ça n’avait aucun sens, elle avait l’impression de…oui, de ne plus être maîtresse de ses pensées.
Elle se leva et se précipita dans la chambre d’Oliver où le garçonnet était en train de jouer avec de petits bonhommes en plastique. Elle se jeta littéralement sur lui et le couvrit de baisers, ce
qui le surprit.
« Mais qu’est ce que tu fais, maman ?
– Je…je t’aime, mon chéri, tu le sais, ça, hein ?
– Ben, oui. »
Elle était peut-être en train de devenir folle et si elle continuait sur cette voie, elle allait se retrouver enfermée, loin de ses enfants qu’elle aimait plus que tout, elle en mourrait
certainement. Elle avait peur, pour elle, mais surtout pour eux : que deviendraient-ils si elle partait ? Oceany était presque fiancée et pourrait s’en sortir seule, mais Oliver pourrait-il grandir
sans sa mère ? Le pauvre enfant était né dans des conditions chaotiques, ça avait été même de la folie de le garder, mais elle n’avait pas eu le cœur d’avorter. Il fallait qu’elle reprenne le
contrôle, pour lui.

Chapitre 11

Oceany regarda sa montre et soupira : Ethan était en retard et elle ne se sentait pas à l’aise dans cette station de monorail. Un type plutôt louche ne cessait de la lorgner et elle n’aimait pas
ça. S’il l’attaquait, elle saurait se défendre sans problème, certes, mais elle n’aimait pas se battre et ne le faisait qu’en dernier recours. L’homme lui adressa un sourire qui en disait long sur
ses intentions, ce qui la fit se raidir, mais elle ne bougea pas. Heureusement, une rame arriva et Ethan en descendit.
« Vous êtes en retard ! dit-elle, énervée.
– Excusez-moi, mais ce n’est pas ma faute ; j’ai dû inventer une histoire abracadabrante à Neve pour expliquer mon absence. J’allais quand même pas lui dire que j’étais aller voir une autre femme,
elle en aurait fait tout une histoire.
– Peu importe. Ne restons pas ici. »
Elle se dirigea vers la sortie, suivie de près par le jeune homme qui ne semblait pas particulièrement mal à l’aise dans cet endroit, ce qui l’étonna un peu. En général, les élitaires ne se
promenaient pas par ici, mais lui était comme un poisson dans l’eau. Ils traversèrent un petit parc sombre, qui ne lui inspirait pas confiance et elle sentit qu’il allait se passer quelque chose
quand un des buissons se mit à s’agiter sans raison apparente. Il y avait quelqu’un là-dedans. Elle se retourna vers Ethan et lui parla à voix basse :
« Vous courez vite ?
– Je me débrouille pas mal.
– D’accord. A mon signal, vous foncez, OK ?
– Pourquoi ?
– Faites-le, c’est tout. »
Il haussa les épaules, mais elle n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit qu’une dizaine de types sortirent de la végétation, les encerclant, Oceany sembla nerveuse : ça s’annonçait mal
« Salut, les mecs ! fit Ethan, qui ne semblait pas apeuré du tout.
– Vous les connaissez ? s’étonna-t-elle.
– Et bien…ce ne sont pas nos…
– Non, pas du tout, je ne les connais pas. »
Il prit alors conscience de la situation et perdit toute sa belle assurance, mais il ne craqua pas : après tout, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait agresser.
« Ecoutez, je vais faire diversion et vous, vous allez foncer au hangar chercher des renforts, ordonna-t-elle.
– Je ne sais pas où c’est et il n’est pas question que je vous laisse ici.
– Je me bats beaucoup mieux que vous, vous ne feriez que me gêner. Le hangar se trouve au fond d’une impasse, deuxième rue à gauche. »
Le type qui la lorgnait dans la station de monorail apparut alors et s’approcha d’elle, arborant toujours son sourire obscène. Il la saisit par le menton et lui caressa la joue avec son pouce.
« Comme on se retrouve, ma jolie ! C’est pas gentil de m’avoir laissé tout seul, tout à l’heure, j’étais pas content. Ecoute, j’ai une idée : tu me donnes ton passe et je te promets que je ne te
ferai aucun mal.
– Je ne vous crois pas.
– Je ne te ferai aucun mal, je te promets, mais ça ne veut pas dire que je ne te ferai rien. On peut s’amuser un peu, tous les deux, non ?
– J’ai d’autres projets pour ce soir, désolée. »
Elle lui envoya son genoux entre les jambes, ce qui lui coupa le souffle. Elle cria alors à Ethan de partir, tandis que les autres types lui tombaient dessus. Elle donna des coups à l’aveuglette,
ne sachant pas trop qui elle frappait, mais elle savait qu’elle allait vite perdre : à dix contre un, ça n’était pas équitable. L’un d’eux l’attrapa brutalement par les cheveux et la tira en
arrière, la faisant chuter, puis se jeta sur elle pour la ruer de coups, mais Ethan lui administra un fantastique coup de poing dans la figure qui le mit K.O, ce qui déplut fort à ses acolytes qui
commencèrent à s’en prendre au jeune homme. Oceany se releva rapidement et tenta d’aider son ami, mais ce n’était pas évident. Elle cogna un peu tout le monde sans trop réfléchir à ce qu’il fallait
faire, mais son sang se glaça quand elle vit un des voyous sortir son couteau et le pointer vers Ethan. Elle se rua vers lui et envoya son pied sur la main du bandit qui poussa un cri de douleur et
lâcha l’arme qu’elle récupéra aussitôt, puis elle saisit l’homme qui était en train de geindre par les cheveux et plaça la lame au niveau de la jugulaire.
« Bon, on arrête de jouer, maintenant ! Vous vous tirez ou je transforme votre copain en bouffe pour asticot, c’est compris ?
– Oh, ça va, t’énerve pas comme ça ! On se tire. »
Ils commencèrent tous à s’éloigner et elle relâcha alors son otage, qui s’enfuit piteusement. Ethan se jeta sur elle et l’étreignit fortement, apparemment ivre de joie :
« Ouah ! Vous êtes géniale, vous les avez atomisés ! Ils n’avaient pas l’air très glorieux en s’enfuyant !
– Ethan, je vous avais dit d’aller chercher les autres et vous ne l’avez pas fait. Ca aurait pu très mal tourner !
– Vous êtes sérieuse ? Je vous ai sauvé la vie.
– Pardon ?
– Si je n’étais pas intervenu, ce type vous aurait tabassé à mort et c’est comme ça que vous me remerciez ? On peut pas dire que la gratitude vous étouffe.
– Mais…
– Ne me dites pas que vous auriez pu vous en sortir seule, vous savez très bien que c’est faux.
– Je…merci, Ethan, de m’avoir aidée sur ce coup-là, mais à l’avenir, ne me désobéissez pas, d’accord.
– Si vous voulez, mais vous m’en devez une.
– Vous n’êtes pas sérieux, là ! On n’a pas de temps à perdre avec ce genre de futilités, et… »
Il l’attira brusquement vers lui et lui donna un baiser passionné, ce qui la calma complètement Pour la première fois depuis bien longtemps, elle s’abandonna au plaisir et mit plus de fougue dans
ce baiser, puis Ethan s’écarta d’elle et déclara : « On est quitte », avant de repartir tranquillement, les mains dans les poches, vers le hangar.

9 réflexions sur “Episode 16

  1. Bon, j’ai preumser, mais j’avais pas lu… Pis comme c’était l’épisode 16 et que ça ne fait pas si longtemps que je fréquente ce blog, et que je ne savais pas trop de quoi il retournait… Je viens de me taper tous les épisodes, du prologue à celui-là…

    J’avoue, j’ai fait l’impasse sur les commentaires, à part sur le premier…

    Alors, évidemment, je ne suis pas d’accord tout, avec certaines idées qui transparaiissent deci dela, mais c’est un roman, donc une ficition et, si ça ne me plait pas, j’au qu’à en écrire…

    Tout cela pour ne rien dire et en arriver finalement à la conclusion que… Tout ceci est bien agréable à lire et fort intéressant…

    Note à moi-même : Apprendre à faire des compliments sans se perdre dans d’interminables circonvolutions…

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