Episode 13

Oceany vérifia que personne ne rôdait autour de sa chambre puis elle enfila le CD-ROM qui contenait les fichiers volés dans le bureau de Bill. Elle commença à le consulter, mais la
porte s’ouvrit soudain, la faisant violemment sursauter. Elle ouvrit vite sur une nouvelle fenêtre afin d’empêcher son visiteur de voir ce qu’elle faisait, mais quand elle réalisa qu’il s’agissait
d’Oliver, elle soupira de soulagement. Il ne s’amuserait pas à fureter dans ses affaires.
« Tiens, Oliver, qu’est ce que tu viens faire ici ?
– Tu m’avais promis de jouer avec moi, hier, tu te souviens ? Je m’ennuie tout seul.
– Ah oui, c’est vrai…bon, c’est d’accord, mais pas trop longtemps, j’ai beaucoup à faire.
– Génial !  »
Il se précipita vers elle et grimpa sur ses genoux. Oceany lança le programme des jeux et ils commencèrent une partie de bataille sidérale, le jeu préféré du petit garçon. Elle était un peu ennuyée
de ce petit contretemps, mais elle ne pouvait rien refuser à son petit frère. Tout ce qu’elle faisait, sa lutte contre Technopolis, c’était pour lui. Il n’avait pas connu grand chose en dehors de
la guerre et de cette horrible cité, il n’avait pas pu apprécier les beautés de la nature qu’elle avait pu admirer, avant, ça leur était interdit, à présent. Elle lui avait souvent parlé des ciels
étoilés, des montagnes enneigées ou, tout simplement, du contact de la pluie et de son odeur sur sa peau, mais pour lui, ce n’était que des fables, des contes fantastiques au même niveau que les
sorcières et les dragons. Mais un jour, il pourrait connaître tout ça, lui aussi, elle se l’était jurée.
« Ouais, j’ai gagné !  » s’exclama-t-il, tout heureux.
Elle sourit et l’embrassa tendrement sur sa chevelure dorée et, à ce moment là, il lui posa une question qui la fit frémir.
« Ces trucs blancs, sur le jeun, c’est des étoiles, hein ?
– Oui.
– Pourquoi je les vois pas en vrai ?
– Parce que la bulle de verre qui est au-dessus de nous reflète la lumière de la ville et nous empêche de voir le ciel.
– Mais c’est pas juste ! Je veux voir les étoiles, moi !
– Je te jure qu’un jour, je t’emmènerai les voir.
– Quand ?
– Bientôt.
– C’est quand bientôt ?
– Quand tu seras sage. »
Oliver soupira, visiblement agacé d’entendre toujours la même réponse ; Finalement ? tous ses efforts pour être un gentil petit garçon ne servaient pas à grand chose. Il reprit sa manette et
recommença à jouer, mais il ne put pas finir sa partie car Oceany reçut de la visite. En effet, quelqu’un frappa à la porte et Mark entra, ce qui la surprit fort : qu’est ce qu’il pouvait bien
venir faire là ?
« Oliver, tu peux retourner dans ta chambre, s’il te plaît ?
– Oui. J’éteins juste le jeu.
– Non ! » s’écria-t-elle.
Oliver la dévisagea, interloqué, se demandant certainement ce qu’il avait pu faire comme bêtise pour qu’elle refuse ainsi de le laisser faire, mais s’il se trompait de fenêtre et ouvrait celle où
se trouvait les fichiers volés, elle était perdue. Elle lui sourit gentiment et lui sortit une excuse valable qui satisfit le petit garçon qui repartit dans sa chambre.
Elle resta un instant silencieuse, mal à l’aise. La dernière fois qu’elle s’était retrouvée seule dans une chambre avec lui, il lui avait carrément sauté dessus et elle n’avait aucune envie de
rejouer la même scène.
« Vous l’aimez beaucoup votre petit frère, hein ?
– Oui…vous voulez quelque chose ?
– Ouais, en fait…je venais m’excuser pour mon attitude d’hier, dans la chambre, je n’ai pas été correct, je m’en veux.
– Ce n’est pas grave, c’est déjà oublié. Au moins, on a mis les choses au clair sur ce sujet, il aurait fallu le faire à un moment ou à un autre.
– Ouais, c’est vrai. Je suis content que vous réagissiez comme ça, j’avais un peu peur que ça nuise à notre bonne entente. Je crois que ça aurait rendu mon père encore plus furax !
– Pourquoi ?
– Et bien, il trouve que vous êtes quelqu’un de bien pour moi, et s’il savait que j’ai failli tout gâcher en me comportant comme un idiot, il m’aurait passé un de ces savons ! Il est tellement
énervé, en ce moment, avec tout ce qu’il lui arrive.
– Qu’est ce qu’il lui arrive ?
– Kirstie s’est enfuie.
– Qui c’est, Kirstie ? demanda-t-elle en feignant de ne pas se souvenir d’elle.
– Notre esclave, vous savez, la noire. Elle a été aidée par des rebelles.
– Parce que les rebelles ont accès à nos étages ? Oh Seigneur, c’est plutôt inquiétant.
– Non, ils ne peuvent rien contre nous, ils sont trop faibles, ne vous en faites pas. De toute façon, mon père va tout faire pour les éliminer. D’ici quelques temps, les rebelles ne seront plus
qu’un mauvais souvenir. Bon, puisque tout est réglé, je ne vais pas m’attarder, j’ai à faire. A bientôt, Oceany. »
Il l’embrassa chastement sur la joue et repartit. Il était vraiment gentil, mais elle ne pouvait pas se permettre de ressentir quelque chose pour lui, c’était son ennemi.
Elle attendit un instant, puis retourna à son ordinateur pour pouvoir, enfin, étudier son CD-ROM. Elle consulta tous les fichiers concernant la constitution de la ville et en apprit ses points
faibles : les piliers. S’ils venaient à s’écrouler, la bulle de verre viendrait s’écraser sur la ville et détruirait tout, mais sacrifier tant de vies humaines était-il juste ? Non, certainement
que non, il faudrait penser à évacuer les gens avant de tout détruire, mais comment ? Il faudrait trouver un moyen de sortir hors le la ville et de permettre à ceux qui ne voulaient pas mourir de
partir.
Elle ouvrit d’autres fichiers peu intéressants, mais sa curiosité fut éveillée par l’un d’entre eux figurant sous le nom de confidentiel. Elle cliqua dessus et le lança, mais une fenêtre s’ouvrit,
lui informant qu’il lui fallait entrer le mot de passe ; elle tapa d’abord Bill, puis passa à Kelly et Mark, mais ça ne fonctionnait pas, alors elle essaya tout ce qu’il lui passait par la tête en
rapport avec Oxford, des noms de dictateurs les plus célèbres aux peintres de la Renaissance, mais aucun d’entre eux ne marcha. Au bout d’une heure, elle renonça et décida de partir rejoindre ses
amis, en bas : la nuit allait bientôt tomber et personne ne ferait attention à elle.
—–
    Kelly s’amusa à faire glisser son doigt sur le torse musclé de Bryan, qui ne réagit pas, habitué à ce petit manège. Elle adorait se retrouver seule avec lui dans le lit conjugal,
avec le risque de se faire surprendre qui augmentait son plaisir.
« Les rebelles sont montés jusqu’ici, déclara-t-il, soudain.
– Oui, je sais. C’est notre esclave qu’ils sont venus enlever, je te rappelle.
– Mais je croyais qu’avec les passes et tout ça, ils…
– Ils les ont volés, c’est pas plus compliqué que ça et je suis quasiment certaine de savoir qui les a aidés.
– Qui ?
– Oceany Antelwort Geller.
– C’est qui, celle-là ?
– La copine de Mark, voyons ! Elle est venue hier ici, et Kirstie a disparu le soir même et je suis la seule, dans cette maison, à trouver ça bizarre : Mark est complètement aveuglé par son amour
pour elle et Bill est persuadé que son fils est comme lui : il ne se trompe jamais. Quel crétin.
– Tu l’as épousé, pourtant.
– Je n’avais pas le choix, je n’ai fait qu’obéir aux ordres : il pense avoir le pouvoir absolu sur tous et ce n’est pas gênant tant qu’il se contente de décorer des salles ou, à la limite, de
lutter contre l’insécurité, mais on doit l’empêcher de faire des réformes, sinon tout va tomber à l’eau.
– Il ne fera jamais ça. Il est persuadé d’être omnipotent, une sorte de Dieu terrestre. Il est si fier de son succès qu’il ne changera rien, c’est certain, tout lui sourit.
– Espérons que tu aies raison. En attendant, surveille la petite Antelwort, je n’ai pas confiance en elle.
– OK, chef : si elle devient gênante, je ferai en sorte qu’elle soit…éliminée.
– Tu es vraiment parfait, ça mérite une récompense. »
Elle se pencha vers lui et l’embrassa fougueusement, tout en laissant sa main glisser sur son torse jusqu’à son sexe, afin de réveiller son désir.
—–
    Mai-Li se leva et rejoignit la nouvelle venue qui regardait la grande hélice, perdue dans ses pensées. Depuis son arrivée, elle n’avait quasiment rien dit, se méfiant de ses
sauveurs, ce que Mai comprenait parfaitement. Elle avait vécu la même chose quelques mois auparavant.
« Ca va ? demanda-t-elle à Kirstie, qui daigna cesser de regarder l’hélice pour porter son attention sur son interlocutrice.
– Oui.
– Je sais ce que tu ressens, j’ai été esclave, moi aussi. Ce n’est pas facile, au début, on se demande ce qu’on peut bien faire ici, enfermés dans cet horrible hangar sans pouvoir sortir, mais on
fait ça pour ton bien.
– Pour mon bien ? Je ne gagne rien, ici. En haut, j’étais prisonnière, mais ici, c’est pareil, j’ai pas le droit de sortir et, en haut, au moins, j ‘avais une chambre décente et une nourriture
correcte.
– Ici, tu retrouves ta dignité. Ils te traitaient comme un animal, là-haut, c’est tout simplement inadmissible ! On se bat pour faire respecter le droit de chacun et tu dois nous aider.
– Pourquoi ?
– Parce que ton droit le plus fondamental a été bafoué. Tous les hommes naissent libres et égaux en droit. Quels droits avais-tu là-haut ? Aucun, et tu n’es pas la seule dans ce cas, nous sommes
tous prisonniers, ici, il n’y a aucune liberté ! Nous ne pouvons pas aller où bon nous semble, nous sommes considérés comme inférieurs par rapport à l’élite et ça n’est pas normal. Au début, je ne
voyais pas l’intérêt de me battre pour tout ça, mais après réflexion, ça vaut le coup. Penses-y, Kirstie. »
La jeune noire retourna à sa contemplation de l’hélice, sans rien ajouter, indiquant à son interlocutrice que la conversation était terminée. Mai soupira et partit rejoindre Myo, son conjoint, qui
était en train de démonter un revolver de la police. Elle lui passa tendrement ses bras autour de son cou et l’embrassa sur la joue.
« Qu’est ce que tu fais ?
– J’essaie de le rendre plus performant : la police est vraiment sous-équipée, c’est pitoyable. Tu as parlé à la nouvelle ?
– Ouais : elle ne sait pas trop où elle en est, pour le moment, mais je pense qu’elle ne tardera pas à nous rejoindre. C’est toujours dur, au début.
– Mmm…je m’en souviens, en effet. Il est temps que tout ceci finisse, j’en ai marre de cette société.
– Moi aussi, mais on n’est pas encore prêts, il faut attendre. »
Myo ne répondit pas et recommença à trafiquer l’arme, jusqu’à l’arrivée d’Oceany, suivie de près par Maria.
« Bonsoir ! s’exclama la première d’entre elles. Ca va ?
– Oui, je suis en train de vous préparer un petit bijou.
– Et Kirstie ?
– Je lui ai parlé, ça devrait aller.
– Tu as lu le CD-ROM ? lui demanda Maria.
– Oui, j’ai après quelques trucs intéressants sur la ville, mais il me manque un mot de passe pour accéder au fichier confidentiel. J’ai beau m’être creusé la tête tout l’après-midi, je ne l’ai pas
trouvé. Enfin, si on veut détruire la ville, il faut s’attaquer aux quatre piliers.
– C’est parfait : on passe à l’action quand ?
– Enfin, Maria, réfléchis un peu : on ne peut pas faire ça, ça tuerait trop de gens innocents.
– La fin justifie toujours les moyens.
– Je refuse de faire ça, un point c’est tout. Nous nous battons pour rendre aux gens leur liberté et leurs droits, pas pour les tuer. Pour foutre toute cette ville en l’air, il faut s’attaquer à ce
qui fait sa force.
– C’est à dire ?
– L’informatique. On vous appelle les exclus parce que vous n’êtes pas équipés, vous ne pouvez que difficilement survivre dans cette ville à cause de ça. Les ordinateurs ont remplacé l’argent. Vous
en avez, tant mieux, vous n’en avez pas, tant pis. Si on trouvait le centre informatique de la ville et qu’on le détruisait, Technopolis serait paralysé et les gens paniqueraient assez vite, ce qui
créerait une révolte qui briserait tout sur son passage.
– D’accord, on va essayer ça, mais si ça ne marche pas, je fais tout sauter, avec ou sans ton aide. »
Maria lui jeta un regard noir et repartit vers un autre groupe qui préparait une expédition dans le parc, pour voler d’autres passes : on n’en avait jamais assez. Myo observa un instant leur chef
d’un air interrogateur, puis finit par formuler sa question :
« Qu’est ce qu’il lui prend ?
– Elle a une dent contre moi, je vais aller lui parler, quand elle rentrera, pour la calmer, un peu. On doit être soudés au maximum. Au fait, comment va Wadeker ?
– Il est plutôt calme, ça va, il ne fait pas d’histoire. Un vrai prisonnier modèle.
– Mmm…je pensais à un truc : il faudrait qu’il discute avec Kirstie.
– En voilà une drôle d’idée ! s’exclama Mai.
– Peut-être pas. Je pense qu’il sera révolté quand il apprendra que Bill Oxford avait une esclave , car c’est de l’abus de pouvoir. Et peut-être qu’en voyant sa réaction, Kirstie se rendra compte
que ce qu’elle a vécu était inadmissible et acceptera de se battre avec nous pour changer tout ça.
– Je ne sais pas si ça va marcher.
– On peut toujours essayer. Je vais déjà commencer à préparer le terrain et, avec de la chance, nous aurons bientôt un nouvel allié dans l’élite. Ca marche ?
– Si tu penses que ça peut marcher, pourquoi ne pas essayer ? répondit Myo. Après tout, on n’a rien à perdre.
– Exactement. Bon, je vais discuter avec Wadeker pour le sensibiliser, un peu et, quand j’aurai fini, on y enverra Kirstie. Je suis certaine que ces deux-là auront un tas de choses à se dire. »

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5 réflexions sur “Episode 13

  1. Ben zut alors !!! Z’est pas zuste ! Il va falloir rattraper ça. Enfin, bravo au gagant du Preums, ça mérite un apéro. Tu es invitée, Nina, bien entendu… Je te présente même au prix Pulitzer avec ton talent 🙂 !

  2. et ben… j’avoue que j’ai eu un peu peur qu’on ne l’aie jamais, celui là… ça ne fait que plus plaisir de le lire!
    bien joué 😉

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